Arsène-Jonathan Mosseavo, journaliste-formateur ‘‘gros calibre’’
Arsène-Jonathan Mosseavo, 48 ans, est devenu en Centrafrique un journaliste-formateur reconnu. Humble, il cherche pourtant toujours à se perfectionner pour mieux transmettre aux plus jeunes. Son conseil : s'écarter de la facilité et du per diem...
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
"Gros calibre". Près de 2 mètres, pas loin des 100 kilos et une voix lui rendant impossible tout chuchotement... À première vue, le Centrafricain Arsène-Jonathan Mosseavo, 48 ans, mérite bien son surnom. Élevé par son grand-père diplomate, le petit Arsène passe une bonne partie de son enfance et de son adolescence au Cameroun voisin : Ma passion pour le journalisme vient de là ! Je m'intéressais aux médias et au théâtre. J'étais tellement comique que mes amis me disaient ‘‘toi tu seras un bon animateur !’’ Des années après, son ami d'enfance à YaoundéThomas Djonou en rigole encore : Il était très amusant et très bon caricaturiste !
Mais, la vie ne va ensuite pas franchement sourire à Arsène... Au décès de ses grands-parents, il se retrouve sans aucun soutien et échoue deux fois au bac. La chance tourne quand il devient correspondant de Radio Notre Dame (RND). Il rejoint ensuite la rédaction centrale à Bangui : J'avais écrit un jour que la paroisse avait besoin de ‘‘recouvrement médiatique’’ au lieu de ‘‘couverture médiatique’’ ! Et la première fois que j'ai présenté le journal, c'était la catastrophe ! Le doyen co-animateur m'aidait par des gestes...
Mais, "Gros calibre" apprend de ses erreurs et devient rédacteur en chef de RND. Il aimait son travail et appréciait ce que faisaient ses collègues. Il m'a appris qu'un journaliste devait être curieux, rigoureux et réactif. J'ai fait de ses conseils ma feuille de route dans ce métier, atteste Flora Sandrine Mbagna, ancienne animatrice à RND. Depuis, Arsène a saisi chaque occasion de s'améliorer comme formateur : Grâce aux sessions de RFI, j'ai appris la rigueur dans le traitement de l'info et comme co-formateur avec CFI (projet Relèvement et stabilisation en RCA de CFI, 2016-2019), j'ai retenu comment réaliser des magazines avec différents formats. Plusieurs radios communautaires formées ont changé leur façon de faire des émissions.
On apprend tous les jours
Aujourd'hui, Arsène intervient comme formateur indépendant et coache les radios communautaires pour plusieurs organisations. Il m'a poussé à faire du journalisme, car avant j'étais uniquement technicien. Aujourd'hui, je suis correspondant de son journal ‘‘Lanoca’’ (‘‘Les Autres nouvelles de Centrafrique’’). Il continue à me conseiller, à me demander de rester professionnel, apprécie Bérenger Silvère Romaric Kouzoundji, responsable technique à la radio Ndjoku Bayanga. Nos règles déontologiques sont comme les dix commandements divins : nous ne pouvons pas les trahir, sinon nous ne sommes pas crédibles, ni pour le public, ni pour les jeunes que nous avons formés, répond Arsène-Jonathan Mosseavo.
Depuis 2018, il anime donc le blog Lanoca. Ces articles, aussi disponibles en version papier, sont consacrés aux initiatives positives communautaires de développement des gens négligés dans l'arrière-pays. Un blog qui a permis à son promoteur de remporter plusieurs prix (Merck Foundation, ministère de la Communication centrafricain/Minusca) et lui a ouvert les portes du numérique et du fact-checking. Lors d'un forum international de CFI au Cameroun en juin 2022, nous avons parlé de l'importance de contrer les rumeurs en impliquant les radios communautaires et insisté sur le respect des lois, précise Arsène, motivé à suivre des cours de droit pour associer de nouvelles connaissances au journalisme.
Il le dit sans fausse modestie : Le journalisme est une école dans laquelle on apprend tous les jours. Dans notre métier, certains jeunes se suffisent à eux-mêmes... Je leur conseille de travailler dur, d'être rigoureux et d'éviter la facilité. Nous devons chercher les faits réels, pas le discours du ministre et le per diem !
Dans dix ans...
La carrière d'Arsène-Jonathan Mosseavo ? Tout sauf une surprise ! Quand j'ai appris qu'il était devenu journaliste, cela ne m'a pas surpris. Enfant, il était déjà déterminé, il ne pouvait pas chômer !, se rappelle son ami à Yaoundé Thomas Djonou, avant de poursuivre, dans dix ans, peut-être quittera-t-il la Centrafrique pour mieux s'imprégner du métier dans un autre pays ?
Bérenger Silvère Romaric Kouzoundji, responsable technique à la radio Ndjoku Bayanga, fait presque le même pronostic : Je le vois formateur international pour des journalistes d'autres pays en Afrique et pourquoi pas en Europe ? Et, pour Lanoca, je le vois embaucher du personnel, avoir un bureau. Journaliste-formateur, Arsène, lui, aimerait continuer à marcher sur ses deux jambes, même si une des deux sera sans doute plus musclée... : Journaliste, j'espère que j'aurai une petite équipe à Lanoca pour rester à l'écart comme conseiller et laisser la place aux jeunes. En revanche, je continuerai à former. Je veux me perfectionner pour partager mes connaissances. C'est une chaîne : on se soutient les uns les autres.