Neuf professionnels parfont leurs compétences de journalistes juridiques

Neuf professionnels parfont leurs compétences de journalistes juridiques

Un second groupe de 9 journalistes ukrainiens vient de terminer la formation au journalisme juridique proposée par CFI, dans le cadre d'un programme organisé d'octobre 2019 à juin 2020. 

Cette initiative comporte trois sessions de deux à trois jours visant à consolider les compétences journalistiques des participants dans le domaine des questions de justice et des réformes en cours, en mettant l'accent sur le reportage juridique. Un fonds associé au programme leur apporte une assistance financière pour produire des documents journalistiques de qualité à l'attention de leurs organes respectifs.

Le module de formation, qui se fonde sur des exemples concrets liés à la pratique du journalisme juridique en France, est conçu et dirigé par Thierry Cruvellier et Franck Petit, deux journalistes français, experts en justice transitionnelle et internationale. Ils sont épaulés par deux collègues, experts du système juridique ukrainien basés à Kiev, Serhii Andrushko et Irina Saliy, qui s'appuient sur leur propre pratique et leur expérience pour enrichir le programme et assument le rôle de coachs pour encadrer le travail des stagiaires.

Les formateurs français et ukrainiens invitent un panel de juges, avocats et autres professionnels de la justice à participer aux sessions de formation pour apporter une perspective plus large sur divers aspects du journalisme juridique et transmettre leur propre expérience pertinente. Les chroniqueurs juridiques ne doivent pas donner leur avis.Cette approche avait déjà été mise à l'épreuve avec le premier groupe de journalistes formé en 2019, et sera reconduite avec un troisième groupe à l'automne 2020. Le dernier groupe en date réunissait des journalistes de Kiev, ainsi que de Lviv, Vinnitsa et Sumy.

Comme le veut désormais la tradition, la session inaugurale a été présentée par Pascale Robert-Diard, reporter chevronnée du quotidien français Le Monde, largement reconnue comme l'une des plus éminentes journalistes juridiques du pays. Pascale a dévoué les 25 dernières années à l'art du reportage juridique. Six de ses articles de référence ont été traduits en ukrainien et diffusés parmi nos participants pour illustrer la grande variété de genres qui coexistent dans l'exercice journalistique du reportage juridique.

Une fois encore, Pascale Robert-Diard a tenu une masterclass motivante, expliquant les motifs qui ont poussé la journaliste politique qu'elle était à se spécialiser dans le journalisme juridique. Pour elle, la couverture des tribunaux est "un voyage au travers des passions humaines et du pire dont l'homme est capable". Elle a expliqué en détail la pratique de la chronique juridique, dont elle est devenue experte.

"Les chroniqueurs juridiques ne doivent pas donner leur avis. Ils doivent présenter les faits et être aussi sobres que possible ; ils doivent savoir ce qu'ils veulent faire ressentir au lecteur. À la fin de l'article, ce dernier doit l'avoir ressenti, mais sans rien lui avoir imposé au premier abord", explique-t-elle.
Comment couvrir un dysfonctionnement du système juridique ? Comment couvrir une erreur judiciaire ? Quelles précautions prendre dans les descriptions physiques ? Comment se prémunir contre l'interprétation ? Telles sont quelques-unes des questions abordées.

"Selon moi, c'est la masterclass avec la journaliste française Pascale Robert-Diard qui a été la session la plus intéressante", estime Nikita Panasenko, l'une des participantes. "Je me souviens tout particulièrement de son histoire sur le meurtre aristocratique, dans laquelle nous nous sommes sentis totalement immergés - il ne manquait plus qu'un verre de vin. J'ai également été très intéressée par son conseil de prêter moins d'attention aux fuites d'informations par les acteurs juridiques, et de se concentrer plutôt sur ce qui se dit exactement lors des audiences du tribunal et sur la façon dont ces informations sont révélées."

Un webinar pour continuer la formation malgré la Covid-19

Le débat entre les journalistes et le célèbre avocat pénal Masi Nayyem a été un autre moment fort de ce deuxième cycle de formation. " Nous avons besoin de journalistes, mais nous voulons qu'ils travaillent dans un cadre juridique. Selon Nayyem, "l'avocat ne rend généralement public que ce qui est positif pour son client ; sur le reste, il s'abstient de faire des commentaires".
Si un avocat viole le secret de l'enquête, il s'expose à des sanctions. Un journaliste, lui, ne peut pas être sanctionné. La présentation de Masi Nayyem a permis aux participants de mieux saisir le point de vue et les intérêts d'un avocat qui a mené une réflexion sur son interaction avec les médias, de manière stratégique, dans l'intérêt de son client, en adoptant une façon très moderne de communiquer avec (ou de manipuler) les journalistes. Un voyage au travers des passions humaines et du pire dont l'homme est capable.

La dernière session, Crimes de guerre et justice transitionnelle d'après-conflits, a permis à Thierry Cruvellier de présenter le concept de justice pour crimes de guerre, l'historique des tribunaux internationaux et le principe qui les sous-tend. Les neuf stagiaires ont ainsi pu appréhender les différences entre les classifications de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, de nombreux professionnels des médias ukrainiens amalgamant souvent ces notions et ces termes dans leurs reportages.
Le travail de formation sur les crimes de guerre et la justice est particulièrement pertinent en Ukraine, où de nombreuses affaires traitées par la presse au niveau national et régional ont trait à la guerre du Donbass ou à l'annexion de la Crimée.

Thierry Cruvellier, rédacteur en chef du portail Justice Info dédié à la justice transitionnelle, a signé de nombreux reportages dans les tribunaux internationaux au cours des 20 dernières années. Bien entendu, chacun des tribunaux internationaux établis à l'issue des conflits en ex-Yougoslavie, au Rwanda, au Cambodge, au Liban, au Kosovo et autres présente ses propres spécificités en termes de compétence, de contexte de création des tribunaux, de durée d'existence et de résultats. Les procédures de justice transitionnelle dépendent également de chaque conflit spécifique, l'histoire ne retenant principalement que les affaires couronnées de succès et les échecs.

"Pour moi, résume Tetiana Kozak, "en tant que journaliste ayant une expérience du reportage juridique, le stage de CFI m'a permis de comprendre comment améliorer la qualité de mes documents – en m'appuyant sur des exemples du travail des journalistes professionnels français. Et aussi de comprendre plus en détail le fonctionnement du système de justice national et international, en en débattant avec les représentants de ce système : les juges, les avocats et les enquêteurs. Le programme est utile et permet de faire une comparaison intéressante des réalités du fonctionnement des tribunaux entre l'Ukraine et les pays étrangers."


Le programme de formation des journalistes de CFI est assuré dans le cadre du projet PRAVO-Justice, financé par l'Union européenne.

 

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