Miriam Neziri Angoni : "Je pense, donc je suis"
Originaire d'Albanie, Miriam Neziri Angoni a très tôt compris l'importance de l'éducation aux médias pour lutter contre la propagande et la désinformation. Dans le cadre du projet Expressions balkaniques de CFI, elle a coordonné plusieurs activités en Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie, notamment auprès de jeunes journalistes, des influenceurs et des étudiants en cinéma. Propos recueillis par Emmanuel de Solère Stintzy.
Comment est né et a grandi votre intérêt pour l’éducation aux médias ?
Mon engagement est lié au fait que j'ai grandi dans une dictature, en Albanie. Les Balkans ont été le théâtre de conflits sanglants, nourris par une propagande qui a profité de l'ignorance d'une partie de la population. Cela m'a fortement motivée à lutter contre la désinformation par l'éducation aux médias pour aider les jeunes à développer leur esprit critique.
Dès l'âge de 4 ans, mon grand-père, qui avait été étudiant à Montpellier, m'a appris la civilisation française. Depuis, "Je pense, donc je suis" (du philosophe René Descartes dans "le Discours de la méthode", Ndlr), est au centre de mes actions. Poursuivre mes études supérieures en France et en Italie m'a beaucoup aidée à devenir une citoyenne active engagée dans la lutte pour la paix, les droits humains et la démocratie. Des valeurs fondamentales pour ma région d'origine.
Quel rôle avez-vous joué dans le cadre du projet Expressions Balkaniques de CFI ?
J'ai coordonné différentes activités comme la formation de quinze formateurs des Balkans pour animer des ateliers avec les jeunes, ou la mise en ligne d'outils pédagogiques ludiques dans les langues de la région sur une plateforme. Nous avons aussi organisé avec des universités des master classes pour aider les jeunes journalistes à utiliser des méthodes modernes grâce à l'appui de fact-checkers français.
Nous avons également formé des influenceurs et inflenceuses de la région à une communication éthique et professionnelle sur leurs réseaux sociaux. Enfin, avec les facultés du film dans chaque pays des Balkans, nous avons formé environ 15 étudiants et étudiantes. Expressions Balkaniques a soutenu financièrement un documentaire et un court-métrage, réalisés en équipe par des talents des différents pays de la région.
Quels changements observez-vous chez les participants et participantes à ce projet de deux ans, qui s'est terminé en 2022 ?
Les jeunes influenceurs et influenceuses ont vu leur audience augmenter. Celles et ceux qui ont bénéficié du mentorat ont mis en route de nouvelles initiatives. Une jeune influenceuse de Macédoine du Nord a développé son projet sur les femmes et la littérature. Une jeune Albanaise a amélioré ses actions sur Instagram pour aider les femmes à trouver du travail.
Avant ce projet, les jeunes développaient leurs activités de communicateurs sans avoir de repères professionnels journalistiques. Au bas de l'échelle de l'éducation aux médias et de la liberté de la presse, les Balkans ont besoin de commencer dès l'école primaire cette éducation à l'information et de la poursuivre au secondaire et à l'université. A l'ère du numérique, l'intelligence artificielle doit devenir une alliée des jeunes et des journalistes pour effectuer des vérifications rapides et des investigations plus profondes. La technologie et le savoir-faire doivent renforcer l'éducation aux médias et à l'information.