Ramatou Baoua N'gobi, la (discrète) combattante de Parakou
À 40 ans seulement, Ramatou Baoua N'gobi est la coordinatrice du Centre Solidarité et Initiatives pour le Développement (CSID-Bénin). Réservée, mais déterminée, elle sait écouter et fait preuve d'humilité.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
On imagine volontiers un griot viril, vénérable, grand et éloquent. Ramatou Baoua N'gobi appartient à cette caste des poètes musiciens ambulants, mais du “haut” de son mètre cinquante-six, la discrète coordinatrice du Centre Solidarité et Initiatives pour le développement (CSID-Bénin), n'est rien de tout cela... Ramatou tient de sa caste le respect de la parole donnée, nuance son oncle, Morat Lafia Kora Yémagui Ali, par ailleurs anthropologue.
Grâce à mes origines, j'arrive à aborder plus facilement et avec humilité les gens, car un griot est toujours au service de son roi, complète la jeune femme. Une attitude renforcée par son caractère personnel : Plus jeune, Ramatou aimait déjà écouter les autres, les aider, se souvient sa tante, Mauna Boussou.
Titulaire d'une maîtrise en gestion (option marketing et management des organisations) à l'Université de Parakou en 2013, complétée en 2018 par un master en management des projets, Ramatou a d'abord été animatrice communautaire. Sur sa moto-cross, elle a sillonné les villages pour l'antenne régionale Parakou de l'Institut Kilimandjaro, avant d'en devenir en 2010 la RAF (responsable administrative et financière).
En 2014, elle est nommée coordinatrice de l'ONG CSID-Bénin et remplace son supérieur hiérarchique de l'époque : Sahadou Ali Zato.
Jamais fatiguée de travailler !
Consultant-formateur spécialisé en management, ce dernier se souvient : En tant que RAF, Ramatou était ma collaboratrice immédiate et avait déjà une bonne maîtrise des procédures des bailleurs. Comme coach, j'ai détécté en elle un potentiel qu'elle-même ignorait !
L'arrivée d'une femme de 34 ans à la tête du CSID s'accompagne cependant de quelques préjugés : Certains pensaient que Ramatou était là en simple faire-valoir et que je continuais à diriger. Ils réalisent aujourd'hui qu'elle a les pleins pouvoirs et que je suis de plus en plus absent, observe encore Sahadou.
De son côté, Safianou Wabi Alassane apprécie le leadership bienveillant de sa "patronne" : Ramatou se met à la place de l'autre. Quand elle me confie une tâche, elle apporte sa contribution pour que nous réussissions. Elle aime que tout soit parfait et n'est jamais fatiguée de travailler ! Une énergie individuelle et collective qui a permis au CSID-Bénin de décrocher plusieurs attestations de bonne fin d'exécution de la part de plusieurs partenaires, avec en particulier les félicitations de CFI.
Ramatou a apprécié cette expérience de partenaire technique et logistique sur Dialogues citoyens Bénin 1 & 2 : Grâce à ces projets, j'ai rencontré beaucoup de personnes. À partir des critiques des uns et des autres, j'essaye de ne pas refaire les mêmes erreurs. Je ne m'avoue jamais vaincue !
En avril 2019, lors du séminaire initial de Dialogues citoyens Bénin 2, après avoir écouté attentivement Ramatou Baoua N'gobi parler devant une centaine de personnes, un participant cherchait en vain le nom de la discrète coordinatrice du CSID-Bénin. Il avait fini par l'appeler "la combattante de Parakou". Un surnom qui lui va plutôt bien...
Dans 10 ans…
Où Ramatou Baoua N'gobi, actuelle coordinatrice du CSID-Bénin, poursuivra-t-elle son ascension ?
Dans 10 ans, son ancien supérieur hiérarchique, Sahadou Ali Zato, la verrait bien RAF dans un projet sous-régional ou une organisation internationale ou experte sur les questions de citoyenneté et de leadership féminin. Son collègue, Safianou Wabi Alassane, souhaite que Ramatou défende la cause des femmes à un poste international. Elle connaît les techniques d'animation et travaille déjà localement avec des groupements féminins. Sa tante, Mauna Boussou, résume : Ramatou évoluera forcément, car elle se donne à ce qu'elle fait ! Elle devra continuer à être chef d'équipe et rester devant !
Pas du genre à tirer la couverture à elle, Ramatou la discrète souhaiterait aider les femmes à se mettre en avant dans la communauté et à ne plus attendre que les hommes décident à leur place. En résumé, dans 10 ans, "la combattante de Parakou" aimerait étendre sa lutte dans une ONG internationale ou la tête d'un CSID-Afrique, qui coordonnerait tous les CSID.
(cf. processus de mise en place de CSID au Burkina, au Togo, au Niger et en Côte d'Ivoire, Ndlr.)