Richard Goutia – "Le petit" parle maintenant...
En Centrafrique, la radio a transformé Richard Goutia. L'enfant timide, après avoir été animateur, est devenu, à 43 ans, directeur technique et formateur. Il a installé, assuré la maintenance des équipements ou formé les techniciens de la quasi-totalité des 41 radios communautaires du pays.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
Pas facile de parler de soi...
Dès la première question, Richard Goutia baisse la tête et regarde le sol. Un reste de sa timidité d'enfant... Davy, son frère aîné, se souvient : Richard était réservé et calme. Il fabriquait et réparait des objets, notamment la radio quand elle tombait par mégarde. Le petit frère confirme, un discret sourire aux lèvres : Quand j'avais 6 ou 7 ans, j'ai cassé deux ou trois radios pour voir quelle était cette personne qui parlait à l'intérieur du poste toute la journée sans se fatiguer !
Quand j'avais 7 ans, j'ai cassé des radios pour voir quelle était cette personne qui parlait à l'intérieur...À l'époque, Richard fabrique aussi sa propre radio en assemblant cartons, haut-parleurs et piles sur une planche en bois pour capter Radio Centrafrique.
À l'école aussi, le bricoleur prometteur sort du lot. Notre défunt papa disait que Richard était ‘‘exceptionnel’’. Je ne le voyais jamais réviser ses leçons à la maison, car il comprenait directement à l'école ! , se rappelle encore Davy. Au lycée technique Étienne Sabonga de Bangui, le jeune homme s'épanouit au contact de ses passions : mécanique, géométrie, physique, etc.
Puis, à l'Institut supérieur de technologie (génie industriel), Richard part en stage à Radio Centrafrique : Mes questionnements de l'enfance ont refait surface... J'ai étudié comment, techniquement, le son quittait le terrain en province pour arriver dans les journaux ou les programmes de Bangui, avant de repartir vers les auditeurs.
La radio : un outil de développement
Richard Goutia est ensuite contacté par Radio Notre Dame (RND) pour réhabiliter les installations techniques de cette station. Il intervient avec des spécialistes de la RD Congo voisine, épatés par les talents du jeune à leurs côtés. À RND, Richard devient responsable technique et animateur. Un jour, nous avons été surpris de l'entendre animer. Dans la famille, nous nous sommes dit : ‘‘Le petit commence à parler !’’ Lui riait seulement ! , s'amuse Davy.
Quand elle débarque à RND, Ornella, qui deviendra sa femme, trouve en Richard un guide bienveillant : Les autres animateurs me voyaient comme une concurrente, mais lui m'a dit d'observer, de prendre des notes et de poser des questions. Grâce à lui, je suis devenue animatrice-productrice à Radio Ndéké Luka, puis cheffe des programmes à RND et, depuis 2022, je travaille à Guira FM (radio de l'ONU en RCA, Ndlr).
La radio fait ainsi éclore une vocation de pédagogue chez Richard Goutia : Être formateur m'a beaucoup aidé à partager. Dans certaines radios communautaires, certains n'avaient jamais touché un ordinateur, ni fait de montage. Cela m'a poussé à associer aux apprentissages techniques le journalisme. Quand les gens ne comprenaient pas, j'expliquais avec des mots simples en sango. Certains apprenants sont devenus responsables de la maintenance ou correspondants de radios nationales. Avec le projet Relèvement et stabilisationde CFI (2016-2019), j'ai découvert une autre manière d'accompagner les collègues : je les observe, eux-mêmes constatent leurs failles et je les aide à corriger ces dernières.
Bérenger Silvère Romaric Kouzoundji, de Radio Ndjoku de Bayanga, témoigne : Avant, comme assistant technique, je ne faisais que des petits dépannages. Richard m'a montré les émetteurs, les installations électriques, la console, les ordinateurs... Grâce à lui, je suis devenu responsable technique, journaliste et animateur dans ma radio. Je l'appelle ‘‘formateur’’, ou ‘‘chef’’, mais il refuse et me fait comprendre que nous sommes collègues !
Même après avoir installé, assuré la maintenance des équipements ou formé des techniciens dans la quasi-totalité des 41 radios communautaires de Centrafrique, Richard Goutia, directeur technique du Réseau des médias communautaires de Centrafrique (RMCC), reste modeste : Je me mets au service des autres. La radio est un outil de développement. En 2022, quand nous avons installé Radio Mbili à Bocaranga, les gens de villages situés à plus 50 km venaient ou appelaient pour dire : Merci, vous parlez d'agriculture, de santé, c'est ce qu'on attendait depuis longtemps !
Grâce à la radio le ‘‘petit’’ Richard parle maintenant. De nombreuses communautés aussi.
Dans 10 ans...
Aucune hésitation ! À la question Comment vous imaginez-vous dans dix ans, Richard Goutia répond, pour une fois très sûr de lui : Je serai à la retraite ! Mon corps ne répond plus... J'aimerais quitter le domaine des installations, mais rester formateur. J'y trouve en effet beaucoup de plaisir, un peu comme un cultivateur qui sème une graine et voit un plant puis des fruits sortir de terre.
Un de ces fruits, Bérenger Silvère Romaric Kouzoundji, responsable technique de Radio Ndjoku de Bayanga, encourage son formateur à poursuivre dans cette voie : Dans 10 ans, Richard sera peut-être le promoteur d'un centre de formation des techniciens radios. Il peut former des techniciens d'autres pays, dans le monde entier !
Autre possibilité, suggérée par son ancien président de l'Association des radios communautaires de Centrafrique (ARC, devenue RMCC), Jean-Ignace Manengou : Richard pourrait rester directeur technique du RMCC, mais avec des capacités et des moyens pour intervenir rapidement dans toutes les radios communautaires.
Davy, son frère aîné, encourage son cadet à étudier encore pour avoir davantage de diplômes. Richard ne demande que ça : J'aimerais me perfectionner dans la réparation des émetteurs, mais aussi en informatique, webradios, formations à distance... Bien me former pour bien orienter les autres.