Moi, journaliste libyen : regards croisés sur le journalisme

Moi, journaliste libyen : regards croisés sur le journalisme

À la lumière des défis et des conflits que connaît la Libye depuis 2011, les médias se sont vu assigner de nouveaux rôles.

Afin de préserver le dialogue démocratique en Libye, CFI a lancé le projet Hiwar au début de l’année 2017, en partenariat avec le Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Cette initiative a proposé durant plusieurs mois un espace d’expression rassemblant différents points de vue sur et par la presse libyenne. Douze journalistes d’origine libyenne, de Jordanie, de Turquie, d’Égypte et de Tunisie, ont participé à des ateliers autour de différentes thématiques (éthique et déontologie, journalisme et fonctions politiques, pratique du journalisme en exil, indépendance du journaliste, etc.).
À l’issue de ces échanges, plusieurs ont témoigné, à travers des textes libres, de leur expérience en tant que journaliste au cours des dernières années et de leur vision actuelle des médias en Libye.
En voici quelques extraits.

journalistes lybiens

Ces témoignages font partie du livret Moi, journaliste libyen, qui regroupe des textes libres préparés par les journalistes du projet Hiwar.

rhaledAvec le déclenchement de la Révolution de février 2011, les Libyens ont vu naître plusieurs chaînes de télévision et de nouveaux journaux. De jeunes journalistes, qui n’avaient jamais pratiqué ce métier auparavant, se sont fait connaître. Cette époque leur a permis de s’unir dans leurs discours, pour combattre Kadhafi et mettre fin à son règne. Ces années nous ont appris que l’autorité centrale était un fardeau que le peuple devait porter. L’absence d’autorité, ou sa disparition, était en effet l’un des objectifs de la population qui manifestait dans les rues en clamant “le peuple veut renverser le régime”, explique Khaled Al Dib, de Radio Libya, à Tripoli.

ibrahim allahIbrahim Mohamad Alhaji raconte, de son côté : J’ai rejoint ce mouvement avec ma plume qui, durant de nombreuses années, avait été réprimée, incapable d’écrire ce que je voulais, n’exprimant que ce que les autres lui imposaient. Et il poursuit : Une nouvelle ère commença et le journalisme prospéra. Arrivèrent alors de nouveaux et nombreux dirigeants. Revoilà les lignes rouges, plus nombreuses qu’auparavant. De nouvelles normes furent également imposées : soit tu écrivais ce qu’ils voulaient, soit tu mourais.

sleimanÊtre journaliste aujourd’hui en Libye, pour Sleiman Al Barouni, de Radio Alwasat au Caire, c’est comme se déplacer dans un champ de mines. Cette liberté qui s’est exprimée sans limites s’est ainsi transformée en absurdité, notamment en raison des financements politiques et de la forte corruption des médias.

hiwar libye


tarekComme le souligne Tarek Abed Al Salam Al Houni, rédacteur en chef chez Clouds news agency à Tripoli : Avant la révolution : hypocrisie, flatterie et éloge ; après la révolution : caprices, intérêts et complots…

houdaPour Houda Al Chaikhi, journaliste à la chaîne Libya Alhadath à Benghazi : Nous ne vivons pas aujourd’hui une crise de la profession, mais bien au contraire, une profession de crise. Celle-ci a imposé des contraintes au journalisme, l’utilisant comme arme fatale contre la société. Il n’y a pas de professionnalisme et les forces qui sont au cœur du conflit aujourd’hui refusent d’accepter l’autre ou de coexister avec lui.

rizkJe pense qu’avec le temps, le journalisme ne devrait plus être uniquement considéré comme un espace qui nous permet d’atteindre le monde. Je crois qu’il se définit avant tout avec des termes tels que responsabilité, crédibilité, liberté, professionnalisme, respect de l’humanité et objectivité, déclare enfin Rizk Faraj Rizk, journaliste indépendant à Tobrouk. Et il conclut : Je suis journaliste. Mon arme, c’est ma plume avisée qui ne blesse personne ni ne tourne en dérision […] Je suis un journaliste libyen et ma mission est noble.


À travers les témoignages, les portraits de journalistes et les aventures humaines de notre série Aswat Jadida (Nouvelles voix, en arabe), découvrez dix années d’appui au développement des médias dans le monde arabe.

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