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Yana Skoryna, la guerre en Ukraine vue de Roumanie

Projet associé

Yana Skoryna est la benjamine de la résidence Yak Vdoma à Bucarest, où elle veut mettre à profit son expérience de la télévision pour raconter en images tout ce qui touche à la guerre et à la coopération roumano-ukrainienne.

 

L'arrivée à Bucarest en juillet dernier, Yana s'en souvient bien. Les cinq mois précédents, elle et son petit ami ils les ont passés à bouger, comme tant d'autres, en constant état de choc, sans pouvoir penser à rien, encore moins à travailler. Lituanie, Allemagne, Croatie et Monténégro, « on ne savait tout simplement pas où aller », se rappelle la jeune femme de 30 ans aux longs et lisses cheveux blonds. 

Les bras croisés devant elle, le regard déterminé, Yana parle d'un « choc » au sujet de leur arrivée sur le territoire roumain. De proie, agressée par un ennemi prêt à tout, elle se rappelle ce sentiment dur à décrire d'arriver dans un endroit « où les gens t'aident sans rien te demander en retour ; oui, ça a été un véritable choc », répète la jeune femme. Pour elle, pas de doute, « le peuple ukrainien a ressenti dans sa chair la manière dont il a été reçu et pris en charge. Un soutien de chaque instant, dès que tu entres dans le pays, à la descente du train ou d'une voiture. Je connais beaucoup de Roumains qui accordent une aide inconditionnée, une aide médicale, un toit, tout ce qu'ils ont », décrit-t-elle, admirative. 

Vu d'ici, un an après l'offensive russe, cela semble évident, mais à l'époque, les Ukrainiens ne savaient pas du tout à quoi s'attendre. « Quand tu te sens traqué c'est à la fois difficile de penser au présent et à l'avenir. Tu es incapable en vérité, surtout dans un pays étranger, de réellement te concentrer sur les choses élémentaires comme se nourrir ou se loger. Sans aide je ne sais pas ce qui serait advenu de nous tous » lâche la jeune femme, originaire de Petrovskoe mais vivant à Kiev depuis plusieurs années. 

Quand tu te sens traqué c'est à la fois difficile de penser au présent et à l'avenir.

La Roumanie, fenêtre sur le conflit ukrainien

Difficile de croire que Yana travaillait pour une chaîne de télévision de divertissement il y a à peine plus d’un an. Aussitôt arrivée en Roumanie, elle se met à travailler pour Context.ro, un site roumain qui publie des investigations liées à la guerre et à la corruption. Puis Yak Vdoma lui propose d'aller plus loin et de faire de la vidéo. Yana a dix ans d'expérience en tant que journaliste TV et ce qui l'a toujours intéressée, c'est de capter les émotions ; elle parle de « magie de l'image ». Un retour aux sources pour Yana. « Yak Vdoma voulait proposer des contenus filmés et a investi dans des équipements. L'idée c'est de faire des interviews avec des experts, des officiels, des réfugiés d'Ukraine et des Roumains ». Le but, en fil rouge, est de faire connaître tout ce qui se passe en Roumanie dans le contexte de la guerre. 

Le début de relations bilatérales entre Ukraine et Roumanie

Yana parle de relations bilatérales inédites, à tous les niveaux, « entre deux pays qui se sont longtemps tournés le dos ». Elle non plus, comme beaucoup d'Ukrainiens, ne savait rien du voisin latin au sud désormais indispensable malgré la frontière commune de 650 km. D'autant, comme elle ne tarde pas à le comprendre rapidement, « que les Roumains ont eu eux aussi des problèmes avec les Russes durant leur histoire ». Pour elle, c'est même une raison importante de ce soutien inconditionnel : « les Roumains savent que si ils n'aident pas l'Ukraine, ils seront les prochains sur la liste. L'Ukraine est comme un bouclier pour tous les États voisins, les gens ont très bien compris cela ». Un bouclier téméraire au comportement presque irrationnel pour certains. « J'ai entendu des Roumains me dire qu'ils ne concevaient pas comment on pouvait résister à Poutine sans céder. Je leur réponds toujours que depuis ce traité de 1990 il est clair que l'Ukraine est un pays indépendant comprenant le Donbass et la Crimée et qu'il est normal de se battre. C'est quand tu commences à parler concrètement de ce que tu as perdu que les gens d'ici comprennent pourquoi tu te bats, car ils font le parallèle avec la Bessarabie dont la perte leur est restée en travers de la gorge », estime Yana, qui compare l'expansion russe à une tumeur cancéreuse.  

Mais ce que veut avant tout capter la journaliste dans ses vidéos aujourd'hui, ce n'est pas tant cette peur chez le voisin roumain que ce que raconte le conflit des relations entre les deux pays : ce que font les Roumains pour les Ukrainiens, mais aussi ce que ces derniers font pour les premiers. Yana nous donne l'exemple d'interviews qu'elle réalise, sur un programme visant à ce que les Ukrainien•nes puissent donner leur sang pour leurs soldats au front mais aussi pour les Roumain•es. Une initiative utile alors que seulement 1,7 % de la population roumaine donne son sang – plus bas chiffre de l'UE. Une manière, selon elle, « de rendre la monnaie de leur pièce et surtout de préparer un avenir commun et au sein de l'UE pour les deux pays voisins ».  

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