Quel impact la pandémie de Covid-19 a -t-elle eu sur les médias et journalistes ?
Projet associé
Ama BaadCFI publie une étude sur l'impact de la pandémie de Covid-19 au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye, en Égypte, au Soudan, au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Palestine, en Irak et au Yémen.
La pandémie de COVID-19 a fortement impacté le secteur des médias et les journalistes.
Au niveau mondial, on a pu constater, en s’appuyant principalement sur un travail de documentation et de synthèse, une recrudescence des atteintes à la liberté d’expression et des risques pour les journalistes et, dans les pays sur lesquels porte cette étude (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Soudan, Liban, Jordanie, Syrie, Palestine, Irak et Yémen), on peut voir se dessiner cinq tendances :
> de nombreuses arrestations de journalistes ;
> la mise en place des législations spécifiques concernant la diffusion de fausses informations ;
> l’instauration d’états d’urgence ;
> une forme de censure exercée sur les médias, de la part des autorités ;
> l’arrêt des impressions de la presse papier.
Cependant, il est important de souligner que dans tous ces pays, des crises préexistaient à la pandémie. La pandémie a contribué à accentuer les dysfonctionnements déjà existants.
"Pendant les 3 mois de confinement strict, les gens restaient chez eux, devant leurs écrans, et voulaient suivre les actualités, provoquant une hausse d’audience sur toutes les plateformes du média."
Un journaliste de Dooz, média palestinien Nous avons collecté des données sur les pays ciblés par l’étude à travers une enquête portant sur l’impact socio-économique de la pandémie sur les médias et les journalistes. Notre analyse est basée sur 19 études de cas menées avec des acteurs et actrices des médias de neuf pays, ainsi que sur un questionnaire anonyme auquel ont répondu 74 journalistes.
Nous avons pu dégager quelques tendances générales :
> les ressources financières des médias sont en baisse, en raison de la diminution des recettes publicitaires et du chiffre d’affaires concomitamment à l’augmentation des coûts de production. Cette situation a un impact direct sur celle des journalistes dont les revenus ont globalement baissé ;
> les audiences sont globalement en hausse ;
> les contenus évoluent sur la forme en raison de contraintes techniques mais également sur le fond. Nous constatons, ainsi, une augmentation de la proportion de contenus ayant une dimension de sensibilisation mais également une hausse des contenus à caractère scientifique. En termes de volume, la production d’information semble avoir augmenté notamment ;
> de nouvelles approches et pratiques du journalisme sont adoptées, en particulier au niveau des méthodes d’accès aux sources d’information ;
> la santé mentale et la sécurité des journalistes semblent se dégrader ;
> les médias et les journalistes restent attachés à leur mission d’information.
Violence en ligne
42% des journalistes (femmes et hommes) ont été victimes de violences en ligne.
Comment les journalistes envisagent leur avenir professionnel :
> 32 femmes et 28 hommes souhaitent continuer et pensent que leur situation va s’améliorer ;
> 8 hommes et 5 femmes souhaitent continuer et estiment que leur situation va rester égale ;
> 5 hommes et 2 femmes souhaitent changer de profession ;
> 2 hommes et 2 femmes souhaitent faire une pause ;
> 6 hommes et 0 femmes souhaitent continuer mais estiment que leur situation va se détériorer.
À partir des tendances identifiées, nous proposons un ensemble de cinq recommandations opérationnelles visant à augmenter la résilience des médias face aux évolutions en cours et à améliorer la qualité du travail des journalistes et de l’information délivrée aux populations dans le contexte de la pandémie et au-delà :
> aboutir la transition digitale ;
>renforcer les réseaux de journalistes et/ou de médias ;
>lutter contre les inégalités salariales fondées sur le genre ;
>favoriser le bien-être psychologique des journalistes et lutter contre le cyberharcèlement, notamment celui dont sont victimes les femmes journalistes ;
> favoriser des soutiens financiers plus souples ;
>instaurer une veille de l’évolution des libertés.