Regards croisés – la perspective des formateurs

Regards croisés – la perspective des formateurs

Retour d'expérience pour les formateurs.

1. Quels aspects du projet ont été les plus intéressants ou enrichissants pour vous, en tant que formateur, et pourquoi ?

Kissima Diagana : La formation des journalistes a été un volet très important du projet InfosDroits. Elle nous a permis de noter dans la phase de recherche-étude que très peu de journalistes saisissent les enjeux de la question des droits humains en termes de prise en charge journalistique. Par la suite, les journalistes qui ont fait l'objet de formations sur la couverture médiatique des questions liées aux Droits de l'Homme ont été mis dans des situations que l'on peut qualifier d'innovantes quand on sait que les habitudes ont été bouleversées chez eux. La pratique du terrain, le recours aux sources, l'exploitation des données et le traitement rigoureux de l'information ont été des pratiques journalistiques qu'il a fallu (re)donner à des stagiaires jusqu'alors très peu au fait des exigences de professionnalisme et de déontologie de leur métier.

Tfarah Ahmed : L'aspect qui a retenu mon plus grand intérêt est celui qui permet aux journalistes à l'intérieur du pays d'en apprendre davantage sur l'importance et la manière de couvrir les questions de Droits de l'Homme, d'autant plus qu'il s'agit d'un sujet totalement nouveau pour eux.

Khalilou Diagana : La partie la plus intéressante du projet a été l'exécution concrète du contenu des modules par les candidats. Via les articles réalisés, ils ont pu faire ressortir, à travers les genres journalistiques, les questions liées aux droits humains suivant des angles précis.

Abdoulaye Ciré Ba : Ce qui m'a le plus frappé fut l'encadrement dans la manière de monter une production, des détails techniques aux principes abordés dans les différentes sessions qui tendaient à bien mettre l'accent sur l'importance de la justesse du propos et sa pertinence par rapport au sujet abordé. Ensuite j'ai été séduit par la richesse des échanges entre confrères, ce qui a donné lieu à des échanges soutenus et des débats passionnants.

2. Quel changement est-ce que vous avez observé chez les participants au cours du projet ?

Kissima Diagana : Chez certains stagiaires, j'ai noté un intérêt croissant pour la pratique même du métier. En plus le concours qui a sanctionné la formation a été stimulant Il a révélé des talents cachés qui grâce à leur motivation ont été mis à contribution dans le volet production. Avoir soumis leurs projets à appréciation a été pour la plupart d'entre eux un défi. Les résultats, que je trouve cohérents par rapport au déroulement de la formation et du concours, sont un baromètre qui donne une vision assez claire de ce que doit être la suite du projet.

Etverah Ahmed El Mehdi : J'ai remarqué que les participants n'avaient pas été préalablement formés pour couvrir les questions des droits humains, et la formation a réussi à susciter un grand intérêt chez la plupart d'entre eux et leur désir de continuer dans cette direction.

Khalilou Diagana : Les participants du groupe de Kaédi, notamment ceux travaillant pour les radios, avaient comme habitude de traiter les sujets sous forme d'entretiens avec des invités au studio. Au cours de la formation, et surtout pendant les exercices pratiques de production, ils ont compris qu'un bon article ou reportage est celui fait sur le terrain avec différents interlocuteurs et différentes sources.

Abdoulaye Ciré Ba : J'ai le sentiment que les journalistes qui se sont le plus investis dans l'expérience sont ceux qui ont le plus progressé ; ils ont ainsi élargi l'horizon de leurs connaissances et leur manière d'aborder un sujet et de le traiter. Et cela est essentiel.

3. Comment est-ce que les contenus produits et publiés dans le cadre du projet peuvent contribuer à une meilleure compréhension et application des droits humains sur le plan national, régional, local ?

Kissima Diagana :A mon avis, il serait important de porter ces contenus au-delà du seul cadre des médias. L'idée serait de les vulgariser auprès des écoles. Cela peut être matérialisé dans une dynamique collaborative avec les acteurs du système éducatif mauritanien qui se penchent en cette période sur la réforme des programmes. Ce serait donc opportun que les programmes de langue comportent des extraits de ces contenus en guise de supports pédagogiques. On peut également penser à des rencontres croisées entre groupement associatifs locaux et acteurs des médias pour des échanges. De même que des rencontres entre journalistes et acteurs politiques et sécuritaires pourraient être encouragées dans l'objectif de décomplexer des rapports de suspicion qui souvent ont été un frein à la prise en charge sereine des questions de droits humains.

Etverah Ahmed El Mehdi : Il doit y avoir un suivi, une évaluation et une continuation dans ce domaine, c'est-à-dire travailler à élargir la diffusion de ces matériels, et à encourager la production de nouveaux sujets qui abordent des questions touchant les intérêts des citoyens locaux, régionaux et internationaux.

Khalilou Diagana : Sur le plan national, à travers, par exemple, les reportages sur les droits de l'enfant ou des femmes, des lecteurs et auditeurs ont compris que derrière les statistiques et les discours, il y a des drames de femmes et d'enfants discriminés. Sur le plan régional et surtout local, les auditeurs des radios ont compris que certaines pratiques qu'ils pensaient « normales » sont en réalité des violations des droits humains, des crimes punis par la loi.

Abdoulaye Ciré Ba : La contribution des contenus produits et publiés doit offrir une meilleure compréhension et application des droits humains, mais cela restera très limité tant que les médias publics contrôlés par l'État demeureront fermés à ces thématiques. La presse écrite est à l'agonie et l'audience des nouveaux médias est encore trop faible (même si elle est en constante progression).

4. A l'avenir, quel accompagnement serait nécessaire pour renforcer davantage les compétences professionnelles des journalistes formés dans ces régions de la Mauritanie ?

Kissima Diagana : Dans un pays où la réforme des médias est une préoccupation essentielle, deux aspects doivent être prioritaires dans l'accompagnement : le professionnalisme et l'éthique. Dans les régions de la Mauritanie, la pratique du journalisme peut être une réalité à condition que les médias existants aient des correspondants locaux qui soient prêt à couvrir tous les sujets de société sous un angle journaliste loin des seules préoccupations des politiques qui ont tendance à se servir du journaliste pour leur propre besoin. Pour finir, je voudrais bien insister sur le renforcement des capacités des journalistes et animateurs qui s'expriment dans les langues nationales et qui représentent un potentiel non négligeable pour un journalisme professionnel au service du développement.

Etverah Ahmed El Mehdi : Je pense que la réussite de cette mission passe par la création d'un espace de diffusion des reportages liés au sujet étudié, en assurant également une formation continue dans ce domaine et en encourageant les initiatives les abordant.

Khalilou Diagana : Pour consolider les acquis des journalistes formés à Kaédi et Kiffa, il serait utile de les faire suivre par des sortes de mentors qui vont les orienter et les guider, même à distance.

Abdoulaye Ciré Ba : On pourrait envisager de créer un site web dédié aux droits humains ainsi que des partenariats stratégiques susceptibles d'appuyer un plaidoyer auprès des autorités : la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH), par exemple.


Les formations, l'accompagnement des journalistes et le concours ont été organisés dans le cadre du programme d'appui Promotion des Droits Humains et Dialogue sur les Droits Humains (PDDH) mis en œuvre par la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) en Mauritanie.

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