Quel rôle les médias jouent-ils dans la réconciliation et la cohésion sociale en Irak après Daech ?

Quel rôle les médias jouent-ils dans la réconciliation et la cohésion sociale en Irak après Daech ?

Les Mosul Talks se sont tenus à Mossoul les 23, 24 et 25 mars 2018 et à Erbil le 10 avril 2018.

« Quel rôle les médias jouent-ils dans la réconciliation et la cohésion sociale en Irak après Daech ? » est le compte-rendu des Mosul Talks organisés par CFI & Media in Cooperation and Transition (MiCT) et financé par le Ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères et l'Office allemand des Affaires étrangères.

Présentation

La nécessité de soutenir et de renforcer la coopération et le dialogue entre les différents acteurs de la réconciliation est indéniable. La coordination et le partage de connaissances peuvent améliorer la compréhension et offrir un point de départ pour construire des sociétés résilientes autour de communautés plurielles. Afin de faciliter cette discussion pour la province de Ninive, désormais libérée de l'emprise de Daech, le projet Tasalah, financé par le Ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères et mis en œuvre par CFI et l'ONG allemande MiCT (Media in Cooperation and Transition), a élaboré une série d'événements intitulés #MosulTalks.
Ces événements consistait à mettre en relation les différents acteurs impliqués dans les efforts de réconciliation, de reconstruction et de réintégration des populations dans les territoires récemment libérés de la province de Ninive. Ils visaient ainsi à étudier le rôle potentiel des médias dans la promotion de la cohésion sociale et de la réconciliation dans cette province et à Mossoul.

Les #MosulTalks se sont déroulés en deux temps : tout d'abord une série de trois ateliers, organisés les 23, 24 et 25 mars 2018 au Book Forum de Mossoul a réuni des organisations de la société civile locale, des universitaires, des médias et des représentants des pouvoirs politiques de toute la province pour réfléchir aux problématiques et défis majeurs liés à l'éducation, la justice transitionnelle et la gouvernance. Ensuite, une conférence de restitution a été organisée à Erbil le 10 avril 2018 et a ouvert le débat sur une plus grande échelle en y intégrant la communauté internationale.
Ce rapport présente les points clés discutés lors de chaque événement, ainsi que certaines recommandations et actions envisagées.

Contexte

Libérées de l'emprise de l'État islamique (EI) en juillet 2017, Mossoul et la province de Ninive doivent relever quantité de défis politiques, sociaux et économiques. Avec la destruction de plus de 70 000 maisons, écoles, ponts et systèmes hydrauliques, la reconstruction des infrastructures de la ville s'est imposée comme une priorité. Un travail de déminage est également nécessaire. Alors que la population de la province tente peu à peu de reprendre une vie « normale », les efforts de reconstruction se font d'autant plus impératifs.
À l'heure actuelle, différentes forces de sécurité assurent la protection civile à travers la province. L'armée irakienne, les unités de mobilisation populaire Hachd al-Chaabi et les forces sunnites de mobilisation tribale Hachd al-Ashairi font partie des nombreux acteurs chargés d'assurer la sécurité nécessaire au retour des déplacés internes (DI). Cependant, le retour de milliers de DI à Ninive a mis en évidence le manque de sensibilisation et d'aptitude à la réconciliation et à la réintégration au sein des nombreuses communautés qui forment le tissu social de la province : chrétiens, Yézidis, Kurdes, Turkmènes, Shabaks, chiites et sunnites. Les problèmes d'exclusion qui existaient avant le siège de Mossoul par l'EI restent d'actualité, exacerbés par l'absence de pouvoir économique et social ressenti par beaucoup.

Le sort des individus considérés comme des collaborateurs ou des partisans de l'EI, et leur réinsertion éventuelle dans la société représentent un autre défi de taille. Les collaborateurs présumés et leur famille continuent de faire l'objet de violentes attaques de représailles, alors que les mécanismes officiels de justice transitionnelle restent très largement méconnus. Face à une telle situation, peut-on vraiment espérer une réconciliation ?
Les pouvoirs locaux semblent disposer des moyens nécessaires pour soutenir les efforts de réconciliation, en impliquant notamment des représentants élus au sein des nombreuses communautés de la province de Ninive. Toutefois, malgré le rétablissement du Conseil provincial de Ninive et la mise en place d'initiatives de consolidation de la paix, les citoyens sont en mal d'orientation.
Renforcer la gouvernance locale et la représentation communautaire est primordial pour apaiser les tensions ethno-sectaires.

L'éducation représente un autre défi majeur des efforts de réconciliation dans la province de Ninive. Après la prise de Mossoul, l'EI a mis la main sur le système éducatif, fermant plusieurs écoles et remplaçant le programme irakien par son propre programme à forte orientation idéologique. La fermeture des universités a enlevé à la jeunesse tout espoir de faire des études supérieures. Les tentatives de diffusion de l'idéologie radicale de l'EI au sein de la jeune génération de Ninive suscitent également une inquiétude croissante.
Il est essentiel d'agir sur le traumatisme subi par les enfants et les jeunes, et de mettre en place des structures éducatives adéquates, avec un programme approprié, afin de permettre à cette génération d'aller de l'avant et de préparer son avenir. Ces mesures seront également indispensables au gouvernorat pour prévenir toute résurgence d'idéologies extrémistes.
Pour l'essentiel, ces défis font l'objet d'initiatives mal organisées mais dynamiques émanant de la société civile, dans les domaines de l'éducation, de la reconstruction, de la cohésion sociale ou de la justice, qui viennent combler le vide créé par un manque de structures de gouvernance définies. Dans le cadre de la reconstruction de la ville et du rétablissement de normes sociales, les médias de Mossoul peuvent jouer un rôle important en tant que source d'information sur la reconstruction, les services publics et les activités des pouvoirs locaux.

Les médias peuvent éduquer les enfants et les jeunes, et servir de plate-forme d'échange et de dialogue pour les citoyens, d'une part ; et entre les citoyens, les pouvoirs politiques et la société civile, d'autre part. Il est vital de renforcer le rôle des médias pour qu'ils puissent soutenir la mise en place d'un gouvernement inclusif et de projets de réconciliation concrets.

Sommaire

Atelier de Mossoul sur l'éducation
23 mars 2018

Atelier de Mossoul sur la justice transitionnelle
24 mars 2018

Atelier de Mossoul sur la gouvernance
25 mars 2018

Lacunes des médias identifiées au cours des ateliers de Mossoul / Opportunités pour les médias identifiées au cours des ateliers de Mossoul

La conférene de synthèse à Erbil
10 avril 2018


Auteurs :
Aida Al-Kaisy, expert médias & développement
Henrik Ahrens, expert médias & gouvernance
Anja Wollenberg, responsable de la recherche à Media in Cooperation and Transition (MiCT)
Crédits photos :
Toutes les photographies de Mossoul sont d'Ali Y. Al-Baroodi, professeur d'anglais à l'Université
de Mossoul et photographe.

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