Myriam Hemes Njimegne Nkwa : des mots pour guérir des maux

Myriam Hemes Njimegne Nkwa : des mots pour guérir des maux

Projet associé

Myriam Hemes Njimegne Nkwa, 28 ans, est médecin et activiste-blogueuse au Cameroun. Hyper-heureuse de vivre au quotidien ses rêves, ‘‘Docteur sourire’’ apprécie de soigner et de communiquer avec les gens.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.

Médecine et blogging. Sciences et lettres. La double vocation de Myriam Hemes Njimegne Nkwa, docteur et activiste-blogueuse camerounaise, semble inscrite dans ses gènes. Médecin et artiste, mon père a écrit des livres scientifiques et des romans, résume l'intéressée, reconnaissante de ce double bagage génétique. Arthur Njitchou Nkwa, son petit frère, confirme : Quand nous étions enfants, en tant qu'aînée, elle était le relais de maman et la jumelle version miniature de papa. Elle rêvait de devenir médecin comme lui et était déjà bavarde et curieuse comme une journaliste !

La santé se digitalise avec de nouvelles applications.

Actuellement, Myriam Hemes est résidente en épidémiologie de terrain au ministère de la Santé publique, chargée de la surveillance des décès maternels et périnataux. Elle intervient aussi dans la communication digitale sur les épidémies. Aujourd'hui comme hier pendant ses études de médecine, ‘‘Maman docteur’’ ou ‘‘Docteur sourire’’, comme l'appellent ses patient.es, a gardé intact son amour pour l'écriture.
Elle a ainsi été la directrice de publication de Health Sciences Monitor, le 1er magazine scientifique conçu par les étudiants de la Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales de l’Université de Yaoundé (FMSB).
Après son doctorat en médecine générale (2017), elle obtient un master en coopération internationale, action humanitaire et développement durable (Institut des Relations Internationales du Cameroun/Université de Ca' Foscari, Venise, Italie) et est actuellement dans un autre master en épidémiologie de terrain à l'Université de Buéa (Sud-ouest du Cameroun).

Déconstruire les fausses infos santé

Cette amoureuse des chiffres et des lettres a vu un de ses textes, "Des mots pour guérir des maux", publié en 2019, dans un recueil (Monsieur Paris m'avait dit et autres nouvellesOIF/Éditions du Patrimoine). Myriam Hemes y raconte son expérience dans un dispensaire du centre du Cameroun alors peu fréquenté par les malades : Nous avons organisé une vaste campagne de séduction dans les dix villages de l'arrondissement (...). Les malades étaient traités sur place et la population exhortée à se rendre à l'hôpital pour les soins plus complexes et pour bénéficier des services tels que la vaccination, le planning familial (…) Les mots suffisent pour guérir des maux.

Portée par cet idéal, Myriam Hemes Njimegne Nkwa crée en 2018 son association YOHEDA, Youth for Health and Development of Africa (La jeunesse pour les actions de santé et de développement en Afrique) : campagnes de sensibilisation sur la santé, assistance aux personnes âgées, aux orphelins et aux personnes réfugiées, formation de femmes en leadership et entrepreneuriat social, etc. Sur son blog du même nom, la médecin-blogueuse informe et déconstruit certaines fausses infos sur la santé.
Une énergie communicative selon Dania Ebongue, président de l’association des blogueurs du Cameroun : Myriam Hemes a été une des premières femmes médecins à s'intéresser à la création et à l'animation d'un blog. Elle a été élue meilleure blogueuse 2020 (PLAN Cameroun/Association des blogueurs du Cameroun). La santé se digitalise avec de nouvelles applications. La santé, c'est la vie ! On va bloguer sur quoi si on en parle pas ?

myriam hemes

Polyvalente "touche-à-tout"

Récompensée par des bourses et un autre prix (Prix des Nations Unies "meilleur article de blog", 2020), Myriam Hemes Njimegne Nkwa a mené plusieurs enquêtes santé et participé au projet Désinfox Afrique de CFI : J'ai appris à rédiger de façon très pointue, à utiliser des outils de fact-checking comme la recherche par image inversée, à travailler de façon collaborative avec d'autres blogueurs et à impliquer le public. Je suis hyper-heureuse d'essayer de vivre mes rêves comme je l'espérais il y a 20 ans : aider les gens, communiquer avec eux.

Un de ses formateurs lui conseille toutefois de tempérer son côté ‘‘touche-à-tout’’ : Elle pourrait professionnaliser sa communication et devenir une référence, car elle s'adapte facilement, mais elle est pour le moment encore trop dispersée... Un avis que nuance l'ancienne responsable de Myriam Hemes, le Dr Armelle Viviane Ngomba, médecin épidémiologiste, cheffe du service de la lutte contre les épidémies et les pandémies au ministère de la Santé publique : Elle est très concentrée pour atteindre ses résultats, mais ne sait pas toujours dire ‘‘non’’ et essaie parfois de faire deux tâches en même temps... Cela dit, sa polyvalence de communicatrice efficace lui permet de trouver des solutions dans le domaine médical.

Dans 10 ans...

Un avis qui résonne comme un avertissement : Myriam Hemes doit choisir sa voie, sinon, dans 10 ans, elle risque d'être médecin ordinaire en clinique ! prévient un de ses anciens formateurs. Par contre, pour Dania Ebongue, président de l’association des blogueurs du Cameroun, Myriam Hemes n'est pas quelqu'un à confiner dans un seul domaine ! Jeune, elle doit continuer à publier sur son blog ses expériences de médecine et de vie associative. Dans dix ans, elle a le profil pour être un bon administrateur santé, par exemple dans une ONG.

Son ancienne cheffe, le Dr Armelle Viviane Ngomba, voit en elle une future bonne manageuse de santé et aussi une leadeuse de jeunes ou de femmes. Avant d'avoir ces responsabilités, elle devrait former et responsabiliser une équipe, car je souhaite que son blog ne meure pas ! Arthur Njitchou Nkwa, son petit frère, prédit, lui aussi, un bel avenir à sa grande sœur : cadre dans un organisme international comme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Dans dix ans, Myriam Hemes Njimegne Nkwa n'écarte pas totalement la possibilité de collaborer pour l'OMS, ni celle de toujours travailler pour un ministère de son pays. Toutefois, comme fonctionnaire, elle est déjà consciente de ne pas pouvoir parler de certains sujets sur son blog comme la gouvernance en matière de santé... D'où son idée de se spécialiser en communication numérique : Dans cinq à dix ans, j'espère être une leadeuse en santé digitale grâce à mon site web spécialisé dans le fact-checking santé actuellement en projet. J'espère aussi que j'aurais écrit beaucoup de livres pour partager mes expériences.