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Représentations des migrations dans les médias

Dossier produit en 2023

État des lieux et recommandations

Dessin interactions monde

En bref

Cette étude participative, menée dans le cadre du projet Dialogues migrations, a été conduite pour identifier les acteurs et actrices agissant dans les médias et sur les migrations, comprendre et analyser les représentations véhiculées par les discours médiatiques et les discours publics relayés dans les médias et les réseaux sociaux sur les migrations. Elle dresse un état des lieux des actions déjà déployées par d’autres opérateurs internationaux et analyse leur impact.

Elle couvre la période de janvier 2015 à mars 2022 et étudie seize pays : Burkina Faso, Colombie, Comores, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Jordanie, Liban, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo et Tunisie.

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Représentations des migrations dans les médias

Introduction

CFI a lancé en avril 2021 le projet Dialogues migrations, financé par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) pour contribuer au développement d’un débat citoyen et inclusif afin de faire évoluer les représentations sur les migrations diffusées dans l’espace public. À cet effet, des activités pilotes de renforcement de capacités et d’appui à la production sur la thématique migratoire ont été lancées en 2022 auprès de médias, de journalistes et d’écoles de journalisme en Gambie, en Guinée, en Mauritanie et au Niger. Fut également commanditée la présente étude qui s’inscrit dans une démarche prospective pour apprécier la pertinence et l’opportunité de développer, en lien notamment avec l’Agence française de développement (AFD), dans un ou plusieurs des pays couverts, des projets de renforcement et d’appui aux médias pour un traitement "informé" et "équilibré" du sujet des migrations.

Cette étude participative a été conduite pour identifier les acteurs et actrices agissant dans les médias et sur les migrations, comprendre et analyser les représentations véhiculées par les discours médiatiques et les discours publics relayés dans les médias et les réseaux sociaux sur les migrations, dresser un état de l’art des actions déjà déployées par d’autres opérateurs internationaux et analyser leur impact. Elle couvre la période de janvier 2015 à mars 2022 et étudie seize pays : Burkina Faso, Colombie, Comores, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Jordanie, Liban, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo et Tunisie.

Trois organisations ont été retenues pour la réalisation de cette étude. La fondation DARA International et l’organisation DAHLIA qui ont couvert la Colombie. Le cabinet de conseil Red Mangrove Development Advisors (RMDA) qui a couvert les quinze autres pays. Cette étude est le résultat d’un travail d’harmonisation des rapports réalisés par ces trois organisations sur les seize pays analysés. Dans un souci d’harmonisation du document, CFI a souhaité y apporter des modifications à l’issue de la transmission des versions finalisées, en s’appuyant sur le comité de pilotage composé du MEAE, de l’AFD et des organisations chargées de l’étude RMDA, Dahlia et Dara.

Les principaux résultats attendus

Les principaux résultats attendus de l’étude sont les suivants :
- comprendre l’état des représentations des migrations et des personnes migrantes dans les médias et les discours publics dans seize pays via des panoramas synthétiques décrivant les tendances migratoires clés et une analyse du traitement des migrations par les médias et dans les discours publics ;

- identifier ce qui a déjà été fait et par qui en matière de renforcement des capacités des médias sur la thématique migratoire dans ces seize pays, et les effets produits avec un état des lieux des initiatives de renforcement et d’appui menées et l’appréciation de leurs effets, ainsi que des pistes d’intervention possibles pour CFI, ses partenaires et toute organisation de soutien aux médias intéressée par cette thématique.

Les conclusions sont issues d’une méthodologie commune à l’ensemble des pays et alliant, pour chacun, une revue littéraire, des entretiens individuels, un groupe de discussion avec des personnes migrantes et un autre avec des journalistes ayant bénéficié de projets de renforcement de capacités. Le groupe de discussion avec environ dix personnes migrantes avait pour objectif essentiel de recueillir et d’analyser les perceptions qu’ont ces personnes du traitement médiatique des migrations dans leur pays de résidence. Le groupe de discussion avec une dizaine de journalistes bénéficiaires d’actions de renforcement de capacités visait à recueillir et à analyser leurs appréciations de ces initiatives.

Les entretiens se sont basés sur un guide commun à tous les pays et ont ciblé les personnes suivantes :
- professionnel.le.s des médias (responsables éditoriaux, journalistes spécialisé.e.s sur les questions migratoires, représentant.e.s d’instances de régulation des médias, etc.),
- professionnel.le.s du secteur des migrations (associations, organisations internationales, instituts de recherche, etc.),
- partenaires et actrices et acteurs engagés en faveur d’une couverture médiatique professionnelle et responsable des migrations (institutions gouvernementales, partenaires techniques et financiers, écoles de journalisme, organisations internationales, etc.).

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Selon les pays, quinze à trente entretiens ont été réalisés, en fonction notamment du nombre d’actrices et d’acteurs pertinents identifiés.
Les analyses pays suivent une structure commune et ont été réalisées sur la base d’un vocabulaire et d’outils unifiés avec l’ambition de comparer les situations nationales mais également de conjuguer les prismes de réflexions interrégionaux et internationaux.
Ainsi, le rapport utilise des notions définies internationalement, bien que ces terminologies s’éloignent souvent des réalités du terrain et du vocabulaire journalistique.
Les migrations étant des phénomènes complexes, certaines de leurs formes tendent à se recouper, tant d’un point de vue conceptuel que statistique. Par exemple, il est souvent difficile depuis les pays de notre périmètre de distinguer les migrations économiques et les migrations familiales.

Chaque analyse pays a été réalisée par une équipe associant des membres de l’équipe de coordination internationale avec un.e ou deux consultant.e.s nationaux sur la base d’outils communs mais aussi du contexte et du vocabulaire spécifiques au pays.
L’étude sera suivie par une campagne de communication et l’organisation d’un forum de restitution qui permettront de diffuser les résultats de l’étude, de sensibiliser les acteurs locaux et internationaux, et d’identifier d’éventuelles passerelles et synergies d’actions.

Paysage médiatique

Les médias traditionnels (télévision, presse écrite et radio) sont présents dans les seize pays du périmètre de l’étude dans des proportions et des volumes différents. Pour donner un exemple, le Maroc dispose d’un paysage médiatique riche d’environ soixante titres pour la seule presse écrite papier alors que la Mauritanie, pays voisin, n’en compte que cinq.
Dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest et aux Comores, le poids des radios nationales et communautaires est également très important. En témoigne la Côte d’Ivoire avec environ 200 radios de différents types : nationales et publiques, ou privées ; les autres radios étant en majorité communautaires.
Les réseaux sociaux, quant à eux, occupent une place croissante dans le paysage médiatique. S’agissant de la migration, un triple usage en est fait :
- Facebook, WhatsApp et Viber sont couramment utilisés par les personnes migrantes elles-mêmes comme canaux de communication et pour recueillir des informations sur la migration ;
- ces réseaux sont aussi une source d’information utile pour les journalistes sur les questions migratoires ;
- enfin, ils servent de "caisse de résonance" aux discours publics et médiatiques, permettant l’expression des témoignages mais aussi des opinions – pas toujours fondées – les plus radicales sur les migrations.

La liberté d'informer

Enfin, dans certains pays, les restrictions à la liberté d’informer sont fortes et impactent le traitement médiatique. Au Maroc par exemple, Reporters sans frontières (RSF) indique sur son site web : Les médias et les journalistes indépendant.e.s font face à d’importantes pressions, et le droit à l’information est écrasé par une puissante machine de propagande et de désinformation.

La situation en Colombie est délétère pour les médias qui sont victimes d’agressions physiques, de menaces de mort et d’assassinats. Dans d’autres pays tels que le Liban, le traitement médiatique des migrations est impacté par la concentration, la polarisation et la politisation du paysage médiatique.

Les migrations dans les discours médiatiques et publics

L’étude couvre la représentation des migrations dans les discours médiatiques et, dans une moindre mesure, dans les discours publics.
La notion de discours publics est générale et renvoie aux discours des responsables politiques et des personnalités publiques, des productions médiatiques, mais aussi du grand public qui s’exprime notamment sur les réseaux sociaux. La notion de discours médiatiques, plus délimitée, renvoie à l’ensemble des productions issues des médias d’information professionnels, qu’il s’agisse de la presse écrite papier ou en ligne, de la télévision ou de la radio. Malgré leur diversité et bien qu’ils se construisent avec une certaine autonomie, les discours médiatiques tendent à servir de caisse de résonance aux discours publics.

Des entretiens réalisés, il ressort que le sujet des migrations est parfois traité de manière parcellaire – au sens où l’attention se focalise sur certains types de migrations – ou peu rigoureuse. Ces constats font écho aux groupes de discussion, lors desquels les personnes migrantes ont exprimé ne pas se sentir bien représentées dans les médias.

Une première cause de ce traitement partiel et de moindre qualité réside dans les motifs de traitement des migrations par les médias. Le sujet migratoire est en effet abordé dans la majorité des cas en fonction de :
- l’actualité. Celle-ci est majoritairement rythmée par les drames de la migration irrégulière – cette thématique étant considérée comme lucrative mais aussi centrale pour sensibiliser les populations aux dangers liés à la migration irrégulière. Aux Comores par exemple, sur un échantillon de huit journalistes interrogé.e.s sur le traitement médiatique de la migration, cinq évoquent les pertes en mer dans les kwassas vers Mayotte et les naufrages des embarcations entre le Maroc et l’Espagne (article de Al-Watwan du 29/12/2021), soulignant que seuls ces drames sont médiatisés en matière de migration, sans autres articles traitant de leurs causes profondes ni de leurs enjeux, ni des autres formes de migration ;
- la communication institutionnelle des États et des institutions internationales d’aide aux populations migrantes. Les discours médiatiques s’appuient en effet sur les discours publics. Sur ce point, bien que l’étude ne se concentre que sur des pays d’Afrique, d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient, le lien avec l’Europe, et de manière plus générale avec les pays du Nord, revient très souvent dans les analyses pays :
- les communications institutionnelles nationales sont souvent influencées par les politiques publiques migratoires, notamment dans le cadre d’accords bilatéraux avec des pays de l’Union européenne (UE). Ainsi, depuis 2015, le Niger est passé du rôle de couloir migratoire à celui de pays pivot en devenant un partenaire clé de l’UE pour le contrôle des routes migratoires. Les journalistes présent.e.s lors du groupe de discussion ont expliqué que les médias nigériens reprennent très souvent les discours des autorités nigériennes et de la représentation locale de l’UE sur la migration, de sorte qu’eux-mêmes se focalisent aussi sur les migrations irrégulières, ses drames et ses conséquences tels que les retours volontaires ou forcés ;
- les communications des institutions internationales d’aide aux populations migrantes sont très contrôlées par ces mêmes organisations à la fois dans une logique d’information et de plaidoyer. Au Burkina Faso par exemple, la focalisation des médias sur la migration irrégulière est à analyser comme un écho aux discours des autorités burkinabè et des organismes internationaux intervenant dans le secteur, qui sont largement orientés vers la sensibilisation sur les dangers de cette forme de migration.

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Étonnamment, le traitement médiatique semble avoir peu tenu compte des effets de la pandémie de Covid-19 sur les migrations dans les pays étudiés. La pandémie a pourtant fortement ralenti les flux migratoires réguliers et irréguliers vers l’Europe, bloquant des milliers de personnes, notamment des travailleuses et travailleurs saisonniers, des résidentes et résidents temporaires, des étudiantes et étudiants internationaux dans des conditions extrêmement précaires.
À l’inverse, cette crise sanitaire ayant entraîné des fermetures de frontières, cela a conduit à une augmentation de certains passages irréguliers et à l’alimentation de nombreuses infox, notamment en Colombie. Des contenus à tonalité négative ont insinué que les populations migrantes contribuaient à la propagation de la maladie. Ces discours, combinés à la crainte de la propagation incontrôlée du virus, ont provoqué des réactions xénophobes dans le pays.

Formations à destination des journalistes

Cette pandémie a néanmoins eu un impact particulier sur la digitalisation des formations à destination des journalistes, ainsi que sur les thématiques traitées. On peut citer à titre d’exemples le webinaire Migration et emploi des jeunes en temps de Covid-19 auénégal ou la formation L’impact du Covid-19 sur la migration, la voie légale de la migration et la traite des êtres humains en Guinée, tous deux financés par l’UNESCO.

Les autres obstacles à un traitement informé et équilibré du sujet des migrations sont :
- la méconnaissance de certaines terminologies bien définies juridiquement (par exemple l’usage erroné du terme réfugié pour immigré) et l’utilisation de terminologies connotées (tel que l’usage du terme clandestin pour personne migrante en situation irrégulière) ;
- des difficultés d’accès à des sources fiables d’information, qui conduisent certains journalistes à reprendre les informations des médias européens ;
- des difficultés d’accès aux personnes migrantes, privant les journalistes de sources d’information primaires. Dans plusieurs pays, des journalistes ont souligné une position paradoxale de certaines organisations internationales qui forment au traitement médiatique équilibré de la migration mais limitent l’accès des journalistes aux personnes migrantes et contrôlent la parole de celles-ci ;
- un intérêt limité des rédactions pour cette thématique (hors actualités) considérée comme peu attractive pour le grand public ;
- le manque de moyens financiers pour couvrir ces sujets qui nécessitent à la fois du temps, des déplacements pour aller dans les zones où se trouvent des personnes migrantes et du matériel pour y collecter des informations. S’ajoutent parfois des aspects sécuritaires comme en Colombie, au Burkina Faso ou en Jordanie où les déplacements dans les zones concernées sont risqués ;
- le manque de formation des journalistes sur cette thématique qui est rarement incluse dans leur formation initiale et fait seulement l’objet de courtes formations a posteriori pour les bénéficiaires de projets de renforcement de capacités.

En conséquence, le traitement médiatique des migrations occulte certaines sous-thématiques et se limite en général à un traitement factuel sans approfondissement des problématiques. Par exemple, au Maroc, l’émigration concerne 3,3 millions de personnes soit 9 % de la population. Or, les conditions des travailleuses et travailleurs marocains à l’étranger sont peu couvertes et l’actualité les concernant se limite souvent aux apports économiques des transferts de fonds et aux retours durant la période estivale.
Selon les pays, les médias sont également vecteurs de stéréotypes. En Gambie par exemple, les stéréotypes de la société sont nombreux à l’égard des personnes migrantes en situation irrégulière et des personnes rapatriées que l’on associe à un échec. Au cours des entretiens, la plupart des personnes interrogées ont indiqué que lorsque les médias traitent de la question de la migration irrégulière ou de retour, les personnes expulsées d’Europe et des États-Unis sont souvent décrites comme criminelles. Autre illustration en Tunisie où le groupe de discussion autour de la migration et les entretiens réalisés ont montré que la couverture médiatique des sujets migratoires contribuait à une stigmatisation persistante des personnes migrantes originaires d’Afrique subsaharienne.

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Le renforcement des capacités du secteur médiatique sur la thématique migratoire

Les compétences journalistiques sur la thématique des migrations sont loin d’être homogènes dans les pays de l’étude. Le degré de compétences des journalistes est variable en fonction des ressources pédagogiques disponibles. Ainsi, il existe au Maroc un master de recherchemédias et migration et de nombreux projets de renforcement de capacités ont été déployés dans le pays, tandis que les journalistes aux Comores ne bénéficient localement d’aucune formation professionnelle (un seul projet de renforcement de capacités y a été identifié entre 2015 et 2021).
Ce tableau reprend le nombre d’actions de renforcement de capacités recensées par pays. Ces actions incluent une majorité de formations à destination des médias sur la thématique des migrations, mais aussi des concours, des appuis techniques et financiers à la production médiatique, des actions de création ou de renforcement de réseaux de journalistes, des ateliers de réflexion, de sensibilisation, des voyages d’échange d’expériences, etc. L’annexe page 28 recense de manière non exhaustive 208 actions de renforcement des capacités du secteur médiatique ayant eu lieu dans les pays concernés par l’étude.

D’un point de vue quantitatif, l’étude montre que certains pays ont été très peu couverts par des projets de renforcement de capacités, tels que Madagascar, la Jordanie, le Liban ou les Comores.
D’un point de vue qualitatif, l’étude montre que les actions recensées ont été en très grande majorité des formations courtes (un à trois jours), même si leur format s’est diversifié ces dernières années avec davantage de concours, de mises en réseau, voire de formations initiales.
Toutes les analyses pays révèlent que les besoins en renforcement de compétences restent très élevés. Les principaux écueils à éviter pour assurer des effets pérennes à ces actions étant :
- les formations trop courtes : un jour isolé de formation ne permet pas de modifier dans le temps la pratique journalistique. Néanmoins, comme cela est souligné en Tunisie par les journalistes, "cela reste compliqué de s’absenter toute une journée de la rédaction pour participer à une formation" ;
- les formations uniquement théoriques : le changement des pratiques journalistiques passe par l’acquisition de compétences techniques (lutte contre les infox, datajournalisme…), par le terrain et par le soutien à des productions médiatiques (enquêtes d’investigation, reportages) ;
- la focalisation encore trop fréquente sur des thématiques très spécifiques, notamment la lutte contre la migration irrégulière, aux dépens d’autres types de migrations (diasporas, migrations féminines, migrations de travail, migrations étudiantes, etc.) ;
- le ciblage systématique des mêmes catégories de bénéficiaires : au-delà des journalistes, il serait pertinent d’associer des responsables éditoriaux sans l’appui desquels les journalistes ne peuvent pas couvrir les questions migratoires ;
- l’absence de prise en compte du niveau initial des journalistes, avec des programmes aux contenus pédagogiques inadaptés ;
- l’absence de suivi des bénéficiaires : un accompagnement à court et moyen termes des suivis post-formation sous forme de mentorat est pourtant nécessaire pour mobiliser les médias sur la durée et matérialiser les effets des actions de renforcement par des productions médiatiques ;
- un accompagnement du secteur des médias plus global et à plus long terme est également nécessaire pour matérialiser les effets de ces actions sous la forme de productions médiatiques. Au Togo par exemple, le sujet de la traite des êtres humains est rarement présent dans les médias malgré l’attention portée à cet enjeu par les autorités et les organisations internationales. Le gouvernement, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et des organisations de la société civile ont organisé régulièrement des ateliers de formation sur cette thématique. Malgré cela et la participation effective des journalistes à ces ateliers, les résultats restent peu visibles en termes de production d’articles ou d’émissions sur le sujet en raison du manque d’engagement, de moyens financiers et d’accompagnement sur le long terme.

Afrique du Nord

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Les tendances migratoires
Historiquement pays d’origine, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie sont aussi devenus, au XXIe siècle, des pays de transit et de destination.
Pays d’origine depuis plusieurs décennies, ces trois États du Grand Maghreb le sont encore aujourd’hui. Forts de diasporas de centaines de milliers de citoyens et citoyennes, voire de millions pour le Maroc, les trois pays d’Afrique du Nord observés dans cette étude reçoivent d’ailleurs de leurs ressortissants et ressortissantes résidant à l’étranger un apport financier conséquent, allant jusqu’à 6,5 % du PIB pour le Maroc.
Ces vingt dernières années, l’Afrique du Nord est aussi devenue une importante région de transit pour des personnes migrantes venant essentiellement d’Afrique de l’Ouest. Sur fond de trafic et de traite des êtres humains, via notamment l’enfer libyen, elles empruntent les routes de la Méditerranée centrale vers l’Italie ou de la Méditerranée occidentale vers l’Espagne, dont les Canaries. Ces migrations irrégulières sont toujours très meurtrières : en 2021, l’OIM a recensé plus de 2 000 morts ou portés disparus en Méditerranée et plus de 23 800 depuis 2014.
Le Maroc est l’exemple le plus frappant d’un pays de transit devenu pays de destination. Pour preuve, les deux vagues importantes de régularisation de dizaines de milliers de personnes migrantes en situation irrégulière en 2014 et 2017.
Sur la période la plus récente, on retient qu’en 2020 et 2021, la pandémie de Covid-19 a fortement ralenti les flux migratoires réguliers et irréguliers vers l’Europe, bloquant des milliers de personnes, notamment des travailleuses et travailleurs saisonniers, des résident.e.s temporaires, des étudiant.e.s
internationaux ou des personnes migrant pour des soins médicaux. Les femmes migrantes ont été touchées de manière plus significative encore par la pandémie : en Tunisie, par exemple, elles ont non seulement perdu davantage de revenus que les hommes mais ont aussi été davantage exposées aux risques d’exploitation sexuelle.

La question migratoire dans les paysages médiatiques
Le tropisme de la couverture médiatique de la migration irrégulière – offrant une grande visibilité à l’occasion de drames, de naufrages ou de faits divers, suivie de périodes sans productions médiatiques – se fait au détriment d’autres types de migrations peu ou pas couverts par l’ensemble des médias de la région comme la migration de travail, le regroupement familial ou bien encore la migration étudiante. Les diasporas, pourtant très importantes, notamment en Europe, sont très peu évoquées dans les médias.
Stéréotypes et discours de discrimination, jouant sur la peur des populations migrantes installées ou en transit, sont régulièrement relevés dans la presse écrite comme dans l’audiovisuel et sur les réseaux sociaux, ces derniers étant souvent des amplificateurs de fausses informations (infox).
Les réseaux associatifs très investis sur le sujet de l’immigration, comme en Tunisie et au Maroc, arrivent à percer dans le débat public mais la voix des hommes et femmes qui migrent reste rare et trop peu légitimée pour porter des messages audibles dans le débat public.
Cette couverture médiatique partielle des migrations est à resituer dans un contexte plus global où le journalisme d’enquête est embryonnaire, sous pression des autorités, avec des rédactions qui manquent généralement de moyens. Des exceptions notables existent malgré tout, tels les sites Nawaat et Inkyfada en Tunisie qui se revendiquent comme des médias indépendants ayant pour objectifs d’informer sur des thématiques rarement abordées par les médias dominants et de contribuer ainsi au débat public.

Initiatives de renforcement de capacités
La Tunisie a bénéficié d’un très grand nombre d’ateliers et de formations aux migrations à destination des journalistes. Depuis plus de dix ans, de très nombreuses organisations internationales, ONG et associations y ont proposé des formations tant théoriques que pratiques. L’Union européenne et certains pays comme l’Italie ou la France ont été – et sont encore – parmi les bailleurs les plus présents.
Ces formations ont permis d’initier des centaines de journalistes aux problématiques migratoires. Cependant, les bénéficiaires sont souvent critiques sur la nature de ces formations jugées parfois trop courtes, répétitives et trop théoriques, et n’incluant pas assez de productions pratiques. Ils notent aussi le manque de mentorat ou de suivi à leur issue.
L’impact de ces enseignements sur la qualité globale de la couverture médiatique dans ces pays est difficile à mesurer. Mais il reste à l’évidence des chantiers à poursuivre : les fondamentaux mêmes des migrations ne sont pas maîtrisés par toute la profession, et les stéréotypes et clichés demeurent dans nombre de médias.

Afrique de l’Ouest

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Les tendances migratoires
Les données nationales sur les migrations sont globalement insuffisantes en Afrique de l’Ouest et il peut être difficile de les comparer. Comme le confirme l’OIM : L’ensemble des analyses consacrées aux migrations souligne la difficulté majeure liée aux lacunes dans la collecte et la production de données permettant d’appréhender correctement la réalité migratoire. Les données disponibles sont parcellaires et n’offrent pas de possibilités d’analyse à la fois complète, fine et détaillée.

Néanmoins, un constat global ressort des pays étudiés dans cette section : la grande majorité des populations migrantes en Afrique de l’Ouest circule à l’intérieur de la sous-région. Selon les données de l’ONU, en 2020, les deux tiers des personnes migrantes originaires de la région vivaient dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest. Cette prédominance de la migration intrarégionale tient à plusieurs facteurs, et en particulier au droit de circuler sans visa entre les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO). Les migrations au sein de la CÉDÉAO sont la plupart du temps liées à la mobilité de main-d’oeuvre.
Hors du continent, l’émigration de travail, notamment vers l’Europe, a souvent une longue tradition enracinée dans l’histoire. Ces phénomènes ont constitué des diasporas dépassant parfois le million de personnes et contribuent au développement des pays d’origine par des transferts de fonds qui peuvent s’élever à plus de 10 % du PIB, comme au Sénégal par exemple.
La migration irrégulière demeure une constante importante en Afrique de l’Ouest. À partir de 2011, la route de la Méditerranée centrale à destination de l’Europe s’est peu à peu imposée.
Au milieu des années 2010, elle a été concurrencée par la voie maritime à destination des Canaries : le nombre de personnes migrantes effectuant la traversée de l’Afrique de l’Ouest vers les îles Canaries espagnoles a fortement augmenté en 2020, avec 16 760 arrivées entre janvier et novembre, soit une augmentation de plus de 1 000 % par rapport à la même période en 2019.
Ces traversées sont particulièrement dangereuses puisque, selon l’ONG espagnole Caminando Fronteras, plus de 4 400 personnes migrantes toutes nationalités confondues sont mortes ou ont disparu en mer durant l’année 2021 en tentant de rejoindre l’Espagne.

À cause des conflits et de la violence liés aux troubles politiques, aux tensions intercommunales et interethniques et à l’extrémisme, la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest sont touchés par des déplacements forcés internes et transfrontaliers, entraînant l’accroissement du nombre de personnes demandant l’asile, même si leur ampleur est très variable suivant les pays.
Enfin, les changements environnementaux en Afrique de l’Ouest ont des répercussions sur les moyens de subsistance et la mobilité humaine, que ce soit en raison de l’érosion des côtes ou des variations de la pluviométrie, comme au Sénégal, ou à cause de la sécheresse à l’intérieur du continent, comme au Niger.

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La question migratoire dans les paysages médiatiques
Comme en Europe, la migration irrégulière est, de loin, la thématique migratoire la plus couverte en Afrique de l’Ouest. Elle apparaît dans l’actualité, de façon récurrente, à l’occasion d’événements tragiques comme des naufrages, ou lors d’épisodes exceptionnels sur les routes migratoires.
La tendance de fond, notable ces dernières années, d’une féminisation et d’un nombre croissant de filles et garçons mineurs non accompagnés dans les flux de migration irrégulière, n’est pas encore traitée à sa juste place.
Il est frappant de constater que les médias des pays à forte émigration comme le Mali, le Sénégal ou encore le Burkina Faso évoquent peu, voire rarement, leur diaspora et tout ce qui est relatif à la migration de travail en général. Celle-ci est pourtant la forme de migration prédominante dans tous
les pays couverts par l’étude. Le peu de médias qui abordent ce thème le font avec une vision très institutionnelle, généralement fondée sur les discours publics émanant des autorités.
Cette faible diversité de sujets abordés se conjugue avec un constat beaucoup plus général, tous médias confondus : c’est le déficit – voire la quasi-absence – d’enquêtes et de reportages de fond sur les migrations. Les raisons invoquées – sans doute pas les seules – sont le manque de temps et de moyens. Ce déficit d’enquête et donc d’analyse, de travail en profondeur, est souvent remplacé par un relais littéral et assez brut, sans grand recul critique, de la communication des pouvoirs publics, agences internationales, ONG ou associations.
Si les réseaux sociaux et internet peuvent, dans le meilleur des cas, apporter une plus-value, grâce par exemple à des blogueuses et blogueurs influents qui traitent épisodiquement des migrations,
ils demeurent trop souvent un amplificateur de mauvaises pratiques, sans filtre ni filet déontologique, qui répercute et amplifie clichés et stéréotypes.

Initiatives de renforcement de capacités
Si de nombreuses actions de renforcement de capacités ont été réalisées sur la zone, certains pays en ont davantage bénéficié que d’autres.
Les besoins sont encore nombreux, notamment celui de maîtriser le vocabulaire migratoire, les contextes locaux, régionaux et transnationaux, ou encore d’ouvrir le champ thématique des migrations internationales au-delà de l’hypertrophie médiatique relative à la migration irrégulière. Le constat établi par les acteurs, actrices et bénéficiaires des formations est en général sévère, faisant valoir le déficit de connaissances fines sur la question migratoire. In fine, dans chacun des pays de la sous-région, il manque toujours cruellement de journalistes spécialisé.e.s.

Océan Indien

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Les tendances migratoires
Les tendances migratoires de Madagascar et de l’Union des Comores, pays insulaires de l’océan Indien aux taux de pauvreté élevés, sont marquées par leurs liens historiques avec la France, ancienne puissance coloniale. L’émigration des ressortissants et ressortissantes de ces deux pays est fortement motivée par des raisons économiques, la France et ses Territoires d’outre-mer sont donc l’une de ses principales destinations. Les flux migratoires entre Madagascar et l’Union des Comores sont également importants.
Les migrations de travail et étudiantes sont majoritaires en termes de flux. Le caractère irrégulier des migrations et la traite des êtres humains, en particulier à des fins d’exploitation par le travail et de servitude domestique, ressortent fréquemment dans les médias, avec un traitement assez sensationnaliste et superficiel. L’apatridie, phénomène commun aux deux pays, est sous-documentée malgré des conséquences potentiellement explosives sur le vivre-ensemble.
Enfin, la migration environnementale, phénomène principalement interne à ce jour, est régulièrement abordée dans les médias malgaches, ce qui n’est pas encore le cas pour l’Union des Comores. L’intérêt des autorités des deux pays pour ces enjeux migratoires est assez récent et leur politisation est particulièrement marquée aux Comores, du fait de la proximité avec Mayotte.

La question migratoire dans les paysages médiatiques
Si les paysages médiatiques des deux pays sont très différents, tant par leur nature que par leur fonctionnement, la couverture médiatique des questions migratoires présente les mêmes lacunes. En effet, l’étude révèle un traitement très factuel et superficiel, l’absence de certains thèmes comme l’apatridie, et une méconnaissance des termes et concepts associés. La migration n’est souvent traitée dans les médias des deux pays qu’en actualité chaude, c’est-à-dire en réaction à des drames ou des événements marquants, tels que des naufrages ou le démantèlement d’un réseau de traite des êtres humains. Il y a peu de couverture médiatique structurante, d’enquêtes de fond sur les causes et conséquences, et de mise en perspective des phénomènes migratoires.

Initiatives de renforcement de capacités
Peu d’initiatives de renforcement de capacités ont été conduites dans les deux pays sur les questions migratoires : une dans l’Union des Comores et sept à Madagascar. Dans les deux pays, des formations sur la traite des êtres humains ont été organisées. Néanmoins, les initiatives déjà menées semblent insuffisantes pour améliorer structurellement la qualité du traitement des migrations dans les médias.

Moyen-Orient

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Les tendances migratoires
La Jordanie et le Liban sont situés dans une région où sévissent différents conflits armés qui se traduisent par des déplacements forcés importants. Alors que les pays voisins (Syrie, Irak, Palestine) ont été marqués par des conflits récurrents ces dernières années, la Jordanie et le Liban connaissent une relative stabilité. Malgré leur contexte politique incertain, ces deux pays connaissent des expériences migratoires assez similaires :
- refuges pour les populations fuyant la guerre, la Jordanie et le Liban ont accueilli des vagues successives de personnes déplacées de force par différents conflits. Les Palestiniens et Palestiniennes à la suite de la guerre israélo-arabe (1948), les Irakiens et Irakiennes à la suite des deux guerres du Golfe (1991 et 2003) et, plus récemment, les Syriens et Syriennes à la suite de la guerre civile syrienne (2011). En Jordanie comme au Liban, ces populations réfugiées représentent plus de 20 % de la population ;
- pays de destination pour des travailleuses et travailleurs migrants en provenance d’Afrique ou d’Asie, les deux pays ont des trajectoires assez proches et font face à des défis similaires, notamment liés au système de parrainage (kafala) encadrant la migration de travail ;
- l’émigration est également une réalité.
En Jordanie, elle concerne de nombreux travailleurs et travailleuses qui partent chercher à l’étranger les opportunités professionnelles qui manquent sur leur territoire d’origine. Au Liban, l’émigration est un phénomène encore plus important, la diaspora libanaise comptant parmi les plus importantes au monde. Le soutien économique qu’elle apporte au Liban est considérable, notamment pour faire face aux crises économiques qui s’y succèdent.

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La question migratoire dans les paysages médiatiques
Les paysages médiatiques des deux pays sont sensiblement similaires, exception faite de la dimension plurilingue propre au contexte libanais. Les questions migratoires sont perçues comme des problématiques sensibles dans les deux pays et font essentiellement l’objet d’un traitement sensationnel et négatif. La parole des populations migrantes est le plus souvent absente, le discours principal étant celui des autorités, locales ou nationales. Il est fréquent de trouver des articles qui associent la présence des étrangers aux problèmes économiques, sociaux ou sécuritaires de chacun des deux pays. En contraste, la diaspora est vue sous un angle très positif, notamment au Liban.

Initiatives de renforcement de capacités
Selon l’inventaire non exhaustif de cette étude, les deux pays ont accueilli ces dernières années des activités de renforcement des capacités dans des proportions similaires : 7 pour la Jordanie et 8 pour le Liban. Ces activités sont parfois spécifiques au Liban ou à la Jordanie. Dans d’autres cas, il s’agit
d’actions d’envergure régionale qui sont organisées au Liban ou en Jordanie pour des raisons pratiques. Au regard des défis migratoires auxquels les deux pays sont confrontés, le volume de ces actions est jugé comme insuffisant par les personnes qui travaillent dans le secteur de la migration, ainsi que par les journalistes.

Conclusion

Les recommandations reprennent les principes directeurs suivants :
- mettre l’accent sur l’éthique et la déontologie dans la profession et le secteur des médias (respect des terminologies, des sources de données, de la diversité des points de vue, du droit à l’image, etc.) ;

- penser la question migratoire dans toutes ses dimensions (émigration/ immigration, motifs de migration, catégories de personnes migrantes, etc.) et sa complexité ;

- associer des personnes migrantes à la conceptualisation et/ou la mise en oeuvre des actions de renforcement de capacités des médias ;

- élargir les types d’acteurs et d’actrices participant aux actions de renforcement de capacités, soit comme bénéficiaires soit comme contributeurs et contributrices ou personnels encadrants :
- s’agissant des personnes contributrices, il est jugé pertinent d’impliquer celles issues du milieu associatif et universitaire travaillant sur les questions migratoires ;

- s’agissant des bénéficiaires, il semble indispensable d’associer, aux côtés des journalistes, des responsables éditoriaux et directeurs et directrices de médias, ainsi que des blogueurs et blogueuses, mais aussi d’élargir ce public bénéficiaire aux journalistes non francophones et non anglophones dans les différents types de médias (y compris les radios communautaires) ;

- s’agissant des personnels encadrants, il convient d’organiser des programmes de formation de formateurs et formatrices et d’identifier des profils nationaux ou issus de la sous-région ;

- sensibiliser les institutions publiques (autorités nationales, locales, régionales) à l’importance de garantir la liberté de la presse, l’indépendance des médias, ainsi que l’accessibilité des données et des statistiques pour permettre aux journalistes de disposer d’informations fiables.

Les formations initiales et continues restent un élément clé dans le renforcement des compétences des journalistes, mais leurs modalités (durée, format, journalistes cibles) ainsi que leurs thématiques doivent être plus variées, et définies en complémentarité de ce qui a déjà été réalisé. Des pratiques intéressantes peuvent par ailleurs être répliquées telles que :
- les formations à l’utilisation des réseaux sociaux : en engageant une réflexion sur l’adaptation des médias à ces nouvelles plates-formes et modules pour lutter contre la désinformation et contrecarrer des propos haineux ;

- les formations au journalisme de données (datajournalisme) et aux outils de visualisation (graphiques, cartes, etc.) ;

- les productions et/ou travaux issus des formations, ainsi que les outils d’autoformation et d’e-learning disponibles en ligne gratuitement dans la ou les langues nationales, accessibles sur des formats adaptés aux téléphones portables ;

- les systèmes de mentorat, notamment dans le suivi de productions (articles, enquêtes, reportages, etc.) ;
- les formations alliant systématiquement la théorie à la pratique avec des modules techniques d’enquête et d’investigation adaptés au contexte migratoire de chaque pays, et des visites de terrain auprès des populations migrantes (camps humanitaires, postes frontières, régions ou zones de départ, zones vulnérables à la traite des êtres humains, campus d’étudiantes et étudiants étrangers, etc.) ;

- les formations engageant une réflexion spécifique sur la manière de donner la parole aux personnes migrantes ;

- les formations continues décentralisées en présentiel dans différentes localités et pas uniquement dans les capitales : la décentralisation permettra d’impliquer davantage de médias locaux et d’intégrer des déplacements sur le terrain, de préférence à proximité des populations migrantes ;

- les formations dédiées à un seul type de média (par exemple, presse écrite ou presse audiovisuelle) car les différents types n’ont pas nécessairement les mêmes besoins de formation ;

- les ateliers à dimension régionale et interrégionale avec des bénéficiaires de plusieurs pays sur une thématique commune (par ex. : la traite des travailleuses domestiques qui vont vers les pays du Golfe à partir notamment de la Guinée, des Comores, du Niger et de Madagascar), ainsi que des ateliers réunissant des journalistes d’Europe, d’Amérique du Sud, du Proche-Orient et d’Afrique, de manière à croiser les regards et les expériences ;

- mettre l’accent sur la formation des étudiants et étudiantes en journalisme et communication, en lien avec les universités et les écoles pertinentes dans le pays, en intégrant les questions migratoires dans les curriculums, comme cela a été fait par exemple au Maroc.

D’autres types d’actions peuvent enfin compléter les formations afin de :
- soutenir et encourager la production et la coproduction nationale, régionale et/ou interrégionale de contenus médiatiques, notamment via le lancement et le financement d’appels à production, la mise en place de concours assortis de prix, de bourses, ou la mise à disposition pour les médias d’aide matérielle et/ou technique ;

- mettre en place davantage d’outils de suivi et d’évaluation des formations :
tant pour apprécier sur le court terme le niveau de satisfaction des personnes participantes et les compétences qu’elles estiment avoir acquises que pour mesurer sur le moyen/long terme l’effet de ces actions sur le volume et la qualité des productions ;

- mettre en place et animer des réseaux de journalistes spécialistes des migrations au niveau national, voire régional ou interrégional ;

- mettre à la disposition des professionnels des médias une plate-forme numérique multimédia accessible dans plusieurs langues permettant aux journalistes d’accéder en temps réel aux ressources et outils qui puissent leur permettre d’enrichir leurs productions sur la migration. Par exemple, elle pourrait contenir un répertoire des acteurs et actrices qui interviennent sur ces questions, ainsi qu’une banque de données (comprenant par exemple des statistiques, un glossaire, des ressources documentaires, des manuels ou guides de formation et les cadres nationaux et internationaux) sur les questions migratoires ;

- sensibiliser et éduquer les parties prenantes (médias, secteurs de la recherche, pouvoirs publics, sociétés civiles, etc.) via des projets, des espaces de dialogue et des outils d’information et d’éducation, afin de déconstruire les stéréotypes, promouvoir la diversité culturelle et le vivre-ensemble.

Toutes les actions de renforcement de capacités recensées sont accessibles dans la synthèse de l'étude.

Point sur la méthode

1/ Crédits
Nous tenons à remercier l’ensemble des interlocutrices et interlocuteurs rencontrés pour leur disponibilité et la qualité de leurs contributions.

Direction générale
Cette étude a été élaborée sous la direction générale de Jocelyn Grange, directeur Afrique, et coordonnée par Hélène Brousseau et Mathieu Lebegue, responsables projets, CFI.

Direction éditoriale
Julien Gueit, directeur de la communication et du numérique, et Astrid Robin, responsable des éditions, CFI.

Comité de pilotage
Mickael Garry (MEAE), Marie-Hélène Guillerm (MEAE), Alison Larcher (MEAE), Émilie Oulaye (MEAE), Mélodie Beaujeu (AFD), Matthieu Buratti (AFD) et Florence Minery (CFI).

Relectures et modifications en vue d'une harmonisation de l'étude
Mélodie Beaujeu et Mathieu Lebègue

Relecture orthotypographique
Élisabeth Gautier

2/ Auteurs et autrices
Analyses pays Burkina Faso, Comores, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Jordanie, Liban, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo et Tunisie :
Red Mangrove Development Advisors, cabinet de conseil qui accompagne les acteurs et actrices de la coopération internationale du Nord et du Sud.

3/ Coordination et expertise internationale
Charles Autheman, consultant spécialiste du traitement médiatique des migrations
Laura Denis, spécialiste en pilotage et suivi-évaluation de projet
Barbara Joannon, spécialiste des thématiques de migration et d’asile
Thierry Leclere, journaliste, réalisateur et formateur, spécialisé dans la couverture médiatique des migrations internationales
Maïa Lê-Hurand, spécialiste des questions migratoires
Claire Neuschwander, spécialiste dans le pilotage et la coordination de projets
Ophélie Tardieu, experte indépendante en migrations

4/ Expertise nationale
Andjouza Abouheir Ali Ms, analyste pays Comores
Elom K. Attissogbe, analyste pays Togo
Lilia Blaise, analyste pays Tunisie
Adama Bakayoko, analyste pays Côte d’Ivoire
Boubacar Koubia Diallo, analyste pays Guinée
Abou Dicko, analyste pays Mauritanie
Bréma Dicko, analyste pays Mali
Jerry Édouard, analyste pays Madagascar
Mahamadou Kane, analyste pays Mali
Mouhamadou Tidiane Kasse, analyste pays Sénégal
Salaheddine Lemaizi, analyste pays Maroc
Kouassi Combo Mafou, analyste pays Côte d’Ivoire
Amadou Mbow, analyste pays Mauritanie
Tony Mikhael, analyste pays Jordanie et Liban
Haingonirina Randrianarivony, analyste pays Comores et Madagascar
Bubacarr Singhateh, analyste pays Gambie
Lamine Souleymane, analyste pays Niger
Gulnar Wakim, analyste pays Jordanie et Liban
Romaine Raïssa Zidouemba, analyste pays Burkina Faso

5/ Analyse pays Colombie
La Fondation Dara International est une organisation indépendante à but non lucratif qui s’engage depuis 2003 à améliorer la qualité et l’efficacité de l’action humanitaire et de l’aide au développement en s’appuyant sur l’évaluation et en mesurant l’impact des actions menées. Ses études quantitatives et qualitatives permettent aux gouvernements, agences des Nations unies, ONG et autres acteurs et actrices de la société civile de prendre des décisions fondées sur des données probantes au niveau des politiques, des stratégies et des programmes.

6/Coordination et expertise
Gilles Gasser est journaliste indépendant et consultant, spécialisé dans les questions de communication et de gestion de l’information dans un cadre humanitaire, notamment dans les régions du monde qui font face à des phénomènes de migration.
Silvia Hidalgo, économiste, analyste et évaluatrice, est spécialisée dans l’évaluation de l’aide humanitaire et de l’aide au développement.