Qu’est devenu… Gaston Yamaro, l'autodidacte acharné ?

Qu’est devenu… Gaston Yamaro, l'autodidacte acharné ?

Projet associé

Gaston Yamaro collabore avec CFI depuis 10 ans en tant que bénéficiaire, puis co-formateur et enfin formateur. Issu d'une famille « totalement démunie », cet autodidacte est aujourd'hui directeur de Deeman Radio-TV et formateur reconnu au-delà des frontières du Bénin. Portrait.

Grosse journée, petite voix. Après avoir accompagné au montage de leurs reportages des journalistes sénégalais, Gaston Yamaro, 47 ans, coach béninois pour le projet Afri'Kibaaru de CFI donne des nouvelles dans sa note vocale quotidienne. "Il est tellement passionné qu'il sort parfois tard de notre radio après des rappels du chauffeur pour rentrer ! Grâce à lui, notre page Facebook est devenue beaucoup plus dynamique, passant de 7 000 à 15 000 followers", témoigne Bedy Mbow Konte, coordinatrice générale Jokkoo FM à Rufisque.

Enfant, Gaston rafistolait les radios pour les faire fonctionner. Il avait alors une très petite voix, une voix de femme !
Falylath Babah Daouda
Sa cousine

Huit ans plus tôt, fin 2016, après avoir participé deux ans auparavant à une formation de formateurs au Burkina Faso, Gaston prend part à l'atelier de lancement de Dialogues Citoyens Bénin 1. L'équipe CFI lui demande de modérer un des débats : "Pour y arriver, j'ai passé toute la nuit à lire le projet. On m'a ensuite proposé de devenir co-formateur. Depuis, je me dis que j'avais raison de chercher des infos de proximité et de m'intéresser au digital alors que, jusque-là, je pensais que je bricolais seulement." Falylath Babah Daouda, sa cousine, se souvient : "Enfant, Gaston rafistolait les radios pour les faire fonctionner. Il avait alors une très petite voix, une voix de femme ! Pour se forger une autre personnalité, il s'isolait dans la brousse et imitait des voix de RFI... Nous n'étions pas sûrs qu'il arrive à devenir journaliste, mais à force d'insister, il a su poser sa voix imposante dans ses chroniques."

"Il nous amène à nous surpasser"

La radio, inséparable compagne de route de Gaston Yamaro : "J'ai été bercé par elle, car mon père menuisier écoutait tous les jours les informations à la maison et au chantier !" Mais, vivre de sa passion a été un combat : "Dans notre famille totalement démunie, nous manquions parfois de quoi manger, mais il fallait aller à l'école et travailler comme aide-maçon ou dans les champs pour payer ma scolarité." À force de s'accrocher, Gaston décroche une maîtrise en sciences du langage et de la communication à l'Université d'Abomey-Calavi. Son rêve toujours solidement chevillé au corps... "Son premier reportage pour notre journal était impeccable, pas une virgule à retrancher ! En trois mois, il a gravi tous les échelons. Il est ensuite allé à Arzeke FM. Dans ses chroniques, il retraçait notre quotidien de Béninois et crachait la vérité aux politiciens. À l'heure de la diffusion, toute la ville de Parakou s'arrêtait de respirer pour chercher à écouter !", se remémore Charles Ahmed Sounon, son premier patron au quotidien 'Le Nouvel Essor'. 

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Un journaliste doit toujours mettre à jour ses connaissances
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Modeste et déterminé, Gaston Yamaro explique : "J'estime qu'il n'y a rien qu'on ne peut  apprendre par soi-même. Je vais ensuite vers les spécialistes pour lever mes doutes et me professionnaliser. J'essaye d'entraîner ceux qui travaillent avec moi dans cette logique." Directeur de Deeman Radio-TV, Gaston a ainsi fait des émules, notamment Tairou Saré, son secrétaire de rédaction : "Simple et rigoureux, il veut que chacun apprenne grâce à l'auto-formation. Il te donne quelques directives, puis te laisse faire et quand tu dérapes, il te rappelle à l'ordre. Il nous amène à nous surpasser. Aujourd'hui, il voyage beaucoup comme formateur et partage ensuite ce qu'il a appris dans notre média."

Sahadou Ali Zato, coach de Gaston Yamaro, observe le chemin parcouru depuis 10 ans : "Il se remet en cause et apprend de jour en jour. En tant que formateur, le monsieur qui parlait tout doucement parle aujourd'hui de façon plus assurée. En apprenant aux autres, il améliore sa propre pratique professionnelle dans son média. Il s'est aussi beaucoup auto-formé et a réussi à développer ses compétences, notamment sur comment mettre une radio en ligne et sur les réseaux sociaux." Un proverbe russe dit : "Vis cent ans, apprends cent ans !" Longue vie à l'autodidacte acharné !

Dans 10 ans... 

Un destin en trois axes. Dans 10 ans, le touche-à-tout Gaston Yamaro aimerait bien "ouvrir une école de formation 3.0 pour les techniciens radio, renouveler tous les équipements de Deeman TV pour en faire une télévision communautaire dans laquelle les jeunes pratiquent ce qu'ils apprennent, archiver le patrimoine culturel baatonu puis créer des plateformes pour que le public achète la musique de chez nous." Certains de ses proches comme Charles Ahmed Sounon, lui imaginent encore d'autres horizons : "Je verrais bien Gaston à la tête d'un groupe de presse, car les médias sont dans son ADN."

"Sans doute formateur consultant international, ou dans la production audio-visuelle"
Sahadou Ali Zato

Pour une fois presque sans voix face à l'étendue de "toutes les possibilités", Sahadou Ali Zato  l'imagine "sans doute formateur consultant international, ou dans la production audio-visuelle. Pourquoi pas le cinéma ou à la tête d'institutions de son pays ?" Le secrétaire de rédaction de Deeman Radio-TV, après une nouvelle énumération, ajoute : "Peut-être sera-t-il conseiller à la Haac (Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication) ou ministre de la Culture !" Gaston Yamaro rit à l'écoute de ces derniers pronostics : "Dans notre environnement au Bénin, certains journalistes se fixent comme objectif de devenir en fin de carrière des chargés de communication de politiciens. J'ai toujours gardé mes distances avec la politique. J'estime qu'on y perd ses principes et qu'on se détruit socialement.

Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy (https://www.journalistesmediateurs.com/).

Pour en savoir plus sur le projet Afri’Kibaaru, rendez-vous sur la page du projet : https://cfi.fr/fr/projet/afrikibaaru 

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Prix du Général Mathieu Kérékou 2018 du meilleur journaliste culturel, Gaston Yamaro est un ardent défenseur du patrimoine baatonu
Prix du Général Mathieu Kérékou 2018 du meilleur journaliste culturel, Gaston Yamaro est un ardent défenseur du patrimoine baatonu (Photo © César Gaba)