Tatiana Kozak - Soutenir les réformes judiciaires en Ukraine
Tatiana Kozak est journaliste indépendante en Ukraine depuis dix ans. Elle y couvre notamment les enjeux de justice transitionnelle et de droits humains dans les anciens territoires soviétiques : le fruit d’un long chemin au service de la justice.
Tatiana Kozak n’a pas toujours été journaliste. D’abord interprète en anglais et en allemand, c’est en 2010 qu’elle s’initie à l’écriture et au journalisme, à l’aube des blogs et des médias en ligne. Elle commence comme blogueuse et secrétaire de rédaction au sein de korrespondent.net, un média en ligne leader en Ukraine à cette époque.
Mais c’est surtout l’Euromaïdan, c’est à dire la révolution ukrainienne de 2014, qui marqueront son entrée dans le monde du journalisme. Alors que son ancien média est racheté par un oligarque, Tatiana rejoint l’équipe de hromadske, une télévision en ligne nouvelle génération créée par des journalistes eux-mêmes et financée par des fonds publics de différents pays européens.
Révolution ukrainienne et baptême de feu journalistique
“L’Euromaïdan m’a amenée à couvrir la guerre dans le Donbass, ce qui a donné un grand coup d’accélérateur à ma carrière journalistique”, raconte Tatiana Kozak. Sur la ligne de front, elle rapporte la situation des populations de déplacés pour plusieurs médias locaux et internationaux. "À l’époque, il n’était pas difficile d’accéder à la ligne de front, témoigne-t-elle. À présent, il y a beaucoup de bureaucratie et si vous voulez y accéder, vous devez obtenir une carte de presse spéciale.
Une expérience qui lui apprendra les rouages du journalisme de terrain en zones de conflit.
Depuis, elle pige pour différents médias locaux et internationaux (BBC Ukraine, Radio Svoboda, OpenDemocracy, Hromadske, Ukrainska Pravda, Buzzfeed, Transitions Online…) mais participe également à des projets indépendants qu’elle parvient à faire financer à travers des campagnes de financement participatif à l’instar de Unrecognized Stories : une enquête qui suivait des personnes vivant au sein d’États autoproclamés non reconnus, à l’intérieur des pays de l’ère post-soviétique.
Une aventure qui l’amènera sur les routes de Géorgie, de Moldavie et d’Azerbaïdjan.
Conserver son indépendance journalistique est essentiel pour Tatiana Kozak. Pour cela, elle parvient à faire financer ses projets par des organisations internationales et grâce à des emplois plus lucratifs comme de la traduction. "Le problème aujourd’hui c’est que la plupart des médias ukrainiens sont détenus par des oligarques", déplore-t-elle. "L’ancien président (Petro Porochenko, élu de 2014 à 2019, ndr) en possédait un pendant sa présidence, comme le reste des gens au pouvoir. C’est une situation directement liée à la difficulté pour les médias de trouver des modèles économiques autonomes. Aujourd’hui, pour rester indépendant, un média doit soit recevoir des bourses d’organisations occidentales, soit avoir recours au financement participatif. Certains survivent de la publicité, mais c’est très rare", explique-t-elle.
Justice transitionnelle et droits humains
Aujourd’hui, la journaliste est contributrice à openDemocracy, où elle traite des droits des femmes et de ceux des populations LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres). Elle fait également partie de l’équipe rédactionnelle de Graty, un nouveau média spécialisé dans les chroniques judiciaires, pour lequel elle couvre des affaires relatives aux droits humains et à la justice transitionnelle.
Afin d’approfondir ses connaissances et de soutenir la réforme judiciaire de son pays, elle a intégré le programme Pravo Justice en 2019, un programme d'appui à la réforme du secteur judiciaire faisant l'objet du soutien financier de plusieurs bailleurs internationaux, en partenariat avec CFI. Une période enrichissante pour la jeune journaliste, comme elle le raconte : "J’étais déjà familière du système judiciaire mais Pravo Justice m’a permis d’approfondir mes connaissances en rencontrant de grands journalistes, des avocats, des juges mais aussi des procureurs."
À la suite de cette formation, elle a notamment publié une enquête sur une affaire opposant des organisations LGBT ukrainiennes au gouvernement national, ainsi qu’un travail de fond sur la procédure judiciaire (encore en cours) concernant le référendum organisé par des séparatistes pro-russes en 2013 dans les régions de Donetsk et Louhansk, un scrutin non reconnu par l’Ukraine, qui a conduit à la sécession d’une partie des territoires du Donbass et au conflit meurtrier qui se poursuit à l’est de l’Ukraine depuis 2013.
Une manière pour elle de documenter l’histoire de son pays et de construire l’avenir.