Jean-Ignace Manengou JIM – serving Humanity in many different ways
Médias, spiritualité, agriculture... Le Centrafricain Jean-Ignace Manengou (JIM), 59 ans, est un passionné tout-terrain. Rencontre avec l'humaniste ancien président-fondateur de l'Association des radios communautaires de Centrafrique. Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
Grand éclat de rire et poignée de mains énergique. Avec Jean-Ignace Manengou, ‘‘JIM le magicien’’, les années passées sans se voir disparaissent comme si vous vous étiez quittés hier... Le sourire malicieux, l'homme de terrain se souvient : "Mes parents étaient paysans et éleveurs. Mon père disait : ‘‘C'est la terre notre Mère !’’ Enfant, je faisais des champs à ma taille, mais j'ai compris qu'on pouvait bâtir sa vie sur l'agriculture. "
Pourtant, le jeune JIM semble dans un premier temps emprunter deux autres chemins : "Au lycée, notre prof d'histoire-géo avait lancé une revue, ‘‘Jeunesse curieuse’’, qui nous poussait à améliorer notre expression écrite. » Après son bac, il entre au grand séminaire, participe à la création d'un journal trimestriel,apprend la catéchèse par les outils audio-visuels et suscite la curiosité de son évêque, Mgr Michel Maitre, un Français : « Un prêtre-journaliste, qu'est-ce que je dois en faire ? On va créer une radio !"
Ordonné prêtre en 1991, Jean-Ignace Manengou prend au mot son évêque l'année suivante et obtient de lui un petit studio et des équipements pour le diocèse de Bambari. Responsable de cette radio jusqu'en 1998, il part ensuite trois ans à Abidjan et obtient une maîtrise en journalisme à l'Institut supérieur de communication.
La radio pour "être acteur de son destin"
Nommé responsable des médias catholiques à Bangui en 2004, JIM est sollicité les années suivantes par plusieurs bailleurs. Bernard Chenuaud, alors administrateur et chef de projets d'appui aux médias à l'international au sein de RFI, se souvient : « Il était dynamique, joyeux et très simple. Il avait cependant des difficultés d'organisation, d'administration et de gestion. » Sahadou Ali Zato, formateur béninois qui connaît Jean-Ignace Manengou depuis cette même période, confirme : "Il va courir dans tous les sens pour tenter de satisfaire tout le monde. Créatif, il pense toujours à des nouveautés pour faciliter la tâche des radios communautaires dans des zones défavorisées."
Avec l'augmentation de ces stations, germe l'idée d'une organisation faîtière indépendante de l'église catholique. L'Association des radios communautaires de Centrafrique (ARC) naît en 2009. JIM son ‘‘président-fondateur’’, à la tête de cette organisation jusqu'en 2019, se rappelle : "On avait alors uniquement des radios à l'ouest et au centre. Tout le reste du pays était dans l'obscurité radiophonique. Une radio donne l'information et permet à une communauté d'être actrice de son développement et de son destin." En dix ans, sous l'impulsion de l'énergique président-fondateur, le nombre de radios communautaires double, passant de quatorze à une trentaine (41 aujourd'hui).
Ne lancez pas JIM sur l'utilité sociale des radios. Il vous parlera de ces chefs de la Séléka (groupe armé) qui avaient obligé un voleur à ramener le matériel dérobé à la radio communautaire à Bria : "Je me souviens aussi d'une mission à Bossangoa pour relancer une autre radio. Des chefs de quartiers de plus de 70 ans étaient venus, chacun avec son outil, pour nettoyer la concession de la radio. Ils expliquaient que quand cette station fonctionnait, ils n'avaient aucun problème entre eux."
Retour à la terre
Dans ce contexte, le projet Relèvement et stabilisation de CFI (2016-2019) a représenté une opportunité : "Il a énormément renforcé les compétences des radios et de l'ARC : management, gestion des associations, journalisme. Il a aussi renforcé l'esprit d'équipe dans chaque radio et entre les radios, développant l'idée d'une communauté de destins entre elles."
Aujourd'hui toujours au service des autres, JIM accompagne des personnes séropositives depuis les années 1990 et souhaite bientôt créer en RCA un comité pour la protection des professionnel•les des médias : "Une douzaine de journalistes ont été tués ces vingt dernières années sans qu'il n'y ait jamais d'enquête. Quant aux confrères à la retraite, ils font pratiquement la manche..."
Un autre projet lui tient à cœur : revenir à la terre avec un centre agricole à Yombo, à 27 km de Bangui sur la route de Mbaïki. "Avec les jeunes de l'équipe, nous faisons beaucoup d'essais : soja, oignons, confiture de papaye, etc. Nous aimerions faire de ce lieu un véritable centre de formation avec une petite radio pour partager techniques et infos sur l'agriculture et le monde rural", conclut JIM, plus que jamais humaniste tout-terrain au service de son prochain.
Dans dix ans...
Que fera Jean-Ignace Manengou dans dix ans ? Difficile à deviner, l'intéressé étant "une boîte à bonnes idées", selon Richard Goutia. Le directeur techniquedu Réseau des médias communautaires de Centrafrique (RMCC) poursuit : "J'imagine JIM dans sa ferme, car j'ai l'impression qu'il est en train de lâcher le monde des médias." Bernard Chenuaud, ancien directeur-adjoint Afrique de CFI et qui connaît JIM depuis presque vingt ans, est moins affirmatif : "Jean-Ignace aime faire pousser des trucs et voir comment ils évoluent : centre formation agricole pour les jeunes ? Nouvelle radio ?" Sahadou Ali Zato, formateur béninois et lui aussi ami de JIM, conseille à ce dernier de « s'entourer d'étudiants en gestion de projets ou comptabilité pour gérer la paperasse pour que, en grand rêveur, il se concentre sur ses rêves. » Au fait, qu'en dit le principal intéressé ? "Dans dix ans, je ne sais pas quelle sera ma forme physique, mais je me vois bien passer ma vie à l'ombre d'arbres fruitiers que j'aurais plantés. J'aimerais aider les jeunes à travailler dans le centre agricole. Avec une petite radio pour produire des émissions à partager avec les communautés et d'autres stations."