Le Liban entre citoyenneté et confessionnalisme

Le Liban entre citoyenneté et confessionnalisme

Découvrez une sélection des meilleurs articles traitant de la diversité culturelle et religieuse au Proche-Orient, reçus dans le cadre du concours Naseej lancé par CFI et SKeyes en octobre 2017.

Cette semaine, le journaliste libanais Mohamed Zreik, évoque l'importance du confessionnalisme au Liban, qui constitue un des fondements de ce pays.

Paru dans An-Naharle 5 juin 2017


"Pays de la démocratie", le Liban est tiraillé entre deux idées : la citoyenneté et le confessionnalisme. Au Liban, la citoyenneté est toujours dominée par le caractère confessionnel. L'individu est citoyen de par son appartenance à l'État libanais, par l'accomplissement de ses devoirs et par l'obtention de ses droits civils. Cependant, il est étroitement lié à une certaine confession par ses tribunaux, ses centres religieux et ses institutions. Son appartenance confessionnelle est profondément enracinée en lui et revêt un caractère sacré pour lui.
Depuis sa naissance (État du Grand Liban 1920, Indépendance 1943, accord de Taëf 1989), le Liban est régit par le confessionnalisme à tous les niveaux (économie, politique, social…). Nous constatons qu'il est impossible pour aucun parti ou association de se développer sans être lié à un système confessionnel. Le Liban est condamné au confessionnalisme dans le marché de l'emploi, la législation et les pouvoirs garantis par la Constitution que l'accord de Taëf a consacrés.
Le Liban est, par conséquent, un pays confessionnel enveloppé de démocratie. Ceci a eu un impact sur le déclenchement de la guerre civile et la partition du pays en régions ou « États » isolés du point de vue confessionnel à l'intérieur d'un même État. Le Liban a ainsi été une terre fertile en conflits et divisions. Depuis l'instauration du Liban en tant qu'État, le confessionnalisme en a constitué le fondement. Aussi, toute tentative d'éliminer ce phénomène signifie-t-elle logiquement la fin de ce qu'on appelle Liban, puisque le confessionnalisme constitue l'un des fondements de cette nation.

Le Pacte national de 1943 est venu garantir le droit dont jouit chaque confession parmi les 18 présentes et lui accorder un rôle actif dans le gouvernement libanais, c'est-à-dire que toute confession qui voudrait travailler en dehors des cadres du Pacte national et de l'État libanais commettrait un coup d'État.
Lors d'un désordre, d'une crise ou d'une guerre civile, les différentes confessions finissent par avoir recours au compromis, dans un esprit de concorde et d'harmonie, comme si les bains de sang écoulés représentaient un des aspects de l'exercice politique. Il faut savoir que chaque confession constitue une unité idéologique, politique et culturelle et qu'elle est dotée d'un organe sécuritaire qui lui est propre et qui n'agit que lors des guerres et des crises. Au terme de la guerre civile (1989-1990), le Liban est entré dans une ère de paix politique. Les armes sous toutes leurs formes ont disparu et les différends n'apparaissaient que dans le discours politique. À cette même époque, le peuple libanais a été divisé géographiquement, selon les confessions, après le déplacement forcé qui a eu lieu. Chaque ville s'est constituée en émirat confessionnel auquel les populations ont adhéré.

Aussi, a-t-on vu que chaque confession aspirait à une extension confessionnelle au-delà des frontières géographiques libanaises, et ceci avec un soutien international et régional. Pourtant, le Liban n'est pas subordonné à l'Empire ottoman ni perse. Il n'est ni une province américaine, ni une colonie européenne. Le Liban est un pays aux frontières reconnues internationalement. Il représente un État et des institutions juridiques et officielles.
Ainsi la question qui se pose est la suivante : le moment n'est-il pas venu pour le Liban de vivre une vraie indépendance ? Nous ne voulons pas de faux slogans qui tentent de nous convaincre que le Liban est indépendant, alors que ses frontières sont quotidiennement violées et que les nombreux ambassadeurs d'États étrangers ne cessent d'intervenir dans les affaires de notre pays bien-aimé.

"État de citoyenneté"

Le Liban, fabriquant de savants et phare de l'Orient, voulez-vous le détruire pour vos propres intérêts mesquins ? Mais un pays comme le Liban, fondé par les Phéniciens, qui a vu naître la première imprimerie, berceau du savoir et de l'écriture, ne tombera pas, comme vous le croyez. Non je le jure, il ne tombera pas. Je suis persuadé que c'est un nuage d'été qui se dissipera. Le Liban ne sera ni un émirat islamique pour vous, ni une paroisse chrétienne. Le Liban a été et restera l'église de l'Orient et la mosquée du monde, sous son ciel bleu qui n'a jamais vu se coucher le soleil de la liberté.
Où êtes-vous, Michel Chiha ? Vous qui aviez dit que le Liban est à la fois le pays du rêve et de la réalité ; vous qui avez toujours voulu que le Liban ait une seule tête et qu'il ne soit pas un pays aux multiples têtes ; vous qui avez considéré le Liban un pays exceptionnel que le ciel a honoré, et dont la multiplicité des confessions est un don de Dieu. Hélas, cette grâce est devenue son plus grand défaut.

Retournons aux visions de Michel Chiha. Ce grand penseur a considéré le confessionnalisme comme la raison d'être de ce pays, et que la réforme ne pourrait se faire que par le confessionnalisme. Depuis l'accord de Taëf en 1989, en passant par celui de Doha en 2008, et jusqu'à ce jour, nous voyons la situation du pays semblable à une personne qui raccommode un vêtement usé. La solution n'est en aucun cas dans le raccommodage… La solution réside dans le changement de l'ensemble des dirigeants actuels et dans l'instauration d'un nouveau régime et d'un nouvel État : État de citoyenneté et non pas citoyenneté du confessionnalisme, État moderne qui assure tout ce
qu'il faut pour la construction du pays.

Nous sommes les jeunes du Liban. La réalité que nous vivons n'est pas des plus enviables. Nous ne voyons plus d'alternative à l'émigration, ce destin auquel on ne peut échapper. Nous aimons le Liban, mais pas ce Liban. Ce Liban est un mensonge international que vous avez inventé. Vous avez voulu la vie mesquine, une vie à la merci des autres. Mais nous, cette vie ne nous plaît pas, parce que nous sommes nés libres et que nous ne vendrons pas notre liberté pour tout l'or du monde.
Nous sommes l'avenir de la nation, mais la nation est en train d'être détruite et son avenir aussi.
Nous croyons dans le Liban, le Liban de l'amour, de la dignité, de la paix, de la coexistence.
Le Liban n'est pas un pays, c'est un message.


Retrouvez tous les articles du concours Naseej dans le livret Quels destins pour les minorités au Proche-Orient ?

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