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Ramatou Thiombiano : Au départ, je voulais plus d’hommes que de femmes dans ma rédaction

Projet associé

Ramatou Thiombiano est directrice adjointe de Niger24, un groupe de presse nigérien. Aujourd’hui, grâce à MédiaSahel pour Elles, elle souhaite appuyer les femmes dans sa rédaction, ce qu'elle ne faisait pas précédemment. 

 

Jusqu’en décembre dernier, je ne voyais pas un grand potentiel aux femmes. Quand bien même j’étais moi-même une femme manager !
Ramatou Thiombiano, reconnait être d’une génération où les stéréotypes sur les femmes sont nombreux. À 46 ans, la directrice adjointe de Niger24 admet qu’en Afrique, c’est difficile pour les hommes d’accepter d’être dirigés par des femmes.

Ramatou appartenait à ces cadres qui ont des appréhensions vis-à-vis des femmes dans les médias. Je voulais promouvoir les femmes, mais celles de mon équipe trouvaient tout le temps des excuses. Tantôt c’est l’enfant qui était malade, tantôt le conjoint. Elles ne respectaient pas leurs engagements. Je voulais qu’elles s’impliquent au même titre que les hommes. Et de poursuivre : elles étaient toujours hésitantes à aller sur le terrain. Contrairement aux hommes qui, eux, étaient motivés, se justifie-t-elle.
Après cinq années passées à la tête de la direction de Niger24, avec des perturbations et de la pression, son constat est sévère : l’engagement des femmes pour le travail était minime. On ne pouvait compter que sur les hommes en tant que journalistes, affirme-elle.

Une femme venue de nulle part

Elle se souvient de ses premiers pas en tant que responsable : Je ressemblais à une étrangère, une femme venue de nulle part pour diriger des hommes. Une situation qui l’a un peu bouleversée à ses débuts. Ça a été traumatisant au départ, mais ce qui m’importait c’était de réussir les challenges et d’asseoir une administration correcte et une entreprise de presse viable, renchérit la femme de média.
Jugée autoritaire, voire inefficace par certains de ses collaborateurs, sa tête est même demandée au sein de l’entreprise. Elle sera maintenue en poste. Un soutien dont elle est reconnaissante. Selon elle, dans le contexte nigérien, il faut avoir de la hauteur et de la grandeur pour faire confiance à une femme, même si elle est méritante.
Pour autant, sa perception vis-à-vis des femmes au travail n’évolue pas.

En décembre dernier, elle est invitée à partager son expérience de cadre dirigeante d’un média lors d’une formation management sensible au genre, organisée à Niamey dans le cadre de MédiaSahel pour Elles. Deux heures d’échanges avec les participant.es et le formateur Karim Djinko.
La prise de conscience est immédiate : J’ai réalisé que j’avais un rôle à jouer en tant que leader pour changer la situation des femmes dans les médias.

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Changement de perception

Dans les jours qui ont suivi, celle qui avait rêvé d’être magistrate ou spécialiste en relations internationales avant de devenir journaliste, est passée à l’action. J’étais à la recherche de deux hommes et une femme pour augmenter mon effectif, explique-t-elle. Finalement, l’expérience de la formation m’a permis d’offrir les mêmes chances aux hommes et aux femmes. J’ai donc recruté deux filles et deux hommes. J’ai également accepté de recevoir des stagiaires femmes. En temps normal, j’aurais refusé. Ma rédaction compte à ce jour cinq hommes et sept femmes, revendique-t-elle fièrement.

Ramatou se félicite d’avoir pu changer sa perception. Elle accompagne désormais ces femmes pour qu’elles aient confiance en elles, qu’elles développent leurs capacités et s’investissent pleinement dans leur métier de journaliste. Trois mois après, je ne suis pas déçue de mon choix. Elles ont relevé le challenge d’envoyer à temps leurs sujets et de bien les traiter, conclut-elle d’un air satisfait.