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"Avec l’insécurité, les femmes journalistes de ma radio
 ont vu leur rôle évoluer"

Projet associé

Léonard Kinda est directeur de la radio Voix des lacs à Kongoussi au Burkina Faso. Il compte bien prendre part au nouveau projet de CFI, Médiasahel pour elles. Pour lui, il faut que les hommes et femmes de média soient davantage conscients des problèmes de genre et de leur responsabilité dans la promotion du changement

 

CFI va lancer un programme baptisé MédiaSahel pour elles destiné aux femmes et plus largement aux questions de genre. En quoi est-ce selon-vous pertinent ? 
Les fondements du genre et de la sexualité relèvent du culturel. Dans la culture moagha à laquelle j’appartiens, depuis la nuit des temps, l’homme est cité comme le maître. C’est une construction sociale bâtie dans un contexte donné et qui doit être corrigée. Par exemple, l’éducation au niveau familial est toujours un problème. On ne demande jamais à un garçon d’aller chercher de l’eau. Cette éducation traditionnaliste bloque les questions de genre. Elle passe ensuite dans la sphère publique. Les hommes font et les femmes laissent faire. 

Comment les radios peuvent-elles agir dans ce domaine ? 
C’est une mission que les radios communautaires doivent porter. Notre rôle est d’éduquer en innovant. Mais le déficit en ressources humaines ne nous permet pas d’assumer cette fonction. Nous avons les agents, mais nous n’avons pas la compétence. 
On pourrait imaginer des sketchs dans lesquels il y aurait inversion des rôles : le garçon irait chercher l’eau, la fille étudierait. Les autorités religieuses et coutumières peuvent également porter ces messages par le canal des médias. Ils peuvent communiquer sur une meilleure interprétation des textes. Par exemple, ils peuvent porter un message comme "faites des enfants, mais soyez responsables !"

Le contexte sécuritaire modifie-t-il la donne pour les journalistes femmes ? 
Oui ! Quand il y a une femme dans la rédaction, c’est elle qu’on envoie sur le terrain. La plupart des groupes périphériques ne touchent pas aux femmes. Cette option d’envoyer les filles/femmes n’est pas toujours une stratégie imposée mais c’est dans nos conférences de rédaction que le débat intervient, et que les décisions se prennent. Si l’évènement à couvrir est dans une zone à risque, les femmes se proposent généralement d’y aller. Il y a d’ailleurs matière à les former sur les questions sécuritaires, notamment sur la question des mines. 

Paradoxalement, n’est-ce pas une forme d’opportunité pour les sortir des sujets dits féminins
Effectivement, les journalistes de la radio La Voix des Lacs traitent désormais des sujets qu’elles n’auraient pas couverts avant. Ce peut être le cas de la couverture d’une journée de redevabilité. Généralement, les activités des mairies n’étaient pas suivies par les femmes. Du coup, leurs collègues masculins sont plutôt reconnaissants. Sur le terrain, il y a même une forme d’émerveillement. Mais malgré ce changement, elles ne s’expriment pas davantage dans les réunions de rédaction. Il est nécessaire de renforcer leur culture générale.  Un déclic est nécessaire. Parce que le plus souvent, il y a peu de regard critique. Des sessions de développement personnel leur permettront de mieux s’exprimer. 

Finalement, qu’attendez-vous de MédiaSahel pour elles ? 
Ma rédaction est plutôt équilibrée en ce qui concerne les effectifs hommes/femmes. Mais ça ne garantit pas un bon traitement des questions de genre. Ce projet répond aux besoins collectifs, mais je compte aussi en tirer profit. Nous sommes la plus anciennes des trois radios de Kongoussi. Nos agents sont pris en exemple. Nous devons donc travailler et nous former pour nous maintenir.