Mariam Ouédraogo, la porte-parole des "sans voix"
Native de la région du Nord du Burkina Faso, une zone en proie à l’insécurité, Mariam Ouédraogo est journaliste de profession. Lauréate du prestigieux prix Bayeux en octobre 2022, elle fait la fierté des journalistes burkinabè et est un modèle d’abnégation et de persévérance pour ses pairs.
Cheveux nappy synonyme de liberté et de l’affirmation de soi, Mariam Ouédraogo est journaliste à Sidwaya, quotidien national burkinabè. Sa passion pour le journalisme remonte à son plus jeune âge. Elle réalise ses premiers pas dans le métier en 2008 à l’Agence d’Information du Burkina en tant que stagiaire, après avoir échoué au concours d’entrée de l’Institut des Sciences et Techniques de l’Information et de la communication (ISTIC). Lors de ce premier échec, je me suis juré de ne plus passer devant la porte de l’école si ce n’est pour y rentrer en tant qu’élève ! raconte-t-elle en souriant.
Finalement, sa détermination la récompense et elle décroche son ticket d’entrée à l’école de journalisme en 2011.
Selon certains de ses confrères, Mariam a une forte personnalité. D’autres la décrivent comme humble et endurante, en raison de son parcours difficile. Malgré des problèmes de santé qui l’ont contrainte à s’éclipser pendant quelques temps, elle est restée téméraire, courageuse et fidèle à ses objectifs.
Des liens forts avec les femmes déplacées
Sensible aux souffrances des personnes vulnérables, en particulier celles affectées par la crise sécuritaire, elle se fait porte-parole des "sans voix". Les femmes déplacées internes et moi avons tissé des liens forts. Nous sommes devenues comme des membres d’une même famille. Elles n’hésitent pas quand l’occasion se présente à prendre de mes nouvelles, explique-t-elle.
Elle poursuit : Mon médecin m’avait demandé de m’éloigner un peu d’elles car cela affectait ma santé. Je lui ai fait comprendre qu’elles font partie de moi, donc il s’est résigné !
Ses reportages – Axe Dablo-Kaya : la route de l’enfer des femmes déplacées internes et Victimes de viol terroristes : des grossesses et des bébé lourds à porter – lui ont valu respectivement le prix Bayeux du reportage de guerre et le prix Marie-Soleil Frère dans la catégorie presse écrite.
Elle est la première africaine à décrocher le prix Bayeux.
À 37 ans, elle cumule déjà seize prix !
Une travailleuse patiente et endurante
Mais la jeune femme le précise elle-même : Je n’écris pas pour les prix.
L’écriture est son seul loisir. Elle écrit pour se faire plaisir et pour raconter le vécu des populations. Elle aborde la plupart du temps des thématiques liées à la situation des femmes, des personnes vulnérables et des enfants. Grande travailleuse, elle utilise son temps de congés pour partir à la recherche d’informations et pour écrire.
De retour d’un reportage, elle se hâte de rédiger son article dans les plus brefs délais.
Mère d’une fille de six ans, la journaliste estime que le statut de femme ne doit pas être un handicap dans une carrière professionnelle. Selon elle, être une femme constitue, au contraire, un atout dans ce métier. Pour des sujets sensibles, les victimes font plus confiance aux femmes, estime-t-elle.
Cependant, elle reconnait que, dans le métier de journaliste, il y a souvent des préjugés et si l’on n’est pas patiente et endurante, on finit par décrocher. Mariam doit sa réussite à ses mentors, qui ont cru en elle, même quand elle n’était encore qu’une stagiaire, ainsi qu’à sa mère et à sa fille, qui lui donnent du tonus pour avancer.
La journaliste est intervenue dans le cadre des formations au management sensible au genre de MédiaSahel pour Elles, pour témoigner de son parcours. Dans les mois qui viennent, toujours pour ce projet, elle devrait encadrer des femmes déplacées internes dans la réalisation de podcasts où elles se racontent.