Regards médiatiques sur la diversité en Irak, au Liban et en Syrie
Projet associé
NaseejLa clôture du projet Naseej à Beyrouth les 18 et 19 octobre 2017 a rassemblé plus d'une cinquantaine de participants du Liban, d'Irak, d'Égypte, de Syrie, du Maroc, de Tunisie, de Jordanie ou encore de Bahreïn, dont parmi eux, beaucoup de candidats au Prix Naseej.
Pendant deux jours, les participants ont échangé avec leurs confrères et des experts autour de l'influence des conflits régionaux et confessionnels sur les médias et le traitement de la diversité. «
Si les initiatives de codes éthiques existent et sont louables, elles restent inutiles sans réformes structurelles au sein des institutions médiatiques » a indiqué Joanna Nassar, directrice des programmes au sein du PNUD.
Qu'en est-il dans un contexte de guerre, où les questions de diversité et de pluralisme sont souvent instrumentalisées ? Jawad Charbaji, rédacteur en chef du site
Enab Baladi est revenu sur le long processus d'élaboration de chartre éthique des médias syriens en exil, rappelant qu'en 2014 près de 2000 médias existaient pour raconter le conflit.
« L'audience fait souvent davantage confiance aux médias étrangers, qu'ils jugent plus crédibles et moins orientés au sujet des informations sur leur propre pays ; c'est le cas en Irak sur la question kurde ». Montadhar Naser Khadim (journaliste à Al Aalem Al Jadid)
Un panel d'intervenants internationaux (français, allemands et serbes) visait également à élargir le débat et décentrer les regards. En effet, bien que les contextes nationaux diffèrent, la gestion du pluralisme demeure un défi auquel tous les médias sont désormais confrontés et soulève la question même de leur rôle : comment mettre en lumière les différences et les particularismes sans encourager le communautarisme et contribuer aux divisions ?
L'exemple du
Bondy Blog, qui donne la voix aux habitants des banlieues « pour informer sur leur quotidien et pas seulement quand il y a des soubresauts », mais aussi pour mettre en avant des parcours positifs, répond à cette démarche inclusive, comme l'a expliqué le président du média en ligne, Kozi Pastakia.
Par ailleurs, la Fondation Adyan et le centre SKEyes ont présenté les résultats de l'étude menée sur la couverture de la diversité culturelle et religieuse en Syrie, en Irak et au Liban.Cette étude visait à analyser les contenus publiés et diffusés par des médias de ces trois pays (le langage utilisé, les concepts promus ou les groupes qui y étaient représentés et ceux qui ne l'étaient pas) et à intégrer la perception du public sur la question du pluralisme dans les médias.
Le journaliste Saad Zalzali, lauréat 2017 du Prix Samir Kassir pour la liberté de la presse, a fait un état des lieux sans détour du contexte irakien en s'interrogeant : « Les médias sont-ils un outil du conflit ou produisent-ils eux-mêmes le conflit ? »
En cause, les partis politiques et les mouvements religieux qui soutiennent la quasi-totalité des médias et incitent au sectarisme. Sur la non couverture des minorités ethniques et religieuses en Irak démontrée dans l'étude Adyan, celui-ci ajoute : « Personne n'avait jamais parlé des Yézidis avant que leurs filles ne soient violées… »
« Une guerre, ce n'est pas que des bombes mais aussi de la sémantique », a rappelé quant à lui le journaliste franco-irakien Feurat Alani, en précisant : « En 2003 la citoyenneté a disparu: on ne parlait plus d'Irakiens mais de sunnites et de chiites (…) La santé du journalisme est dépendante des instances de régulation et nous n'avons malheureusement pas d'équivalent du CSA en Irak ».
Si la situation est en bien des points alarmante, elle ne doit pas pour autant masquer la réalité, comme l'a affirmé Nahla Chahal d'Assafir Al-Arabi : « Il y a des journalistes irakiens qui écrivent de manière indépendante. Chez Assafir Al-Arabi il y a 250 contributeurs du monde arabe qui ne défendent pas de vision sectaire ou confessionnelle. Il faut parler des exemples positifs dans la région, nous ne les inventons pas, ils existent ! ».