Madjissembaye Ngarndinon, infatigable bosseur de talent
Depuis l'enfance, Madjissembaye Ngarndinon est un travailleur acharné, brillant et humble. Aujourd'hui, à 33 ans, le directeur de publication du journal en ligne Tchadinfos.com aime informer ses concitoyens et former les jeunes journalistes.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
Aussi appliqué dans les champs que sur les bancs. À 6 ou 7 ans, j'ai commencé à travailler au village pour aider ma maman. À l'école, j'étais réservé mais toujours premier de la classe, se souvient avec un rire gêné Madjissembaye Ngarndinon. L'actuel directeur de publication du journal en ligne Tchadinfos poursuit : Ça a forgé mon caractère. Aujourd'hui encore, je ne dors que trois ou quatre heures par nuit. Je veux toujours avoir quelque chose à faire.
Sa vocation de journaliste ne semble pas, a priori, le fruit du hasard... Quand il avait environ 10 ans, Madjissembaye prenait la radio de papa et allait l'écouter en cachette toute la nuit. Il aimait aussi beaucoup lire. Plus tard, dans ses premiers reportages tout en couleurs, il décrivait les paysages, les humeurs... Il amenait les gens à se retrouver avec lui sur le terrain. Une fois, un auditeur venu à sa radio (Radio FM Liberté, Ndlr) était étonné : 'c'est toi si petit comme ça qui fais ces reportages ?', se rappelle son petit frère Rimeta Ngarndinon.
Je voulais être informé de ce qui se passe dans mon pays et dans monde. Je ne me suis jamais séparé de cette habitude. Livres, cahiers, journaux... Je lisais tout ce qui me passait sous la main pour améliorer mon niveau de langue, avec le dictionnaire à côté de moi. Je voulais apprendre, toujours apprendre, précise le grand frère curieux et studieux.
Après un bac scientifique, Madjissembaye Ngarndinon se retrouve pourtant bizarrement étudiant en sciences et techniques de l'information et de la communication à l'Université de N'Djaména : J'étais surpris de ne pas y trouver les sciences que j'attendais, mais cela m'a plu, car beaucoup de nos enseignants exerçaient déjà comme journalistes et nous ont donné le goût pour ce métier.
Il y décroche ainsi une licence en 2013, puis un master en 2019.
Entre ces deux diplômes, il est tour à tour rédacteur en chef du journal La Cloche de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) et secrétaire de rédaction à Notre Temps. Alatara Fortunat, ancien collègue et toujours ami de Madjissembaye, se souvient : Il avait donné un nouvel élan à La Cloche. C'était déjà un bosseur très humble, qui aimait apprendre au contact des autres. Il est ensuite devenu un excellent secrétaire de rédaction. À Notre Temps, il corrigeait nos papiers avec objectivité et talent.
Nous sommes utiles au quotidien
Rapidement, Madjissembaye Ngarndinon gravit les échelons : rédacteur en chef du journal Abba Garde (2017 à 2020), puis secrétaire de rédaction et, depuis janvier 2021, directeur de publication du journal en ligne Tchadinfos.com. Il est méticuleux et a implémenté la qualité que je voulais, sur la diversité et la quantité des sujets. Il était davantage journaliste papier, mais il a fait de gros efforts pour s'approprier la culture du journalisme digital. Je trouve toutefois qu'il n'est pas assez répressif comme directeur de publication, car il n'aime pas offenser les gens, alors que diriger un média c'est comme à l'armée, estime Mamadou Djimtebaye, directeur général et fondateur de Tchadinfos.
Diplomate avec son équipe, adepte de la formule ce que tu dis n'est pas faux, mais... le jeune DP sourit en entendant les propos de son DG : Cela m'arrive de taper du poing sur la table, mais je préfère faire comprendre aux gens leurs responsabilités, sans les prendre pour des enfants. Côté journalisme, je me dois de progresser au niveau des nouvelles technologies, comme par exemple l'utilisation des vidéos. Avec CFI et le projet Afri'Kibaaru, nous avons notamment suivi une formation sur les Objectifs de développement durable (ODD) qui nous aide à créer des contenus nouveaux intéressants pour le public. Nous envisageons ainsi une nouvelle rubrique sur l'environnement, car nous sommes frappés de plein fouet par les changements climatiques.
Madjissembaye Ngarndinon reste en effet persuadé de l'utilité sociale de son métier : L'avantage de notre média en ligne, c'est l'interactivité. Les gens font des commentaires. En les lisant, nous nous rendons compte que nous sommes utiles au quotidien quand nous donnons des informations sur les inondations ou sur comment éviter telle maladie.
Plus que jamais passionné, l'ancien étudiant est aussi devenu enseignant en journalisme et en communication à l'université privée Emi Koussi et à l'institut Al Marifa de N'Djaména : C'est un réel plaisir de partager le peu de connaissances que j'ai du métier avec mes cadets. Visiblement, l'humilité reste le maître mot de ce travailleur acharné.
Dans 10 ans...
Que fera Madjissembaye Ngarndinon dans 10 ans ? Son ancien collègue Alatara Fortunat a sa petite idée : Il deviendra peut-être un expert en communication, mais je le vois plutôt devenir le grand chef d'un groupe de médias, car il reste dans les faits. Presse écrite, radio, investigation, reportage de terrain... Il a tous les talents !
Même pronostic ou presque du côté du petit frère Rimeta Ngarndinon : S'il a son groupe de médias, Madjissembaye pourra faire un travail de qualité, avec ses propres orientations. Son directeur général actuel à Tchadinfos.com, Mamadou Djimtebaye, ne l'entend pas forcément de cette oreille : Peut-être créera-t-il son propre média, mais je préfèrerais le garder, car c'est un bon élément. J'espère implémenter avec lui de grands projets ‘‘encore dans le pipe’’... Le DG n'en dira pas plus sur ces mystérieux projets encore dans les tuyaux.
Madjissembaye Ngarndinon, lui, réfléchit longuement à ce qu'il fera dans dix ans, puis répond en souriant : Je me sens bien à Tchadinfos.com, avec un impact réel sur la vie de nos populations. Pour l'instant, je me vois donc continuer ici. Je ne sais pas encore si je créerai mon média. On ne connaît pas les réalités de demain...