Canal 2 international, le média camerounais tourné vers l’avenir

Canal 2 international, le média camerounais tourné vers l’avenir

Un jour dans mon média est une série de témoignages, qui illustre chaque semaine le quotidien de personnes travaillant dans les médias de l'Afrique, du monde arabe et de l'Asie du Sud-Est, accompagnés par CFI.

Cette semaine, entretien avec Carole Yemelong de la chaîne de télévision Canal 2 International au Cameroun.


Carole Yemelong est une jeune Camerounaise de 36 ans.
Après un master de journalisme à l'ESJ Lille, puis des études en sciences politiques et en chimie, elle se lance dans le métier de journaliste en débutant à la radio communautaire Yemba, qui promeut les langues locales. Après avoir travaillé à La Nouvelle Expression puis chez Equinoxe, elle entame un contrat à Sweet FM, la radio partenaire de Canal 2 International au sein du groupe TV +.

Canal 2 International est une chaîne de télévision privée lancée en 2003 par l'ingénieur en télécommunications camerounais Emmanuel Chatue, propriétaire de TV+.
Au début, TV + est essentiellement un opérateur de distribution d'images.
C'est ensuite que l'entrepreneur décide de créer des chaînes de télévision et de faire de TV + un groupe de presse. Aujourd'hui en plus de la chaîne standard, trois chaînes ont rejoint le bouquet : Canal 2 International Movies, Canal 2 International English et Canal 2 International Musique.

Un média qui se veut moderne

Carole Yemelong est d'abord rédactrice en chef de Sweet FM, la radio du groupe de 2011 à 2017, puis elle devient coordinatrice du pôle institutionnel et production jusqu'en janvier 2017. Elle prend le poste de Directrice des programmes de la chaîne et s'occupe de la programmation, de l'achat et de la suggestion de nouveaux contenus et de l'uniformisation de la ligne éditoriale : « Je suis un peu le gendarme du média », commente-t-elle dans un sourire.
Disponible à la fréquence 301 sur Canal +, Canal 2 International est un média qui veut apporter de la fraîcheur à l'univers médiatique camerounais. Il s'adresse principalement aux jeunes, à la diaspora et au Camerounais lambda, désireux de s'informer correctement.

C'est d'ailleurs pour cette raison que le média s'est engagé dans une véritable transition numérique depuis quelques années :
« La consommation traditionnelle de télévision change très vite. Selon une étude de Huawei, il y a un taux de pénétration de smartphones de 51% au Cameroun. Les jeunes regardent la télé et les vidéos sur leurs téléphones désormais, donc nous migrons très logiquement vers des supports numériques », avance Carole.
Le site web occupe une place importante dans cette stratégie, les émissions les plus convoitées y sont rediffusées ainsi que sur les réseaux sociaux.
« Nous sommes présents sur ces nouveaux canaux car ils permettent de diversifier notre audience, de satisfaire une diaspora très demandeuse de nos programmes et d'augmenter nos sources de revenus », affirme la directrice. Le média privilégie Facebook à Twitter dans un premier temps, en raison d'un manque de ressources humaines leur permettant d'être présents sur toutes les plateformes de réseaux sociaux.

Avec une page Facebook qui totalise 238 000 Likes, le média compte dynamiser l'usage qu'il fait du réseau social : « Nous utilisions Facebook pour des alertes informations, des bandes annonces ou pour y rediffuser les reportages qui ont bien marché, soit 2/3 de nos programmes. Depuis peu, nous réfléchissons à comment exploiter autrement Facebook en réalisant des Live. Pour cela, Médias 360° de CFI a été d'une grande aide car nous avons été formés à la réalisation d'un direct sur Facebook », souligne la jeune femme.
En effet, la chaîne va effectuer des petits making off pour raconter comment les émissions sont produites. Une immersion dans la vie du média très sollicitée par les Camerounais, selon Carole Yemelong.

Des projets ambitieux et innovants

« Nous verrons qui, de YouTube ou Dailymotion, nous propose les avantages les plus intéressants. »Canal 2 International construit actuellement sa web-télé : une chaîne Youtube ou Dailymotion sur laquelle des contenus exclusifs seront diffusés : « Nous y travaillons depuis quelques semaines déjà, avec un expert spécialement venu de France pour ce chantier. »

Le groupe emploie environ 300 personnes réparties entre plusieurs services : rédaction, technique, juridique, etc. La chaîne dispose d'un siège à Douala, la seconde ville du Cameroun, plus précisément dans le quartier Akwa (le centre d'affaires) mais aussi dans le quartier Étoudi de la capitale Yaoundé, non loin de la présidence.
Canal 2 international émet aussi à partir de Bafoussam où une dizaine d'employés travaillent. Le projet à moyen terme est de s'installer dans la partie anglophone du pays, à Buea où la chaîne en anglais serait délocalisée. Le média se rentabilise grâce à la vente d'espaces publicitaires.
Canal 2 International a également recours à des échanges de services, notamment pour la mobilité des équipes, l'hébergement, etc.
« Nous voulons diversifier les rentrées d'argent en ayant un modèle économique reposant en partie sur le numérique. Mais c'est prématuré dans la mesure où nos clients ne sont pas sensibilisés à la visibilité en ligne, ça viendra », détaille Carole.

Être journaliste au Cameroun

La directrice estime que d'une façon générale, les journalistes travaillent plutôt librement : « Le journaliste est relativement libre, il peut dire des choses ici qui seraient punies dans certains pays voisins », affirme la jeune femme qui dénonce néanmoins une certaine banalisation de la pratique du journalisme dans le pays :

« Tout le monde veut faire ce métier, même sans aucune formation. De nombreux sites en ligne diffusent des Fakes news. »
D'où l'importance pour la chaîne de continuer à encadrer ses journalistes :
« Maintenant Canal 2 international recrute majoritairement des diplômés en journalisme. Nous favorisons quand même le talent, donc s'il arrive que quelqu'un soit doué et pas formé, nous lui proposons de s'inscrire dans une université pour apprendre le journalisme ». Carole avoue cependant, que ces cours sont de moins en moins remboursés par la chaîne à cause d'un contexte économique difficile.
Au Cameroun, les journalistes - surtout ceux qui pratiquent cette profession depuis des années - semblent réfractaires aux nouvelles technologies de l'information et de la communication :
« Ils nous disent ne pas aimer Facebook ou ne pas savoir l'utiliser. Le fait est qu'avec ces nouveaux outils, on ne peut plus comme avant cacher son travail derrière l'entité d'un média. Le travail journalistique est exposé au plus grand nombre qui n'hésite pas à donner son avis. Lorsqu'on écrit un article ou produit une émission, on est obligé d'assumer car on est très vite sous le feu des critiques en ligne. C'est problématique car ils ne sont pas armés », explique Carole.

En outre, les journalistes rencontrent plusieurs difficultés comme le manque de matériel, des salaires bas et une absence de protection sociale : « Je suis membre du Syndicat des journalistes camerounais. Nous avions soumis un mémorandum à l'État camerounais décrivant nos conditions de travail et demandant une amélioration. Quelques années plus tard, rien n'a été fait », fustige-t-elle.
La directrice des programmes décrit une relation sensiblement tendue entre la presse et le pouvoir politique au Cameroun. D'un autre côté, il existe une crise de confiance entre les médias et les Camerounais, plus marquée avec les médias traditionnels et publics :

« C'est pour ça qu'ils sont si sujets à croire les intox circulant sur le web et Facebook », affirme Carole.

En 2013, Canal 2 international a remporté un prix spécial pour ses innovations dans le numérique aux Eutelsat TV Awards à Venise. Il s'agit d'une cérémonie organisée par Eutelsat S.A, récompensant les chaînes sur satellites du continent africain. Carole en est fière :
« Nous sommes leader depuis dix ans et apportons du dynamisme, de l'innovation, une liberté de ton qui n'enlève en rien la responsabilité
», conclut-elle.
Canal 2 International se prépare actuellement à déployer un dispositif conséquent pour la couverture de la Coupe d'Afrique des Nations, qui se tiendra en 2019 au Cameroun. Les grilles de programmes sont en cours de toilettage pour favoriser le sport, la culture et le tourisme, afin de vendre la destination camerounaise.

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