El Khabar, le quotidien algérien des premières heures
Projet associé
4M "Transition numérique des quotidiens arabes"Un jour dans mon média est une série de témoignages, qui illustre chaque semaine le quotidien de personnes travaillant dans les médias de l'Afrique, du monde arabe et de l'Asie du Sud-Est, accompagnés par CFI.
Cette semaine, entretien avec Farouk Ghedir, du journal algérien El Khabar.
Créé en 1990, à la faveur d'une ouverture politique qui autorisait les médias privés, El Khabar est l'un des plus anciens journaux du pays. Le média s'est associé avec El Watan, un journal francophone algérien, pour acheter des machines rotatives. "Notre ligne éditoriale n'a pas bougé depuis le début. Contrairement à d'autres médias, nous donnons les informations brutes à partir d'enquêtes, le commentaire est pour le lecteur."Ils sont les seuls journaux privés à posséder leur propre matériel pour l'impression.
En 2006, El Khabar atteint son record de tirages qui s'élevait à 600 000 exemplaires.
En arabe, El Khabar signifie la nouvelle.
El Khabar, Le Monde algérien
Le média aborde plusieurs sujets : société, politique, sport, santé, etc. Il couvre actuellement des contestations sociales qui ont lieu en Algérie.
Farouk Ghedir travaille pour le journal depuis 2003. Il a d'abord été recruté comme journaliste, avant d'occuper le poste de chef du bureau société et local. Il est rédacteur en chef depuis 2014.
La version papier du média est surtout achetée par les 40-55 ans, alors que celle web vise les plus jeunes.
Une transition numérique compliquée
"Il faut préparer l'avenir car la version papier va disparaître. Moi j'ai connu les deux périodes : celle de la suprématie du papier et maintenant celle du numérique."Le site internet du journal a été créé il y a dix ans et depuis trois ans El Khabar amorce une transition numérique majeure.
Cette transition est rendue difficile par un manque de journalistes spécialisés dans le mobile et les nouveaux modes de lecture en Algérie. L'avènement des chaînes de télévision privées a fait évoluer le travail du journaliste dans le pays, "ceux-ci doivent continuer à s'améliorer", renchérit le rédacteur en chef.
Le site reprend quelques articles du journal papier mais le reste du contenu est essentiellement créé pour lui. Les journalistes du groupe sont encouragés à se former au journalisme web à travers des MOOC, des tutoriels en ligne mais aussi des formations ponctuelles. Comme celle que CFI médias avait organisé dans le cadre du projet 4M transition numérique des quotidiens arabes auquel El Khabar a participé en 2015.
"Nous y avons appris comment écrire pour le web et gérer des réseaux sociaux", détaille Farouk.
À terme, le groupe envisage d'installer un petit studio équipé de caméras, dédié uniquement à du multimédia pour le web. Les publicités via Google Adsense constituent la plus importante source de revenus pour le média. Avec le début du e-payment en Algérie, la loi qui l'autorise venant d'être votée, le journal compte mettre en place une formule d'abonnement pour la version papier. Il se rentabilise grâce à la vente des numéros (20 dinars le numéro soit 0,14 centimes d'euros) et les recettes publicitaires.
Défiance des Algériens envers leurs médias
Les journalistes algériens sont confrontés à plusieurs obstacles : " Il y a quelques années, la relation entre les médias et le pouvoir était très compliquée. Mais elle s'améliore grâce aux réseaux sociaux notamment. L'approche de l'État et différente car on ne peut plus rien fermer ni rien cacher", affirme le rédacteur en chef.
Au sein de la population, la défiance envers les médias est de plus en plus grande. "La course au scoop, l'absence de travail de fond des journalistes actuels en Algérie, expliquent cette défiance", dit Farouk, avant de relativiser :
"C'est comme partout ailleurs, les Algériens ont moins confiance en leurs organes de presse surtout avec la naissance des médias dits citoyens."
Dans cette atmosphère, El Khabar parvient tout de même à garder la crédibilité qu'il s'est créée au fil des ans en évitant le sensationnalisme. "Les gens pensent qu'avec les réseaux sociaux et les initiatives citoyennes, le journalisme va disparaître. Mais on aura toujours besoin de journalistes qualifiés, formés et professionnels pour traiter les actualités avec impartialité", termine-t-il.