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Valdez Onanina, formateur pour CFI et "baobab penseur"

À 33 ans seulement, le Camerounais Valdez Onanina est rédacteur en chef du bureau francophone d'Africa Check au Sénégal et spécialiste de la désinformation sur le continent. Une ascension qu'il doit en grande partie à son humilité, sa curiosité et sa sagesse. Portrait.

Les deux frères et "meilleurs amis" ont quasiment la même voix. Kevin, le cadet, parle avec tendresse de son aîné : "Enfant, Valdez posait beaucoup de questions, jusqu'à ce qu'il obtienne une réponse satisfaisante." Valdez Onanina est donc naturellement très tôt attiré par le journalisme : "J'étais fan d'Ibrahim Chérif et Anne Marthe Mvoto, deux journalistes brillants et éloquents de la CRTV (Cameroon Radio Television)." Il devient ensuite "fan absolu" des écrits de Béchir Ben Yahmed et Georges Dougueli dans "Jeune Afrique".

"Son surnom au collège était 'baobab penseur', car il écrivait des poèmes."
Kévin
Frère de Valdez

Élève brillant, sa plume personnelle commence à faire des merveilles... "Son surnom au collège était 'baobab penseur', car il écrivait des poèmes. Quand je voulais courtiser une fille, je lui expliquais ce que je ressentais pour qu'il couche les mots à ma place sur le papier", se souvient Kevin amusé. Très respectueux de ses enseignants, le jeune Valdez fait aussi "des recherches personnelles sur Internet sur l'histoire du Cameroun pour aller au-delà de ce qu'on nous apprenait à l'école."

Après son bac, 'baobab penseur' enracine et panafricanise ses connaissances. Il part au Bénin étudier pendant quatre ans au Centre africain de formation et de perfectionnement des journalistes de Cotonou, puis obtient au Sénégal un master médias et communication, un executive MBA (communication politique et stratégies d'influence) et suit un programme en management development. Mais, Valdez Onanina nourrit aussi sa vocation par la pratique : "À l'APS (Agence de presse sénégalaise), j'ai appris la distance dans le traitement de l'information et à signer mes articles avec mes seules initiales 'V.O'. Mes chefs m'appelaient 'le gosse' et ne validaient jamais mon papier si je n'étais pas sûr de ma source." 'B.K', Boubacar Kanté, se souvient de ses débuts : "Talentueux, réceptif et humble, Valdez était déterminé à s'améliorer. Dans un poème, je lui avais écrit à l'époque : 'Tu es le seul frère que la vraie vie m'a donné. Tu seras la seule fraternité que même la mort ne pourra me disputer. Tu es le symbole de ce qu'il faut espérer du monde'."
 

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Nous traversons une crise de confiance envers les médias
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"Travail rigoureux et délicat"

Coaché par de belles plumes et convaincu de l'importance "pour construire des démocraties de réaliser un travail d'éclairage et de reddition des comptes des politiciens pour le public", Valdez Onanina prend son envol de fact-checker quand Assane Diagne, ancien rédacteur en chef de l'APS, ouvre le bureau d'Africa Check à Dakar. Son boss le jette aussi dans le bain de la formation. Formateur pour plusieurs projets CFI comme Vérifox Afrique puis Désinfox et à la tête d'un réseau africain de fact-checkers francophones, Valdez semble épanoui : "CFI fait un travail énorme pour la promotion du fact-checking. Aujourd'hui, je suis nourri par cette envie de transmettre, même si je reste davantage un apprenant perpétuel." Une humilité très appréciée de ses propres apprenants comme Ndeye Fatou Diery Diagne, qui a obtenu un prix grâce à un article réalisé dans le cadre de Désinfox : "Valdez nous a transmis une certaine rigueur dans nos recherches, surtout le fait d'avoir toujours des sources très fiables que nous pouvons citer."

Nous faisons de notre mieux pour que les gens aient le moins de choses à redire quand nous vérifions les déclarations politiques. C'est un travail rigoureux et délicat. Grâce à Valdez, je me limite aux infos factuelles.
Azil Momar Lô
Collègue de Valdez

Rédacteur en chef du bureau francophone d'Africa Check au Sénégal depuis 2022, Valdez Onanina semble tout autant faire l'unanimité au quotididien. "Nous faisons de notre mieux pour que les gens aient le moins de choses à redire quand nous vérifions les déclarations politiques. C'est un travail rigoureux et délicat. Grâce à Valdez, je me limite aux infos factuelles", témoigne Azil Momar Lô, un de ses collègues. Chroniqueur pour RFI et enseignant en fact-checking dans plusieurs universités de Dakar, 'baobab penseur' aime s'extraire du tourbillon de la désinformation quotidienne. Fin 2023, il a ainsi co-signé un article de fond sur les origines et les conséquences de la désinformation en Afrique. "Dans ses analyses, Valdez est capable de replacer dans un contexte plus large les données terrain et de voir ainsi les angles morts de la désinformation", apprécie Guillaume Soto-Mayor, un des chercheurs co-signataire de cet article. Le tout sans circonvolutions intellectuelles, en se basant sur des faits. "Droit au but", comme l'Olympique de Marseille, son équipe préférée...

Dans 10 ans... 

"Dans dix ans, Valdez voudra faire pénétrer le fact-checking dans beaucoup de médias et beaucoup de pays. Je le vois bien à la tête d'Africa Check ou d'une autre entreprise spécialisée à l'échelle africaine", pronostique Ndeye Fatou Diery Diagne, une de ses apprenantes. Azil Momar Lô, un de ses collègues à Africa Check, envisage deux options : "Peut-être aura-t-il lancé son propre média de fact-checking ou sera-t-il chercheur sur la désinformation." Guillaume Soto-Mayor ne demanderait pas mieux que de continuer à travailler avec Valdez Onanina sur ces questions : "Dans dix ans, j'espère très vivement qu'il sera enseignant spécialisé. Il a la capacité de créer un laboratoire dans lequel il formerait des chercheurs et des décideurs politiques." 'BK', Boubacar Kanté, un de ses anciens mentors à l'APS, lui souhaite le même destin : "Je le vois dans la recherche sur les médias. Je le vois aussi manager ou consultant. Pourquoi pas travailler avec ou dans des entités comme CFI ?"

Pionnier du continent sur la vérification des informations, dans 10 ans, Valdez aura une très grande expertise qui mériterait d'être au service du Cameroun. Grâce à des profils comme le sien, notre pays pourrait assainir le milieu de la presse.
Kévin
Frère de Valdez

Valdez déploiera-t-il ainsi encore davantage ses ailes à l'international ? Son petit frère Kevin opte plutôt pour un retour aux sources de 'baobab penseur' : "Pionnier du continent sur la vérification des informations, dans 10 ans, Valdez aura une très grande expertise qui mériterait d'être au service du Cameroun. Grâce à des profils comme le sien, notre pays pourrait assainir le milieu de la presse." Intéressé par la recherche pour "produire de la ressource documentaire afin de mieux appréhender la désinformation", Valdez Onanina n'exclut pas de "mettre en place un média de qualité sur l'Afrique, une sorte d'héritage à léguer." Mais, son petit frère a vu juste : Valdez s'imagine en particulier "un devoir de transmettre et de m'engager pour mon pays, le Cameroun."

Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy (https://www.journalistesmediateurs.com/).

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Valdez Onanina, intervenant lors d'un panel sur la désinformation à l'occasion du forum médias et développement de CFI en juillet 2023
Valdez Onanina, intervenant lors d'un panel sur la désinformation à l'occasion du forum médias et développement de CFI en juillet 2023