Malaysiakini, 1er média indépendant de la Malaisie

Malaysiakini, 1er média indépendant de la Malaisie

Un jour dans mon média est une série de témoignages, qui illustre chaque semaine le quotidien de personnes travaillant dans les médias de l'Afrique, du monde arabe et de l'Asie du Sud-Est, accompagnés par CFI.

Cette semaine, entretien avec Aun Qi Koh, secrétaire de rédaction du site web d'informations Malaysiakini.com.


Aun Qi Koh est une jeune Malaysienne de 27 ans.
Après une licence en relations gouvernementales et internationales à l'université de Sydney, en Australie, elle effectue différents stages au sein de groupes audiovisuels. C'est en 2017 qu'elle est recrutée chez Malaysiakini, où elle travaille comme secrétaire de rédaction.

Un média précurseur

Il a été créé en 1999 après que le Premier ministre malaisien de l'époque Dr Mohamad Mahathir, ait promis qu'internet ne serait pas censuré.Malaysiakini est le premier organe de presse indépendant que le pays ait connu.
Avec une ligne éditoriale axée sur la politique, ce média en ligne a pour cible principale les Malaisiens de 50 ans et plus. Cependant, de nombreux efforts sont entrepris pour attirer les jeunes et les intéresser à l'actualité politique. Le site est disponible en 4 langues : l'anglais, le malais, le chinois et le tamoul.Aun Qui veille à ce que les informations soient vérifiées, corrige les erreurs d'orthographe et de grammaire qui pourraient éventuellement se glisser dans les papiers.
"J'ai également une prédilection pour le datajournalisme et je participe à la création des infographies du site", explique-t-elle. Une rubrique baptisée Kini TV, uniquement dédiée à la vidéo, a aussi été mise en place. Steven Gan et Premesh Chandran, les deux fondateurs Malaysiakini, occupent respectivement les postes de rédacteur en chef et de directeur général.

Les effectifs de Malaysiakini s'élèvent à environ 90 employés : 58 personnes au sein de la rédaction et une trentaine de personnes pour l'exploitation. En 2014, le média devient propriétaire d'un bâtiment à Petaling Jaya dans l'État de Sélangor, qui devient son siège officiel.

Le numérique, vecteur de pluralité des médias

Aun Qi souligne que, dans le pays la majorité des organes de presse sont détenus ou contrôlés par le gouvernement. D'où cette volonté de diversifier l'offre médiatique : "Le média en ligne est un moyen de briser le monopole exercé par l'État sur les journaux d'information en Malaisie. De plus, un site web d'informations est plus économique qu'un journal papier", avance-t-elle.

D'ailleurs, Malaysiakini utilise beaucoup les plateformes de réseaux sociaux : "La Malaisie compte l'une des plus fortes proportions d'utilisateurs de médias sociaux en Asie du Sud-Est. 70 % à 80 % de notre audience nous consulte via Facebook" indique-t-elle.
Facebook et Twitter sont essentiellement employés pour diffuser les articles, échanger avec le lectorat via des photos, des infographies, des sondages ou encore des vidéos.
D'après le Digital News Report 2017 du Reuters Institute for the Study of Journalism de l'Université d'Oxford, les Malaisiens consultent l'actualité principalement sur les médias sociaux et les applications de messagerie : "Il nous fallait être présents sur ces nouveaux canaux", estime la secrétaire de rédaction.

Le site est partiellement payant : les versions en anglais et en chinois sont sur abonnement et celles en malais et tamoul sont gratuites. Le paywall au compteur donne la possibilité aux lecteurs, de lire gratuitement dix articles par mois. Les abonnements et la publicité représentent 60 % du chiffre d'affaires du média, le reste des revenus provient de Google Ad Exchange.

Avant de traiter un sujet, les journalistes doivent informer le rédacteur en chef de l'angle choisi. Ils sont encouragés à toujours enregistrer leurs entretiens au format audio, afin de pouvoir se justifier au cas où des politiciens affirmeraient que leurs propos ont été déformés. Les secrétaires de rédaction ont aussi pour mission de purger les articles de toute diffamation qui pourrait entraîner des poursuites juridiques : "Par ailleurs, nous offrons toujours un droit de réponse aux personnes visées par des allégations", indique Aun Qi Koh.

Une perception dépassée des médias par le gouvernement

Selon la jeune femme, le rôle des médias comme quatrième pouvoir est une notion étrangère à l'État : "Le gouvernement voit les médias comme un outil pour promouvoir et diffuser ses politiques. Il semble y avoir un décalage fondamental entre la perception que le pouvoir politique a du devoir de la presse et notre propre perception de ce devoir."
Les médias s'imposeraient eux-mêmes une sévère autocensure, en plus de celle instaurée par le gouvernement : " La liberté de la presse est brimée à travers une série de lois, plus particulièrement la loi anti-fake news, récemment adoptée au Parlement. Les questions raciales et religieuses doivent être abordées avec prudence afin d'éviter d'enfreindre la loi contre la sédition", affirme la jeune femme. Malaysiakini en particulier, a été accusé d'être un outil de l'opposition.
Une perception qui perdure et que le média doit constamment démentir. Ainsi, il a été interdit aux journalistes du média d'assister à certains événements du gouvernement et parfois, il leur a été demandé de quitter les lieux : "Ce qui complique énormément notre mission d'information", estime Aun Qi.
La Malaisie occupe la 144e place sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse2017. Une des conséquences de cette situation est que les Malaisiens ont de moins en moins confiance en leurs organes de presse.

Malaysiakini a contribué à enrichir les sources d'informations des Malaisiens, notamment en proposant une actualité alternative :

Nous entendons défendre la liberté de la presse en montrant la nécessité d'un regard critique sur les actions gouvernementales.

Sur le long terme, Malaysiakini souhaite pérenniser son modèle économique et donc sa présence dans l'univers médiatique de la région.

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