Ndeye Fatou Diery Diagne : rayonnante, elle met les femmes en lumière
Journaliste web rieuse et radieuse au quotidien sénégalais Le Soleil, Ndeye Fatou Diery Diagne, 26 ans, parle des droits et des problèmes des femmes.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
Mami. Ne vous fiez pas à ce surnom hérité de sa grand-mère paternelle.
À 26 ans, Ndeye Fatou Diery Diagne est une jeune sénégalaise souriante et rieuse, connectée à son époque. Sur TikTok et Facebook, dans sa chronique Fem'actu, elle donne aux jeunes face caméra toutes sortes de conseils en wolof et en français. Par exemple : sur les conséquences de se dépigmenter la peau ou de consommer de la drogue.
Pourtant, la journaliste web au service digital du quotidien Le Soleil est aussi enracinée dans ses valeurs familiales :
Mes deux idoles sont mes parents. De son vivant, ma mère me disait souvent : ‘‘En quoi ça te fait avancer de parler des autres ? Vois d'abord tes propres défauts !’’. Je retiens sa résilience. Chez mon père, plutôt sa manière de couver ses enfants. Dans le domaine du journalisme, je n'ai donc aucune idole, que des mentors.
Dans le ciel des souvenirs professionnels de Diery, le premier nom à transpercer les nuages est celui d'Aminata Sophie Dièye, décédée en 2016. Une chroniqueuse du quotidien L'Obs, sous le pseudonyme de Ndèye Takhawalou (jeu de mots sur Mère errante) : À partir de ses récits de femme libre, je m'exerçais à faire une émission TV.
Inspirée par les grands lecteurs qu'étaient ses parents, son amour des livres ne la quittera plus : En classe de CE1, mon père m'avait inscrite à la bibliothèque. J'avais toujours un livre dans mon sac. Dès que je le rendais, j'en prenais un autre. La lecture a développé ma curiosité.
Faire entendre la voix des femmes
Prix de la meilleure élève de Terminale de son lycée Lamine Gueye à Dakar, Ndeye Fatou Diery Diagne fait la fierté de sa famille. Adja Thioro, sa cadette, se souvient : Elle était la grande sœur modèle et ne ramenait de l'école que des bonnes notes ! Elle posait aussi énormément de questions. Je savais qu'elle ferait son travail de journaliste à fond et de façon responsable.
Au Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti) de Dakar, Diery finira même major de sa promo. Pendant ses études, elle effectue des stages au journal L'Enquête, puis dans le grand quotidien national Le Soleil :
Une fois, j'ai demandé au directeur des rédactions pourquoi il y avait si peu de femmes ici !, se souvient-elle en riant. Journaliste au site Internet, elle y pratique depuis 2020 ses convictions : Je suis féministe, car au Sénégal, les femmes ont souvent peur de parler pour défendre leurs droits. Mes sujets, parfois publiés à la une, suscitent des débats dans le public, comme le refus de paternité autorisé dans notre Code de la famille...
Alcool, drogue, dépigmentation de la peau...
Moussa Diop, son ancien chef du service Web/Tech au journal Le Soleil n'est pas surpris de la constance de ses engagements : Quand elle était encore en stage chez nous, Diery s'intéressait déjà au journalisme digital, aux sujets santé et au féminisme. Elle traitait des sujets traditionnels comme la maternité, mais elle écrivait aussi sur le cyber-harcèlement. Ses articles avaient beaucoup de vues et de partages. Je me souviens lui avoir dit : ‘‘Dans moins de dix ans tu seras à ma place, tu dirigeras un service’’ !
Ambitieuse, mais réservée et sage comme une doyenne, Mami préfère avancer étape par étape, en continuant à se former. Elle a ainsi intégré des nouveautés comme le fact-checking dans ses articles web et sa chronique Fem'actu sur TikTok et Facebook : Grâce à l'accompagnement des coachs de CFI, j'utilise des outils et je développe certains réflexes. Par exemple, avant de parler des conséquences sur la santé des compléments alimentaires, je rencontre des médecins.
Dior Dieng, son amie depuis le lycée, apprécie : Diery est différente des autres journalistes qui veulent être à la télé. Elle s'est plutôt rapprochée de la jeunesse et des femmes. Sur les réseaux sociaux, elle parle de sujets un peu tabous au Sénégal : alcool et drogue chez les jeunes ou encore dépigmentation de la peau. En parler est un premier pas, car certaines se dépigmentent juste pour se faire accepter par la société... Nous devons nous accepter comme nous sommes !
Le sourire omniprésent, le rire en embuscade, prêt à résonner, Ndeye Fatou Diery Diagne rayonne et met les femmes en lumière.
Dans 10 ans...
Adja Thioro Diagne, sa petite sœur, nous avait prévenus : Mami rit tout le temps ! Parfois, même quand je me fâche, elle continue à rigoler ! Pourtant, dans le fond, son aînée ne plaisante pas avec sa passion... Adja poursuit : Dans dix ans, je la vois à la tête d'une très grande entreprise de médias. Elle s'investit dans ce métier, c'est son rêve.
Quand on interroge Ndeye Fatou Diery Diagne sur son avenir, elle commence donc, sans surprise, par rire... Puis elle répond, malicieuse : Si je réponds que, dans dix ans, je veux encore être reporter au Soleil, on va dire que je manque d'ambitions... Disons donc ‘‘grande reporter’’ pour marquer le journalisme sénégalais !
Un de ses responsables, Omar Diouf, rédacteur en chef du service digital du Soleil plaisante en regardant l'intéressée : Dans quelques années, je la vois bien diriger une rédaction multimédia, car elle est une journaliste complète. Mais, pas une rédaction de vieux, elle s'ennuierait un peu !
D'autres l'imaginent dans quelques années quitter le métier. Je la vois travailler dans la communication aux Nations unies sur des sujets liés aux enfants et aux femmes, assure Moussa Diop, son ancien chef du service Web/Tech au journal Le Soleil. Dior Dieng envisage pour son amie encore une autre carrière : Dans dix ans, elle sera députée ou ministre, pourquoi pas présidente du Sénégal !
En potentielle future politicienne, Diery sourit et répond dans le vague : J'ai beaucoup de projets dans le journalisme et la communication, mais j'avoue penser aussi à la politique. M'engager pour la cause des femmes et l'environnement est aussi dans ma tête...
Sans doute pas un hasard si Ndeye Fatou Diery Diagne est actuellement au Cesti de Dakar en Master2 communication pour le développement, avec comme option l'environnement, la santé et le marketing social.