Princesse Rym Ali de Jordanie

Princesse Rym Ali de Jordanie

Journaliste algérienne, Rym Ali est devenue princesse de Jordanie en épousant le prince Ali Bin Al Hussein. Elle a fondé en 2007 le Jordan Media Institute (JMI), une institution éducative qui forme des journalistes en Jordanie et dans la région.

Pour quelles raisons avez-vous décidé de créer le JMI ?
Après avoir pratiqué le journalisme pendant une douzaine d’années, y compris comme reporter de guerre, j’ai tout d’abord voulu étudier comment offrir des formations de haut niveau de manière plus systématique à ceux qui s’intéressaient au monde des médias. Au long de mes recherches, j’ai réalisé que la priorité était d’axer davantage sur la pratique et de mettre l’accent non pas sur la communication mais sur le journalisme. La formation devant permettre aux journalistes formés de développer un contenu solide tout en étant en mesure d’utiliser les technologies modernes. Je souhaitais également offrir aux étudiantes et étudiants de la région qui aspiraient à cette profession, un diplôme reconnu, beaucoup considérant que seuls la médecine, l’ingénierie ou le droit comptaient vraiment. Il ne fallait pas seulement proposer un master, mais également des formations, si possible continues, et accessibles aux journalistes déjà établis. En même temps, il fallait assurer la viabilité économique de l’Institut, qui demeure une préoccupation réelle.

Jordan Media Institute

Quels sont vos principaux projets de formation avec les jeunes journalistes ?
Nos projets concernent directement ou indirectement les questions relatives aux droits humains, à l’égalité des genres et à la lutte contre l’incitation à la haine, via notre site de vérification des faits Akeed.jo. Avec un accès largement répandu aux réseaux sociaux, il est crucial que nos sociétés sachent employer ces technologies de la meilleure manière qui soit.
Nous sommes très satisfaits des formations menées depuis plusieurs années dans le domaine de l’éducation aux médias, avec des adolescents et des étudiants, ainsi qu’auprès des enseignants.
Il reste cependant beaucoup à accomplir dans ce domaine.

rym aliQuel rôle votre institut a-t-il joué dans le contexte des printemps arabes ?
De la Tunisie au Yémen, en passant par l’Égypte, les foules demandaient non seulement des réformes politiques mais aussi une réforme des médias. Le JMI a poursuivi son rôle d’éducation à un moment crucial dans la région. Nous avons noté, durant cette période, une sorte de confusion entre journalistes et activistes, tous deux utilisant souvent une même technologie, voire des approches similaires.
J’espère qu’en créant le site Akeed.jo de vérification des faits et en maintenant le cap sur notre rôle d’éducateurs, nous avons pu contribuer à former des journalistes capables de favoriser les réformes du paysage médiatique de la région.

Quel bilan tirez-vous de ces projets menés au cours de ces dernières années par le JMI ?
Je peux vous citer quelques chiffres : à la fin de 2020, 287 étudiantes et étudiants ont décroché leur master et 88% ont trouvé un emploi. Nous avons réalisé 367 formations auxquelles ont participé 7 227 journalistes et stagiaires journalistes, incluant les formations de CFI pour lesquelles nous avons eu des retours très positifs.
Il est important aujourd’hui de proposer des formations continues de haut niveau, qui mêlent journalisme et technologie, surtout en langue arabe. En effet, une connaissance de la science des données est désormais indispensable et les formations en arabe dans ce domaine sont rares. Les projets doivent de plus en plus inclure des spécialisations. Il faut que les journalistes sachent poser les bonnes questions pour apporter au public des informations claires. Et continuer à tout prix l’éducation aux médias pour les enfants, mais aussi les parents et les enseignants, afin d’aiguiser leur sens critique.

akeed


Selon vous, à quels défis est confrontée la jeune génération de journalistes jordaniens d’aujourd’hui ?
Un des défis essentiels est de trouver du travail dans ce domaine. Comme partout ailleurs, les médias en Jordanie font face à de grands problèmes financiers. La vente de journaux a considérablement baissé, ce qui limite les rentrées financières. Les publications ont besoin d’aide pour convertir leurs contenus en versions en ligne génératrices de revenus.
Les autres défis concernent les nouvelles lois relatives aux médias électroniques et à l’autocensure. Les journalistes ont tendance à faire preuve d’une extrême prudence dès qu’ils touchent à des sujets délicats,
même si la fameuse ligne rouge se situe un peu plus loin qu’ils ne le pensent. Beaucoup d’entre eux se limitent donc à publier des déclarations officielles sans prendre la peine de poser des questions ou de demander des clarifications, alors qu’il existe bel et bien une loi relative au droit à l’information en Jordanie et depuis plus longtemps qu’ailleurs dans la région.

Les journalistes ont tendance à faire preuve d’une extrême prudence dès qu’ils touchent à des sujets délicats, même si la fameuse ligne rouge se situe un peu plus loin qu’ils ne le pensent.

Et plus globalement pour les journalistes de la région ?
De manière générale, beaucoup parlent d’un recul des médias de la région. Il est difficile, voire faux, d’analyser ces médias comme une entité. Le paysage médiatique est aussi diversifié que le sont les conditions dans chaque pays. Les journalistes ont tendance à reproduire largement ce qui est publié hors de la région, évitant ainsi de prendre des risques. Les limites qui leur sont imposées ont, de manière générale, augmenté, alors que tout le monde avait pensé en 2011 qu’il y aurait davantage d’ouverture.


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aswatjadida presse

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