Les chrétiens du Moyen-Orient, de persécutions en persécutions

Les chrétiens du Moyen-Orient, de persécutions en persécutions

Découvrez une sélection des meilleurs articles traitant de la diversité culturelle et religieuse au Proche-Orient, reçus dans le cadre du concours Naseej lancé par CFI et SKeyes en octobre 2017.

Cette semaine, le journaliste marocain Nabil Bakani retrace les persécutions qu'ont subi les chrétiens au cours des siècles en Irak et en Syrie, mais aussi en Libye et en Égypte.

Paru dans Rai Al Youm le 13 janvier 2017


Il n'y a aucun doute sur le fait que les combats armés dans les régions de conflits au Moyen-Orient n'épargnent ni ethnies, ni religions. Mais ce qui est sûr, d'après les rapports diffusés par les médias ou d'autres sources, c'est que les minorités, religieuses ou ethniques, sont les victimes les plus ciblées parmi la population civile. On ne peut nier que les minorités religieuses et communautaires comme les Yézidis, les chiites, les Kurdes et les Druzes, les fidèles de la religion chrétienne dans toutes ses confessions et ses églises, restent les plus ciblées dans les régions en conflit, même s'ils sont les plus nombreux et qu'ils vivent sur ces terres depuis des siècles.

La persécution des chrétiens n'est pas caractéristique des foyers de tension au Moyen-Orient, comme en Syrie et en Irak. Elle concerne aussi les régions qui jouissent d'une certaine stabilité et sécurité, mais qui présentent de profondes divisions politiques, comme en Égypte, qu'on ne peut exclure de la liste des pays où les chrétiens sont persécutés.
Cette persécution n'est pas nouvelle, mais des raisons historiques ont poussé d'autres communautés à donner le nom de demandeurs de protection aux chrétiens alors que les terres qu'ils habitaient leurs appartenaient. Le christianisme a émergé de cette région du monde, il est le berceau de toutes les religions monothéistes et est resté la religion officielle jusqu'au IVème siècle. Il représentait, jusqu'à la fin du XXème siècle, 20% de la population mondiale.
Même s'ils ont vécu plus de deux mille ans dans cette région, les chrétiens ne représentent actuellement que 5% de la population. Au fil du temps, ils se sont toujours retrouvés victimes des convoitises des dirigeants et des régimes dictatoriaux arabes. Ces événements ont causé leur migration massive, ce qui a contribué à la diminution de leur nombre. Leurs souffrances ont été considérées comme très dures à plusieurs époques, notamment durant les événements de 1915 et 1917 et les campagnes de génocides à l'égard des Arméniens de l'Empire ottoman, persécutés à cause de leur foi chrétienne. Des sources indiquent l'implication du mouvement des Jeunes-Turcs, un mouvement nationaliste laïc qui a mené la révolution de 1908. D'autres indiquent également que la Turquie avait signé un traité secret avec l'Allemagne, son allié en 1914, stipulant le changement de la frontière Est de l'Empire ottoman pour y inclure un passage menant aux communautés musulmanes en Russie. Ceci impliquait l'éradication des Arméniens de cette région, afin de réunir le peuple ottoman face à la menace de la Première Guerre mondiale.

Dignité et liberté

Tel est également le cas dans les républiques modernes qui ont adopté le régime de l'État-nation de façon formelle.
Leurs souffrances ne sont pas moins atroces que celles qu'ils avaient vécues auparavant. Les chrétiens n'ont pas échappé aux ambitions et aux manœuvres politiques servant des intérêts étroits. Ils ont gardé leur place en tête de la liste des personnes les plus ciblées par les régimes dictatoriaux. Après des années de discrimination, que ce soit en Égypte au temps de Moubarak, sous le régime de Saddam en Irak ou sous celui de la famille Al Assad en Syrie, beaucoup de gens se sont réunis, pour protester au sein des manifestations du Printemps arabe, avec pour devise : dignité et liberté. Après la chute du régime de Moubarak, les chrétiens d'Égypte, et par la même occasion leurs homologues dans la région, ont savouré le goût de l'espoir de vivre dans un nouvel État. Un État fondé sur la base de la citoyenneté garantie par la loi et la Constitution, dans le cadre d'un ensemble de droits dont tout le monde doit jouir sur un pied d'égalité et non sur des bases ethniques, confessionnelles, héréditaire ou quelque autre composante sur laquelle se sont basés les États modernes après l'indépendance. L'espoir ressenti par les chrétiens n'a pas tardé à se transformer en drame, et au lieu d'obtenir l'égalité et la liberté entre les individus, ils se sont à nouveau retrouvés contraints de renoncer à ce qui leur restait de droits.

Si en Égypte il était d'usage de nommer deux ministres coptes au gouvernement, il s'agissait davantage d'affichage cosmétique et masquait le fait que l'ensemble des Coptes restait privé de plusieurs postes dans la fonction publique.
Leur situation a connu une dégradation sans précédent dans l'histoire contemporaine de l'Égypte sous le régime des Frères musulmans. Rien n'a ensuite changé sous Abdel Fattah al-Sissi qui est venu au pouvoir après la chute du régime de Morsi et qui règne d'une main de fer. Voici la situation en Égypte, un pays qui jouit d'une certaine stabilité et sécurité.
Dans d'autres régions, en Syrie et en Irak, où les conflits armés font rage – et en jetant un rapide coup d'œil au nombre de chrétiens au Liban où ils constituaient environ 55% de la population avant la guerre civile de 1932, alors qu'ils ne constituent que 29% de la population aujourd'hui – on obtient une vision de la situation que vivent ces minorités dans les zones de conflits. À Mossoul, par exemple, quand l'organisation de l'État islamique a pris le contrôle de la ville, Daech en a profité pour nommer Abou Baker Al-Baghdadi à la tête du Califat islamique et a imposé sa doctrine au peuple. Depuis, les chrétiens font face à des situations difficiles et même à des persécutions sous plusieurs formes, comme indiquer les maisons leur appartenant en y inscrivant la lettre ن en leur donnant le choix soit de partir, soit d'être exécutés. Pire encore, en Libye, 21 égyptiens coptes ont été exécutés, message que Daech a considéré comme étant une lettre sanglante à la nation de la croix.
À Raqqa, en Syrie, Daech a donné le choix aux chrétiens de verser un tribut en or ou de s'en aller. Il leur a été interdit de pratiquer leur religion, de restaurer leurs églises ou de porter un crucifix dans les lieux publics. Puis il leur a été interdit d'utiliser des hautparleurs à la lecture de la Bible, de posséder des armes à feu ou de boire des boissons alcoolisées, d'après le magazine anglais Times.

Les courants extrémistes de l'islam ont de tout temps été accusés d'être d'hostiles à l'égard des minorités religieuses dans la région. Cependant, la vague du Printemps arabe et ses répercussions politiques profondes et tensions idéologiques ont dévoilé des réalités qui ont toujours été des craintes. L'islam politique, qui se proclamait modéré, s'est avéré ne porter que de la haine à l'égard des autres confessions.
En conclusion, nous aimerions rappeler que, pour 100 victimes de haine ethnique, 75 sont chrétiennes. Une question se pose alors : pouvons-nous imaginer l'avenir du Moyen-Orient sans ses confessions ? Ou pouvons-nous même imaginer les confessions du Moyen-Orient dans des pays différents de leurs pays d'origine ?

Retrouvez tous les articles du concours Naseej dans le livret Quels destins pour les minorités au Proche-Orient ?

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