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Hamdi Trabelsi : la danse est son médicament

Projet associé

Après des études de préparateur en pharmacie, Hamdi Trabelsi, 36 ans, a finalement choisi de vivre de sa passion d'enfance : la danse. Danseur et chorégraphe, il est aussi fondateur et directeur artistique de CATdanse, Communauté d'artistes tunisiens.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.

 

Il voulait réaliser notre entretien en marchant... Confirmation dès les premières secondes de la discussion, le danseur tunisien Hamdi Trabelsi est un homme de mouvements. Avec de grands gestes, le fondateur et directeur artistique de CATdanse explique, peu après le lancement officiel du site de son projet : Nous voulions regrouper une communauté d'artistes tunisiens et valoriser leur travail sur une plateforme, car seul on ne peut rien faire ! 44 danseurs, 15 chorégraphes et 43 écoles de danse nous ont fait confiance. C'est une fierté !

Avec cinq styles représentés : danse classique, contemporaine ou traditionnelle, hip-hop, break dance... Archives de précédentes créations, performances du moment, actions à venir... Directrice générale du projet et épouse de Hamdi, Oumayma Khikhia explique : Cela n'a pas été facile de convaincre certains artistes, car ils avaient du mal à croire que leur domaine puisse évoluer en visibilité et en reconnaissance. Grâce à Hamdi, j'ai découvert le monde de la danse qui rassemble plusieurs autres arts comme la musique.

Un amoureux de la danse

Danser, une passion depuis l'âge de 10 ans pour Hamdi Trabelsi : J'ai commencé par le poirier, la tête à l'envers à la plage avec mon père, puis je suis allé dans une maison de jeunes faire du break dance. J'aimais cette danse, qui demande de la force, avec du challenge, des figures difficiles à faire, des choses magnifiques à voir.
Son grand frère Ali se souvient : Dans le répertoire de mon téléphone, Hamdi apparaît encore en tant que ‘‘B boy’’, comme un rappeur. Il a connu la danse dans notre cité. Les jeunes faisaient du break dance sur du rap américain et français. C'est une danse très physique, bonne pour la santé, presque comme l'athlétisme selon notre mère.

Au départ, la famille d'Hamdi préférait cependant qu'il soigne sa santé et celle des autres grâce à son brevet de technicien professionnel (BTP) de préparateur en pharmacie obtenu en 2013 à l'Institut tunisien de Santé. Ma famille me disait que je n'arriverais pas à vivre de la danse, mais même si la pharmacie nous permet aussi de prendre soin de notre corps, toutes mes pensées sont toujours allées vers la danse.
Compétitions amateures, puis, au début des années 2000, cours pendant huit ans au Centre méditerranéen de la danse contemporaine de Tunis et, apprentissages ponctuels au Centre national de la danse en région parisienne. Il a surtout découvert le monde professionnel lors d'une tournée mondiale avec Imed Jemâa, danseur et chorégraphe pionnier de la danse contemporaine en Tunisie : Hamdi a participé à Rojla, une de mes créations il y a environ vingt ans. C'était un excellent danseur de hip-hop et un amoureux de la danse. Je ne voyais pas qu'une performance physique, mais aussi un interprète chorégraphique et théâtral.

France, Pologne, Angleterre, Afrique du Sud, Brésil... Hamdi Trabelsi enchaîne depuis les tournées internationales. Aujourd'hui danseur au Ballet de l'Opéra de Tunis et chorégraphe pour la compagnie qui porte son nom, il s'entraîne tous les jours dans la concentration totale, les yeux ouverts. Il se met à onduler sur son fauteuil en expliquant : Les gens savent que la danse libère le corps de ses énergies négatives, ce contact avec le sol est comme un chakra (points où se concentre l'énergie vitale, Ndlr).

Chorégraphe-messager Chorégraphe, Hamdi propose aussi ses créations. Son grand frère Ali apprécie le chemin parcouru par le petit ‘‘B boy’’ : Quand je vois ses spectacles, il est dans une autre dimension, celle du pur professionnalisme ! Ce sont presque des pièces théâtrales, qui aborde des sujets populaires comme la pauvreté, le banditisme. La danse entre dans ce qu'on vivait tous les jours dans nos quartiers populaires.
Hamdi le chorégraphe, auteur de deux créations en 2021 (Deep et P'tit café) qui prépare un quatuor de femmes intitulé Bloom (Floraison), résume : En danse contemporaine, nous sommes des messagers pour que les spectateurs voient et interprètent autrement leur quotidien.
Grâce à CATdanse, soutenu par CFI (projet Safir), Hamdi Trabelsi a créé sa société de productions et diffusions artistiques Seven 8 prod, dont il est le directeur. Il se dit aujourd'hui "entrepreneur culturel".

Avec la plateforme lancée, le projet est-il terminé ?
Hamdi utilise ses deux bras pour faire de vastes gestes : Nous avons de très grands rêves pour la suite ! Grâce à cette plateforme CATdanse, nous espérons que les ministères et les organisateurs de festivals reconnaîtront et valoriseront le travail des danseurs. Nous souhaitons aussi réaliser davantage de vidéos et emmener les artistes dans différentes régions en Tunisie, mais tout cela demande des moyens...
À la fois excité et apeuré par l'ampleur des défis qui l'attendent, Hamdi Trabelsi sourit et se lève dans un ultime mouvement rapide et gracieux.

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Les gens savent que la danse libère le corps de ses énergies négatives, ce contact avec le sol est comme un chakra.
Hamdi Trabelsi

Dans dix ans...

Son épouse Oumayma Khikhia semble formelle. À priori, aucune chance de retrouver dans dix ans son mari Hamdi derrière le comptoir d'une pharmacie : Il apprécie les sciences, mais il préfèrera toujours la danse ! Pour lui, elle est un moyen d'expression. Comme chorégraphe, son surnom est ‘‘coach’’, car il recherche toujours la perfection. Dans dix ans, il aura sans doute réussi à réunir sur la plateforme CATdanse des artistes de tout le continent africain.

Ali Trabelsi, son grand frère, voit Hamdi ouvrir une école de danse regroupant toutes sortes de danses présentes dans notre culture tunisienne. Danseur et chorégraphe, Imed Jemâa conseille à Hamdi de refaire des créations chorégraphiques et de promouvoir les autres danseurs. Nous avons toujours eu d'excellents jeunes danseurs en Tunisie, mais même s'il existe un fonds pour la création chorégraphique, il leur manque la formation et le diplôme officiels.

Hamdi Trabelsi semble conscient de tout cela : Même à 90 ans, un danseur reste un danseur ! Mais nous devons laisser le terrain à une nouvelle génération plus tonique... Comme chorégraphe, j'aimerais donner l'occasion à ces jeunes de se montrer. La plateforme CATdanse pourrait nous donner la chance de travailler à l'échelle africaine et mondiale, avec un festival international. Je ne connais pas un artiste qui ne veut pas montrer ce qu'il fait...