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Linda Kaboudi, une journaliste sur le terrain des inégalités

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À 28 ans, la Tunisienne Linda Kaboudi a des convictions solidement ancrées. Couvrir les Jeux Paralympiques de Paris 2024 est pour elle l'opportunité de mettre en lumière des athlètes de l'ombre et de continuer à combattre les injustices. Portrait.

Sur le terrain des inégalités, la Tunisienne Linda Kaboudi semble avoir toujours été attaquante de pointe : "Enfant, je n'arrivais pas à contrôler mes émotions par rapport aux injustices ! " Un « instinct, une colère » partagés par les femmes fortes de sa famille. "Fatma, sa grand-mère, était une révoltée, une pure féministe très intelligente, mais qui n'avait pas eu la chance de faire d'études. Elle a beaucoup encouragé ses enfants et petits-enfants à étudier et à prendre la défense des femmes. Par ailleurs, Linda a grandi près du siège d'Ennahda (parti islamiste, Ndlr). Nous avons pris position contre eux et les avons un peu chassés de notre quartier !", se souvient Houyem Limame Kaboudi, sa maman.

J'ai grandi dans une dictature sans en avoir conscience, puis à 15 ans, en 2011, au moment de la Révolution, j'ai pu formuler ce que je voulais changer sur les droits des femmes, ceux des minorités.
Linda Kaboudi

Caractère personnel, influence familiale, climat social... Petit à petit, Linda Kaboudi se construit : "J'ai grandi dans une dictature sans en avoir conscience, puis à 15 ans, en 2011, au moment de la Révolution, j'ai pu formuler ce que je voulais changer sur les droits des femmes, ceux des minorités." En lutte contre les préjugés, Linda s'engage ensuite dans plusieurs associations, notamment Amnesty international, et prend son entourage à contre-pied en choisissant des études de lettres après un lycée élitiste a priori tremplin rêvé pour les sciences. "Nous avons tous et toutes ou presque fait économie dans la famille. Linda a fait un choix audacieux, mais finalement presque naturel, car elle aime ce qui est juste et les grands débats", souligne Nadia Kaboudi, sa tante.

La voix des sans-voix

Le journalisme lui tend donc les bras. Après une licence en langue, littérature et civilisation française, Linda entreprend un master en lettres, langues et histoire de l'art. Son amour des mots la pousse à devenir en 2020 traductrice, puis reporter à Inkyfada, média indépendant engagé pour la liberté d'expression en Tunisie : "Le journalisme me permet d'intégrer mes combats. J'aime le contact humain et être la voix de personnes qui n'ont pas la place qu'elles méritent dans la société."
 

Dans le cadre du projet Paris Médias 2024, dans mes articles, j'aimerais inclure les femmes, car même si le sport féminin est bien développé en Tunisie, il reste encore difficile pour les journalistes femmes de couvrir des disciplines traditionnellement associées aux hommes.
Linda Kaboudi
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Le sport offre une plateforme à des communautés sous représentées...
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Dans le cadre du projet Paris Médias 2024, Linda Kaboudi va couvrir pour son média les prochains Jeux Paralympiques. Visiblement un peu impressionnée à l'idée de côtoyer des journalistes plus expérimentés qu'elle, Linda est aussi impatiente : "Je réfléchis déjà aux sujets que je vais traiter. En Tunisie, les athlètes paralympiques ont un meilleur palmarès que les valides, mais moins de visibilité... Dans mes articles, j'aimerais aussi inclure les femmes, car même si le sport féminin est bien développé en Tunisie, il reste encore difficile pour les journalistes femmes de couvrir des disciplines traditionnellement associées aux hommes." Sur le terrain des inégalités, l'attaquante de pointe Linda Kaboudi semble plus que jamais prête à faire trembler les filets pour faire tomber les préjugés.

Dans 10 ans... 

Houyem Limame Kaboudi, la maman de Linda, n'a pas tout à fait renoncé à son rêve de voir sa fille "docteure en quelque chose. Je vais la pousser à s'inscrire en doctorat en lettres ou en histoire de l'art. Elle a les compétences pour ! ". Dans dix ans, sa tante Nadia imagine toujours sa nièce journaliste, occupée à "changer le monde par ses articles, ses vérités." Haïfa Mzalouat, son ancienne responsable éditoriale de la version française d'Inkyfada, précise le pronostic : "Je la vois bien écrire davantage de longs formats, avec des papiers magazines humains, sur le genre et les libertés individuelles." Zeïneb Ben Ismail, la collègue de Linda Kaboudi, ne l'imagine pas non plus arrêter ses engagements : "Linda a une étincelle en elle quand on parle de féminisme, d'égalité des droits. Dans dix ans, je la vois bien en cheffe de rubrique dans un média très attaché à ces valeurs, plutôt en France. Pédagogue, elle pourrait encadrer des stagiaires."
 

Mon engagement pour les droits humains et les femmes en particulier sera toujours une priorité pour moi.
Linda Kaboudi

La principale concernée envisage effectivement un doctorat et un avenir toujours dans le journalisme : "J'aimerais écrire des longs formats ou accompagner des stagiaires dans l'écriture et les vérifications de leurs articles. Apprendre les uns des autres est quelque chose que j'aime bien !" Dans dix ans, son apprentissage mutuel à l'échelle de la société sera sans doute lui aussi toujours d'actualité : "Mon engagement pour les droits humains et les femmes en particulier sera toujours une priorité pour moi. Partir ? Cela dépendra de la situation en Tunisie. J'ai parfois envie de la quitter, mais je ne me vois pas abandonner mon pays..."

Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy (https://www.journalistesmediateurs.com/).

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Linda Kaboudi, traductrice-reporter à Inkyfada, média indépendant tunisien
Linda Kaboudi, traductrice-reporter à Inkyfada, média indépendant tunisien