Gaston Bonheur Sawadogo

Gaston Bonheur Sawadogo – Porter la plume dans la plaie et soigner

Au Burkina Faso, "Pays des Hommes intègres", Gaston Bonheur Sawadogo, 34 ans, suit les pas du célèbre journaliste d'investigation Norbert Zongo. Intransigeant sur la vérité et les droits des citoyens, le rédacteur en chef du journal L'Evénement aime aussi proposer des solutions.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.

 

Gaston Bonheur Sawadogo aurait-il un nom trompeur ?
"Gaston donne d'abord l'impression d'être refermé sur lui, mais il est très sociable, attaché à la vérité et engagé à faire changer la société burkinabè", apprécie Arnaud Ouédraogo, coordonnateur à la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d'investigation en Afrique de l'Ouest (Cenozo). À 34 ans, l'actuel rédacteur en chef du journal d'investigation L'Événement, adepte de la citation d'Albert Londres (Notre métier est de porter la plume dans la plaie), confirme : "J'écris pour moraliser la vie publique et exiger que les droits humains soient respectés. Gaston Bonheur est mon nom de plume, car dans mes enquêtes, je m'intéresse aussi aux solutions à apporter."

Enfant, Gaston Sawadogo était déjà rigoureux : "Mon père me répétait que sans amour du travail, on ne peut pas réussir. Dès l'école primaire, le jeune Gaston comprend et applique la leçon. "Au CM1, il avait représenté notre école au concours d'excellence. Et quand, à la chasse, nous n'attrapions ni un lièvre, ni même un margouillat, Gaston nous encourageait à faire encore quelques pas pour réussir...", se souvient Constantin Sawadogo, ami et cousin.

Studieux et volontaire, Gaston Bonheur Sawadogo notait déjà autre chose que ses leçons dans ses petits cahiers scolaires : "Je lisais et recopiais sans forcément les comprendre les articles de Norbert Zongo (journaliste assassiné en 1998, Ndlr). Comme lui, je voulais dénoncer les injustices."
Gaston mène donc déjà des enquêtes pour La Torche, le journal de son lycée provincial de Kongoussi (région Centre-Nord du Burkina Faso). Un de ses articles porte sur le détournement de l'argent des manuels scolaires des élèves...

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Gaston Bonheur Sawadogo
Gaston Bonheur Sawadogo, en 2019 à Ouagadougou, appui au renforcement d'un réseau de journalistes d'investigation dans le cadre du projet #Pagof de CFI.

 

Faire parler les chiffres

À l'Université de Ouagadougou, Gaston Bonheur Sawadogo obtient ensuite une maîtrise (option journalisme) et un master (sciences de l'information et de la communication). Toujours passionné par l'investigation, il effectue son premier stage en 2013 au journal L'Événement. Il en devient en 2018 le secrétaire général de la rédaction, puis, un an plus tard, le rédacteur en chef. "Il me gronde souvent, mais j'ai vraiment appris à ses côtés. Il me dit de toujours tout faire pour être meilleure et de défendre mes idées, même quand je suis minoritaire au départ", remercie Mariam Sagnon, une journaliste de L'Événement.

Mais le rédacteur en chef n'est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. "Il se cultive beaucoup sur les innovations du métier. Il n'aime pas que quelqu'un amène à la rédaction quelque chose dont il est ignorant", observe Raphaël Aspavati, secrétaire général de la rédaction du même journal.
Éric Le Braz, journaliste-formateur pour CFI, est lui aussi impressionné : "Quand je pense au Pays des Hommes intègres, je pense à Gaston, car il est fiable, tenace et méticuleux investigateur. Et, comme formateur, sur des domaines aussi techniques que le journalisme de données, il est patient et n'élève jamais la voix."

La même soif d'apprendre semble animer le petit écolier devenu formateur. "Grâce à CFI, j'ai découvert le data-journalisme en 2015. C'est merveilleux de faire parler les chiffres pour élucider, illustrer et raconter. Dans le cadre du projet Faso Médias, CFI a aussi renforcé mes compétences en management éditorial et en investigation. Enfin, j'ai appris le journalisme de solutions qui permet de dupliquer les bonnes pratiques et de donner de l'espoir aux gens", résume Gaston Bonheur Sawadogo.
Un journaliste-formateur visiblement heureux de partager ses connaissances, comme dans le cadre des projets #Pagof (Projet d'appui aux gouvernements ouverts francophones) et Vérifox de CFI : "J'apprends de l'expérience et de la méthode de travail de chacun, notamment les nouveaux outils de vérification de l'information pour faire en sorte que les citoyens s'impliquent."

 

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Gaston Bonheur Sawadogo
Gaston Bonheur Sawadogo, en 2016, à Dakar face à l'Océan Atlantique, à l'occasion d'une formation CFI sur les données ouvertes.

 

Dans 10 ans…

Dans dix ans, Gaston Bonheur Sawadogo s'épanouira-t-il dans un autre métier ?
"Je lui ai déjà proposé de me rejoindre dans l'administration, mais il aurait l'impression de trahir sa vocation ! À l'avenir, je le vois plutôt créer un média spécialisé sur le traitement des données financières ou sur l'environnement", pronostique Justin Sawadogo, cadre dans l'administration publique et ami de Gaston depuis la classe de sixième. Éric Le Braz, ajoute : "Il sera patron de presse d'un média ou d'un groupe de médias d'investigation extrêmement modernes, car Gaston s'approprie tous les genres journalistiques nouveaux."
Quasiment personne ne l'imagine rester indéfiniment à L'Événement. L'intéressé confirme : " J'aime ce journal, mais j'aimerais créer mon groupe de presse pour donner de l'emploi aux gens. Je serai toujours dans l'investigation et la défense des droits des citoyens, mais dans des domaines peu couverts jusque-là, comme la santé, l'éducation ou l'environnement."
Heureux de partager ses connaissances, Gaston Bonheur Sawadogo aimerait que son média soit aussi une structure de formation.