Journalisme et sport féminin : avec Paris 2024, les femmes vont-elles gagner du terrain ?

Avec Paris 2024, les femmes vont-elles gagner du terrain ?

Les premiers Jeux strictement paritaires de l’Histoire : c’est ainsi que le Comité international olympique caractérise le plus grand événement sportif mondial de l’année qui se déroulera cet été à Paris. Mais les médias joueront-ils, eux aussi, le jeu de la stricte égalité femmes / hommes au sein des rédactions sportives ? Le point sur les avancées et obstacles observés en mars dernier, à l’occasion de la dernière édition des Assises du journalisme de Tours.

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 seront, a priori, les premiers Jeux à atteindre la parité parfaite… si on se limite au nombre d'athlètes qualifié·es attendu. 5 250 femmes, 5 250 hommes. Un bond de géant pour l'Humanité, quand on sait que les femmes étaient interdites d'arènes et de tribunes durant l’Antiquité et absentes des premiers Jeux en 1896... Maîtresse de conférences à l’Université de Rennes et grande spécialiste de ce sujet, Sandy Montañola relativise : Chaque nouvelle édition des J.O. communique sur la progression du nombre de femmes, mais les disparités restent très fortes... Il faut regarder la répartition femmes-hommes par pays, selon les sports et aussi aux postes d'entraîneur·ses ou de dirigeant·es. Ces disparités sont liées notamment aux inégalités dans la société elle-même.

Aziza Nait Sibaha, journaliste à France 24 et fondatrice de la plateforme Taja Sport cite l'exemple convaincant du succès médiatique et populaire de la Coupe d’Afrique des Nations féminine 2022 au Maroc. Elle en est persuadée : La lutte contre les inégalités est la même un peu partout dans le monde. Le sport au féminin ne bénéficie pas des mêmes couvertures médiatiques, ni des mêmes moyens que les hommes. Mais, ce cercle vicieux peut devenir un cercle vertueux si, en tant que média, nous couvrons le sport féminin. Nous aurons du public ! Et, si nous avons du public, nous aurons des annonceurs !

Des quotas de femmes dans les rédactions sportives ?

Pour faire évoluer le traitement journalistique des sports, les médias devront sans doute d'abord évoluer en interne, notamment dans leur façon de voir les femmes journalistes sportives. Sur les plateaux TV, on nous a tellement fait croire que nous devions être uniques que nous n'avons pas été assez combatives les unes pour les autres, témoigne Marie Portolano, ex-journaliste de sport et réalisatrice du documentaire "Je ne suis pas une salope, je suis journaliste".
Rédactrice en cheffe du magazine Les Sportives et co-fondatrice de Femmes journalistes de sport (FJS), Mejdaline Mhiri souligne : Dans notre association, nous avons un annuaire d'expertes par discipline sportive et des marrainages pour accompagner les jeunes journalistes. Nous avons également une boucle WhatsApp interne pour leur faire passer les offres d'emplois.

Depuis 2023, 61 médias français ont par ailleurs signé la Charte pour une meilleure égalité femmes/hommes dans les rédactions sportives. Tiffany Henne, journaliste pigiste, souhaite que les médias aillent plus vite et plus loin : Je suis pour l'instauration de quotas de femmes dans les rédactions, car si nous devons attendre que ces messieurs laissent leurs places à responsabilités, cela n'arrivera pas. Sandy Montañola, qui a mené des enquêtes dans les médias de différents pays, explique que la chercheuse Gertrude J. Robinson estime à 30 % le nombre minimal de femmes dans une rédaction pour pouvoir amorcer des changements. Avec la possibilité d'avoir un référent genre dans chaque rédaction.
De leur côté, les étudiants en journalisme demandent, en amont dans leur cursus, des formations avec des intervenantes spécialisées, en particulier sur les violences sexistes et sexuelles.

Je suis pour l'instauration de quotas de femmes dans les rédactions, car si nous devons attendre que ces messieurs laissent leurs places à responsabilités, cela n'arrivera pas.
Tiffany Henne,
journaliste pigiste

Le sport n'a pas de genre !

Aziza Nait Sibaha encourage les médias à agir encore plus tôt : Nous devons aller dans les écoles commencer à éduquer sur l'égalité des chances. Si nous ne luttons pas contre les stéréotypes, le terrain de foot continuera d'être occupé par les garçons et les filles grandiront comme spectatrices. Le sport n'a pas de genre !
Pour une meilleure égalité de traitement médiatique, Nathalie Iannetta, directrice des sports de Radio France, lance ainsi un appel aux athlètes pour les prochains Jeux de Paris 2024 : Comme les femmes, les hommes doivent accepter de parler de leurs vies de famille, de leurs fragilités.

Texte : Emmanuel de Solère Stintzy

Paris Médias 2024, un projet pour valoriser le sport féminin dans le monde arabe

CFI s’est donné pour mission de contribuer à assurer l’égalité femmes / hommes en lançant en mars dernier son projet Paris Médias 2024, spécialement conçu pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de cette année. Cinquante journalistes d’Afrique subsaharienne et du monde arabe seront formés à la médiatisation des grands événements sportifs puis seront accueillis à Paris pour couvrir les Jeux Olympiques et Paralympiques au sein d’une rédaction éphémère.

L’un des volets du projet consiste notamment à former les journalistes bénéficiaires à l’inclusion des femmes dans leurs articles, ces dernières souffrant d’une sévère sous-représentation sur les chaînes satellitaires, particulièrement dans les médias d’Afrique du Nord et du Proche-Orient. Les productions des journalistes bénéficiaires permettront donc d’évoquer les performances réalisées par les athlètes africaines qui, nous l’espérons pour le continent africain, seront à la hauteur du défi qui les attend !

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