Sabre Na-ideyam : patience et longueur de temps...

Sabre Na-ideyam : patience et longueur de temps...

Projet associé

À 36 ans, Sabre Na-ideyam se passionne pour le fact-checking. Journaliste ultra-connecté à Tchadinfos.com, il a appris à réfréner ses impatiences.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.

En arabe tchadien, sabre = patience. Les premières années de sa vie, le jeune Sabre Na-ideyam semble bien mal porter son prénom... Mon neveu aimait sérieusement l'école, mais il s'opposait un peu aux enseignants, car il aimait discuter... Ces derniers le renvoyaient parfois de leurs salles de classes... Même dans le cadre familial, Sabre aime le débat. Il ne veut pas s'avouer vaincu ! s'amuse son oncle Kodjibaye Miangarkoh.

Sabre aime le débat.
Kodjibaye Miangarkoh

Impatient de débattre. Impatient aussi d'aller sur le terrain. Petit, j'étais déjà curieux. Si quelque chose arrivait près de là où j'étais, j'aimais aller voir moi-même et écrire des comptes-rendus d'écolier pour ma maman, se rappelle Sabre Na-ideyam. Collégien, il fréquente la bibliothèque, découvre le magazine Jeune Afrique et s'inspire du journaliste camerounais Innocent Ebodé, auteur de la chronique Au fil du temps dans le média tchadien La Voix : Ce journal m'a fait aimer davantage le journalisme, car j'étais entouré de bons encadreurs qui m'ont aidé à faire de bons reportages.

Sabre obtient après son bac une licence professionnelle en communication d'entreprise et commence à se former à l'animation des réseaux sociaux : RFI est venu nous parler du blogging. J'avais mon propre blog et j'ai créé plusieurs comptes sur les réseaux sociaux. Quand on y partage une info, elle passe plus vite que si on attend que les gens viennent cliquer sur un article du site d'un média.  Aujourd'hui encore, Sabre Na-ideyam reste un journaliste ultra-connecté : Je commence à apprendre des choses sur Youtube. Je fais aussi le community manager pour des ONG ou des personnalités politiques. Et, grâce à la formation de CFI (projet Désinfox Tchad), j'ai des outils pour fact-checker des fausses infos qui traînent sur les réseaux sociaux et incitent à la haine.

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À Tchadinfos.com, Sabre Na-ideyam aime les investigations sur le terrain
À Tchadinfos.com, Sabre Na-ideyam aime les investigations sur le terrain.

Être en sécurité pour mieux informer

Après avoir été, entre 2020 et 2022, rédacteur en chef web et webmaster au quotidien Le Sahel, Sabre est devenu reporter au journal en ligne Tchadinfos.com : J'ai parlé du fact-checking et de notre ancienne rubrique. On a vérifié pour vous à mes chefs. Nous sommes en train de reprendre cette rubrique. Madjissembaye Ngarndinon, son directeur de publication, apprécie son dynamisme : Sabre est un soldat sur qui un chef peut compter. Il part rapidement sur le terrain et a le flair d'un bon journaliste d'investigation. Il n'est pas toujours très organisé, mais il arrive à nous sortir des articles approfondis et équilibrés. Christian Allahadjim, un collègue à Tchadinfos confirme : Sabre est un bosseur. Avec son bon carnet d'adresses, il nous ravitaille en sources. Nous nous basons sur lui pour vérifier certaines infos.

Sabre est un soldat sur qui un chef peut compter.
Madjissembaye Ngarndinon

Journaliste passionné, Sabre Na-ideyam semble avoir renoué avec la patience : Mon prénom me correspond bien. Quand j'ai une info, je ne suis pas pressé de la balancer. Je prends le temps de vérifier. Une question de crédibilité et aussi de sécurité au Tchad. Sabre n'a pas oublié les recommandations familiales de prudence, dans un pays où les journalistes sont depuis des années maltraités et menacés : Pour ma sécurité, je suis obligé de ne pas toucher à certains sujets. Je préfère être en sécurité d'abord pour mieux informer ensuite. Et, si je sens qu'une info va m'attirer un problème, je peux la confier à un collègue mieux placé pour en parler.

Patiemment, celui que ses amis surnomment El Sabrito, en raison de son goût pour les chansons espagnoles, a appris à ralentir le rythme. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage...  Comme le rat avec le lion dans la fable de La Fontaine, Sabre Na-ideyam est un ami fidèle, conclut Batraki Youssouf Djimi : Il est très loyal, gentil et dispo. Mais, Sabre aime trop se moquer. Je m'énerve, on se réconcilie. Quand on aime le débat, on ne se refait pas...

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Sabre Na-ideyam, journaliste ultra-connecté
Sabre Na-ideyam, journaliste ultra-connecté.

Dans 10 ans...

Pays et destin incertains... Sabre pourrait devenir dans dix ans un bon journaliste d'investigation, car c'est un bon fouineur ! Mais, c'est dur ne pas être dans le viseur de nos politiciens en raison de leur mentalité répressive. Donc, si Sabre a des opportunités de travailler pour des médias internationaux, je pense qu'il n'hésitera pas, estime son collègue actuel à Tchadinfos, Christian Allahadjim. Leur directeur de publication, Madjissembaye Ngarndinon, voit presque de la même façon l'avenir prometteur de Sabre Na-ideyam : Il a beaucoup progressé en fact-checking. Que ce soit à Tchadinfos ou ailleurs, il va encore progresser.

Avec en ligne de mire un objectif que résume son oncle Kodjibaye Miangarkoh : Être indépendant. Aujourd'hui, Sabre travaille pour d'autres journalistes, mais j'espère que dans dix ans, il dirigera son journal avec ses propres moyens. Le neveu précise : Mon projet est de créer mon journal en ligne. Il faut être au rendez-vous de la technologie. J'aimerais créer pour employer à mon tour. C'est parce que d'autres ont créé que j'ai eu du boulot... Je suis donc redevable pour les jeunes passionnés par le journalisme. Afin qu'il réalise son rêve, son ami Batraki Youssouf Djimi lui conseille de s'appliquer et d'être moins distrait. En clair, de ne pas courir trop de lièvres à la fois.