3questions_Baghdadi_cfi2023

3 questions à Haidar Baghdadi : "80% de mes bonnes pratiques grâce au projet"

Au premier rang, il observe, attentif, presque studieux, avec ses imposantes lunettes sur le nez. Mais, le sourire en coin n'est jamais très loin... Enseignant-monteur vidéo à la Faculté des médias de l'Université d'État de Bagdad, Haidar Baghdadi, 30 ans, était en visite ce mois de décembre au siège de France Médias Monde et CFI. Rencontre avec un adepte de la transmission pratique des connaissances.
Propos recueillis par Emmanuel de Solère Stintzy.

 

Quelles différences, selon vous, entre le journalisme en Irak et ici en France ? Comment les médias de votre pays traitent-ils de la sécurité, du genre ou de l'environnement, des thématiques au cœur du projet Journalisme Innovant en Irak (JOII) ?
En Irak, le journaliste qui va sur le terrain réaliser le reportage ne sait pas faire le montage. Ici, les journalistes semblent capables de faire trois ou quatre choses en même temps ! Cette polyvalence est très importante, en particulier en zone de guerre : un journaliste doit pouvoir gérer différentes situations sans s'attirer des problèmes.
Nos médias abordent peu les questions de sécurité, de genre et d'environnement. Ils préfèrent se tourner vers la politique. En Irak, pays religieux, il est difficile de parler de tout et il n'y a aucune loi efficace pour protéger les journalistes... S'ils abordent certains sujets, ils peuvent être tués... Aujourd'hui, plus personne ne prend ce risque. C'est mieux de ne pas parler de certains sujets.

Enseignant à la Faculté des médias de l'Université d'État de Bagdad, vous êtes parmi les monteurs des 75 vidéos pédagogiques de e-learning sur le reportage TV et les fondamentaux du journalisme, réalisées actuellement avec l'Académie France Médias Monde en partenariat avec CFI. Que retenez-vous de cette expérience ?
À la Faculté, nous avons travaillé en équipe avec cinq autres personnes pour collecter les infos et réaliser les montages multimédias. Ce projet m'a apporté 80% de mes connaissances et bonnes pratiques techniques actuelles ! J'ai acquis davantage de maîtrise pour chercher des illustrations et réaliser des montages de photos et de vidéos. Nous avons aussi été formés à former nos élèves. Quand nous leur avons montré nos vidéos, ils étaient très impressionnés par le travail effectué. Certains nous ont dit : En 2 semaines, grâce à vos vidéos, vous nous avez résumé 4 ans d'études !
Avant, les cours étaient 100 % théoriques. Grâce à ce projet et à ses formations comprenant une partie application, notre Faculté a commencé à changer ses propres programmes pour y insérer davantage de pratique. C'est important, car le terrain permet aux étudiants et étudiantes d'apprendre de leurs points forts et de leurs erreurs. Nous utilisons notamment des smartphones pour les entraîner à réaliser des vidéos. Désormais, grâce à la pratique, nous nous assurons qu'un élève maîtrise bien un socle de connaissances avant d'aborder le chapitre suivant.

Comment voyez-vous l'avenir du métier de journaliste en Irak ? Et votre avenir en lien avec cette profession ?
Aux étudiants et étudiantes en journalisme de descendre sur le terrain pour mettre en œuvre dans les médias de nouvelles pratiques du métier. En ce qui me concerne, je veux rester formateur à la Faculté pour transmettre mes connaissances. Au-delà de la sécurité de l'emploi, cela me permettrait de créer du lien et de suivre sur la durée les évolutions de mes élèves.

Image
3questions_Baghdadi2_cfi2023