Qu’est devenue… Aché Adoum Attimer, ambassadrice "stop blabla" ?
Depuis 7 ans, la Tchadienne Aché Adoum Attimer a été tour à tour pour CFI bénéficiaire, co-formatrice et coordinatrice de projets au Sénégal. Fille de diplomate et adepte du parler vrai, "Cheffe Aché" est devenue une pionnière du journalisme de solutions en Afrique avec son projet... "Stop Blabla".
Le début de la fin... Au démarrage de l'atelier de clôture du projet Afri'Kibaaru de CFI à Dakar, la Tchadienne Aché Adoum Attimer, 42 ans, coordinatrice au Sénégal, va d'un participant à l'autre et leur distribue badges plastifiés et programmes cartonnés. Un mot, une attention pour chacun. Sourire aux lèvres, petite pique taquine en embuscade. Retour sept ans en arrière. 2017 : directrice des opérations du média tchadinfos.com, Aché participe à la première session de Naila. Sa personnalité tape aussitôt dans l'oeil du formateur Eric Le Braz : "Spontanément, tous les autres participants l'ont appelée 'Cheffe Aché', car elle dégage une autorité naturelle."
Un caractère qui ne date pas d'hier... "À l'école, quand on lui confiait quelque chose, Aché ne baissait pas les bras ! J'ai une fille qui porte son prénom et Aché est sa marraine, car je veux que mon enfant soit une battante comme elle ! ", explique Khadidja Adoum Attimer, grande sœur d'Aché. Battante certes, mais un brin dilettante... "Au collège, Aché était un cerveau en maths, mais elle se disait 'le moins j'en fais, le mieux je me porte !' Par contre, comme déléguée de classe, elle s'improvisait avocate pour défendre un camarade auprès des profs", se souvient Bassiratou Illa, une amie nigérienne dont le père était ambassadeur en Égypte, comme celui d'Aché.
Née en Belgique, écolière en Arabie Saoudite et en Égypte, Aché Adoum Attimer s'est ainsi sentie très tôt une âme de porte-drapeau : "J'ai souvent été la première Tchadienne que les gens rencontraient. Je devais être à la hauteur ! Avoir été confrontée à d'autres cultures me rend aujourd'hui à l'aise pour naviguer dans des environnements multiculturels." Polyglotte, Aché parle ainsi français, arabe, anglais et "a quelques notions" d'espagnol et de wolof.
JoSo = équations à résoudre
En 2001, elle obtient un bac scientifique (option maths) et commence au Sénégal des études d'experte comptable. Mais, les chiffres déshumanisés ne font pas longtemps son bonheur. Aché Adoum Attimer abandonne ses études et commence à travailler en tant qu’assistante administrative à l'Unesco. Elle devient ensuite conseillère en placement pour des écoles professionnelles, puis chargée de partenariats au Centre régional africain de technologie. En 2015, elle découvre l'univers des médias en tant que directrice des opérations au Tchad de l'agence de communication Open union, puis du site Tchadinfos.com.
Dès la première session de Naila, la soif d'apprendre d'Aché semble intarissable : "Bénéficier des expériences de médias de 11 pays a été pour moi la meilleure école de journalisme ! Je n'avais aucun souci à dire 'il faut reprendre, je veux comprendre' ! Le journalisme de solutions (JoSo) a réveillé en moi les équations que j'aimais résoudre." Mais, avec les autres participants de Naila, Aché butte sur une équation à plusieurs inconnues : "Je leur demandais 'pourquoi ne mettez-vous pas un peu de solutions dans vos médias ?" Déterminée à lancer "un média numérique pour une information utile, constructive, 100 % solutions en Afrique", Aché Adoum Attimer crée en 2020 "Stop Blabla" et fait ensuite travailler certains anciens bénéficiaires de Naila à son "tour d'Afrique des solutions".
"Ensemble, on va plus loin"
Grâce à CFI, elle participe à une formation de formateurs JoSo à Prague du Solutions Journalism Network (SJN) et devient, en 2021, une de leurs 24 ambassadrices, puis, encore aujourd'hui, une de leurs formatrices. Elle intervient aussi comme personne ressource du JoSo dans diverses formations et contribue à certains épisodes des vidéos-tutos-témoignages CFI-France Médias Monde "Conseils de journalistes". Depuis 2021, elle est enfin membre pour le Sahel du conseil d'administration d'Informations pour le Monde Suivant. Son formateur Eric Le Braz résume le chemin parcouru : "Aché est une pionnière du JoSo en Afrique. Un bon moyen de faire des investigations sans se mettre en danger, en montrant par exemple des initiatives d'autres pays."
Fan du proverbe "Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin", Aché prend son temps. "À Stop Blabla, je veux avoir des soldats qui comprennent mon combat. Je ne peux pas m'appeler 'Stop Blabla' et offrir du blabla à la place de l'investigation telle que je l'entends ! ", conclut l'ambassadrice du parler vrai.
Dans 10 ans...
Que fera Aché Adoum Attimer dans 10 ans ? Khadidja sa grande sœur semble avoir une seule certitude : "Elle va me surprendre comme toujours ! Les gens vont la faire sortir de l'ombre !" Son amie d'enfance Bassiratou Illa imagine une suite logique : "Aché aime rester dans l'ombre, mais le Joso lui permet de porter d'autres voix. Dans dix ans, je la vois déployer le Joso en Afrique, car elle a un côté très panafricain. D'ailleurs, peut-être sera-t-elle à l'avenir dans une institution internationale, type Francophonie ou Unesco ?"
Eric Le Braz est quasiment sur la même longueur d'ondes : "Un seul pays comme le Tchad ou le Sénégal, c'est trop petit pour Aché ! Dans dix ans, je la vois bien monter et diriger un média panafricain, grâce à sa capacité à dialoguer et fédérer différentes nationalités." Ami proche d'Aché, Souleyman Abdelkerim Cherif, ajoute : "Elle m'a récemment parlé d'un projet de film pour présenter le cycle de production du coton." Démasquée, 'Cheffe Aché' confirme. Mais, la fondatrice de Stop Blabla souhaite aussi structurer son média en ligne pour en faire "un mouvement naturel dans le paysage médiatique avec des producteurs de contenus utiles et constructifs". Une fois le flambeau transmis, Aché Adoum Attimer voudrait se lancer dans l'écriture : "Je suis toujours entourée d'amis artistes, de fous. Ce sont les seuls à être en paix, car on les laisse faire ce qu'ils veulent !"
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy (https://www.journalistesmediateurs.com/).
Pour en savoir plus sur le projet Afri’Kibaaru, rendez-vous sur la page du projet : https://cfi.fr/fr/projet/afrikibaaru