Solange Shagayo Kagombe, l'étoile des jeunes bergers
À l’occasion de la Journée mondiale de la radio du 13 février, CFI vous propose de découvrir les parcours de trois journalistes radio de RDC, Syrie et Tunisie.
À l'est de la République démocratique du Congo (RDC), Solange Shagayo Kagombe est la directrice de Radio Star, L'étoile du berger. Aujourd'hui, elle montre la voie aux jeunes, en particulier aux femmes, mais son parcours a été plus laborieux que celui d'une étoile filante...
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
"J'avais deux problèmes : être une femme et être jeune !"
Pas rancunière, Solange Shagayo Kagombe rit. L'actuelle directrice de Radio Star, L'étoile du berger, à Bukavu se souvient de ses débuts, en 2008. Dans cette station, elle a gravi un à un les échelons. Animatrice, chargée de marketing, puis enfin intégrée à la rédaction et promue responsable des programmes. Il y a huit ans, elle assurait l'interim de la direction, mais, certains collègues masculins continuaient alors à grincer des dents : "J'avais sous mes ordres des hommes qui avaient l'âge d'être mon père et me répétaient qu'ils étaient plus diplômés."
Pas du genre à reculer devant l'obstacle, Solange, déjà formée au journalisme pendant deux ans par l'IWPR (Institute for war and peace reporting, réseau international d'organisations d'aide à la presse), décroche un master international en management des médias de l'École supérieure de journalisme de Lille (ESJ, France). Elle est alors définitivement confirmée comme directrice...
Une combattivité qu'elle doit peut-être à son enfance tourmentée : "Quand j'avais 10 ans, en 1996 (lors de la Première guerre du Congo, Ndlr), j'ai quitté Bukavu sous le crépitement des armes. J'ai été séparée de ma famille."
Solange Shagayo Kagombe rencontre à cette époque beaucoup d'autres jeunes encore plus démunis qu'elle, vivant dans la rue ou dans des camps de déplacés.
Travailler deux fois plus que les hommes !
Elle marque un temps de silence, puis résume : "Cette expérience est sans doute à l'origine de mon engagement pour les jeunes. Quand je suis revenue à Bukavu en 2006, je voulais mener des plaidoyers pour eux, afin de les encourager à entreprendre et comprendre qu'ils pouvaient construire leur avenir sans forcément devenir députés."
À Radio Star (L'info à la portée des jeunes), elle va trouver un canal pour faire passer son message et forcer sa nature timide. "Enfant, Solange ne parlait pas beaucoup... Alors, quand elle nous a annoncé son truc de journalisme, on lui a demandé ce qu'elle allait dire à la radio !", se souvient, amusée, Sylvie Muray sa grande sœur, avant de conclure : "Elle a un talent caché, car à l'antenne elle est elle-même !"
Solange reconnaît presque une double personnalité : "Je suis réservée, mais dans le cadre professionnel, je parle quand il faut parler !"
Christian Mihigo, l'ancien coordonnateur de Radio Star, salue "son savoir-être, son savoir-faire et son leadership". De sa voix douce, Solange Shagayo Kagombe réagit d'ailleurs à présent avant tout en directrice : "Ce qui me motive aujourd'hui, c'est le parcours de Radio Star, une équipe de jeunes compétents et motivés. Dans le cadre du projet Médias 360° de CFI, deux de nos journalistes ont été formés. Nous avons à présent un site web régulièrement alimenté en articles et nous sommes passés de 2000 à 10000 abonnés sur notre page Facebook."
Pas de quoi faire perdre son cap au capitaine Solange : "Pour nous faire accepter et réussir, il nous faut travailler deux fois plus que les hommes ! Nous devons étudier et saisir toutes les opportunités pour être les meilleures !"
À la tête de Radio Star, L'étoile du berger, une station dont le personnel a une moyenne d'âge de 24 ans, Solange Shagayo Kagombe donne de la voix et montre la voie à suivre.
Dans 10 ans...
Jusqu'où la bonne étoile de Solange Shagayo Kagombe la mènera-t-elle ? Dans dix ans, sa grande sœur, Sylvie Muray, la verrait bien "directrice de communication d'un grand média". Christian Mihigo, son ancien coordonnateur à Radio Star, l'imagine, lui, "apporter un vent de changement dans le monde médiatique."
L'intéressée milite déjà pour un changement de certains textes pour diminuer les taxes imposées aux médias de provinces, mais aussi pour durcir les critères permettant aujourd'hui à n'importe quel politicien ou presque de lancer sa radio avant une élection, avec des journalistes sans contrats, ni salaires...
"Résultat : certains journalistes écrivent pour faire plaisir à ceux qu'ils ont interviewés et qui ont payé leur transport," déplore Solange. Elle-même se verrait bien dans dix ans responsable d'une organisation d'appui aux médias ou d'appui aux jeunes, ou, si elle en a des moyens, professionnaliser l'équipe de Radio Star ou créer une autre radio communautaire éducative pour les jeunes.