Naïssem Isabelle Ngardoum : "Madame Mbappé" vit à 100 à l'heure

Naïssem Isabelle Ngardoum : "Madame Mbappé" vit à 100 à l'heure

Projet associé

À 32 ans, Naïssem Isabelle Ngardoum a plusieurs vies en une seule : journaliste reporter d'images multimédia, cheffe d'entreprise, coordonnatrice pays et formatrice, consultante pour l'instance de régulation des médias, restauratrice, co-organisatrice du concours Miss littérature Tchad...
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.

Un courant d'air... Comme son joueur de foot préféré Kylian Mbappé, quand Naïssem Isabelle Ngardoum accélère, difficile de suivre le rythme... Mes amis m'appellent ‘‘Madame Mbappé’’. Au moment de la dernière Coupe du monde, je l'ai soutenu sur les réseaux sociaux, car il est jeune et il a fait des choses ! souligne, admirative, Isabelle, qui partage son esprit entreprenant.
Mais, contrairement à l'attaquant vedette de l'équipe de France jugé parfois trop individualiste, cette directrice d'une entreprise de communication et de production multimédia au Tchad joue, depuis toute petite, collectif : Servir les autres, c'est ma joie. Quand tu partages, tu reçois en retour.
Sa petite sœur Them-Nodji Cendrine Ngardoum confirme : Je me souviens d'une grande sœur aimante et attentionnée. Aujourd'hui encore, Isabelle est toujours là quand on a besoin d'elle.

Élève au Cameroun voisin de la 5ème à la seconde, Naïssem Isabelle Ngardoum obtient par la suite au Tchad un bac scientifique. Elle pense alors faire carrière dans la pétrochimie : Je n'ai jamais rêvé d'être journaliste, c'est le journalisme qui m'a choisie ! Mon grand frère et tuteur Mornondé Christian Ngardoum m'avait conseillé de choisir un métier pour devenir ma propre patronne. Depuis son décès, à chaque fois que je fais une grande réalisation professionnelle, je pense à lui !
Isabelle détient également une licence professionnelle de l'Institut supérieur des métiers de l'audiovisuel (ISMA) du Bénin et un master en journalisme de l'ESJ Paris-Grand Lille (devenu Institut de journalisme tous médias, IJTM).

Formatrice et créatrice de contenus

Entre ses deux diplômes de l'enseignement supérieur, de retour au Tchad, elle travaille au Centre d'études et de formation pour le développement (Cefod). Le Père Yves Djofang en était alors le directeur général : Isabelle nous a apporté un impact significatif dans le montage de nos magazines. Aujourd'hui, dans les productions qu'elle réalise pour d'autres structures, elle commente avec un timbre vocal qui accroche. Elle sait extraire l'essentiel en deux minutes pour partager de courtes vidéos sur les réseaux sociaux. Isabelle est une valeur ajoutée pour l'audio-visuel tchadien et pour atteindre les jeunes.

Elle sait extraire l'essentiel en deux minutes.
Père Yves Djofang

Entrepreneuse et créatrice de contenus, Naïssem Isabelle Ngardoum lance en 2021, Tous Médias Production (TM Production : TV, radio, web, presse écrite). Ses principaux clients : des institutions, des entreprises ou des ONG : Je forme une dizaine de jeunes pigistes dans mon domaine, car nous ne sommes pas éternels !
Elle encadre aussi d'autres journalistes tchadiens pour CFI dans le cadre du projet Afri'Kibaaru : Je déplore parfois le manque de disponibilité et de matériels des journalistes, mais quand certains me disent ‘‘j'aimerais être comme vous’’, ça me donne la chair de poule ! Transmettre une connaissance et la voir bien mise en pratique est ma plus grande satisfaction.
Coordonnatrice pays du projet Désinfox Tchad, Isabelle apprécie se sentir ainsi encore plus proche des médias et journalistes bénéficiaires.

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Naïssem Isabelle Ngardoum (à droite) en mission sur le terrain en janvier 2023 : Servir les autres, c'est ma joie !
Naïssem Isabelle Ngardoum (à droite) en mission sur le terrain en janvier 2023 : Servir les autres, c'est ma joie !

À nous les femmes de nous démarquer

Chargée de communication à l'Unicef, Nancy Ndal-Lah a découvert cette jeune femme comme modératrice d'une conférence pour la Haute autorité des médias et de l'audiovisuel (HAMA) : J'ai été impressionnée par son éloquence et son professionnalisme. Isabelle est une perle rare. Elle prend un grand plaisir à pousser la jeune génération vers le meilleur. Réactive, Naïssem Isabelle Ngardoum précise : Au Tchad, beaucoup de femmes embrassent le journalisme et occupent des postes à responsabilités dans les médias. D'autres pensent être marginalisées, mais c'est à nous les femmes de nous démarquer par la qualité de notre travail !
Dans ce même esprit de valoriser la beauté intellectuelle, elle a co-organisé fin 2022 la 2ème édition du concours Miss littérature Tchad. La tête et les jambes aussi, "Madame Mbappé" envisage de créer une équipe de foot de femmes journalistes.

Son sens du partage ne se limite pas aux médias : Fin 2022, j'ai lancé un restaurant pour épauler trois de mes sœurs cadettes. Elles ont toutes le niveau licence, mais n'avaient pas de boulot fixe. Avant de mourir en juin 2022, papa m'avait dit : ‘‘toi, ma fierté, essaie de tirer tes petits frères et sœurs vers le haut !’’ Cuisiner est ma grande passion depuis mes 13 ans. Quand les gens apprécient et en redemandent, ça fait plaisir !
Comme quand Kylian fait trembler les filets...

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Naïssem Isabelle Ngardoum

Dans 10 ans...

Pourquoi choisir quand on a tant à offrir ? Dans dix ans, j'aurais peut-être été plusieurs fois ministre ou PDG d'entreprises dans le journalisme, l'élevage ou l'agriculture ! Au Tchad, l'entrepreneuriat a le vent en poupe. En tout cas, je ne me vois pas rester dans les mêmes choses : si on mange tous les jours le même plat, ça dégoûte ! plaisante, à moitié seulement, l'initiatrice du restaurant Ngardoumette Délices.

Pressenti par Naïssem Isabelle Ngardoum pour être son "directeur de cabinet" si elle devient ministre de la Femme, Bbeï Kertemar, un ancien collègue du Cefod, rigole lui aussi à moitié seulement : Isabelle devra être ministre pour imprimer sa marque ! Elle pourrait révolutionner l'entrepreneuriat avec de nombreuses actions et formations pour l'autonomie des femmes !

Isabelle devra être ministre pour imprimer sa marque !
Bbeï Kertemar

Ancien directeur général du Cefod, le Père Yves Djofang encourage son ancienne journaliste à ne pas abandonner son métier : Isabelle sait concilier médias et développement. Dans dix ans, elle sera certainement dans la production et la diffusion de ce ce genre de contenus. Elle intègrera sans doute aussi la formation de ses jeunes confrères journalistes restés au Tchad.

Cendrine, la petite sœur d'Isabelle et Souleymane Ouattara, son formateur sur le projet Afri'Kibaaru, insistent sur son côté "indépendant". Dans dix ans, je ne sais pas si elle sera responsable d'un média, dans l'appui conseil aux médias, ou dans une organisation internationale. Isabelle touche à tout, mais a besoin de se poser un peu et d'approfondir les choses, conseille sagement son "doyen" Souleymane.