Marthe Akissi : "Parler des problèmes environnementaux avant d'être foutus !"
À la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), Marthe Akissi réalise reportages et enquêtes sur des sujets de santé et d'environnement. Elle a déjà reçu plusieurs distinctions, comme le Prix Eco-Reportages en 2022 du club de la presse Drôme-Ardèche (France). Propos recueillis par Emmanuel de Solère Stintzy.
En tant que journaliste, pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser sur la santé et l’environnement ?
Dans mes reportages, je parle de santé et d'environnement, car ces deux thématiques sont liées. Par exemple, l'exploitation minière est un virus qui a contaminé pratiquement toute la Côte d'Ivoire ! On trouve de l'or partout dans notre pays, mais son exploitation est en train de dévaster nos ressources forestières. Par ailleurs, l'utilisation du mercure, un produit toxique, contamine l'eau, les sols et notre alimentation... Nous devons en parler avant d'être foutus !
Les formations du projet Terra Africa de CFI sur les questions environnementales, nous ont en particulier appris les techniques liées au journalisme de solutions, pour approfondir nos productions.
En quoi le journalisme peut-il aider à lutter contre les injustices environnementales ?
À travers nos reportages, nous pouvons donner la parole et des informations fiables sur leurs droits aux communautés vulnérables touchées par ces injustices. Nous incitons aussi les gouvernants à prendre des décisions équitables. Je me souviens d'un reportage que j'ai réalisé à la frontière avec le Ghana, dans une localité ivoirienne impactée par l'exploitation minière au mercure. Après diffusion de mon enquête, une délégation du ministère de l'Environnement ivoirien s'est rendue au Ghana pour discuter avec les autorités de ce pays. C'est un premier pas, même si le problème n'est pas entièrement réglé.
Selon vous, quels sont les principaux défis à relever pour les journalistes sur les questions environnementales ?
Notre devons d'abord connaître les concepts de base : environnement, réchauffement climatique, etc. Nous avons donc besoin de formations spécialisées. Autre défi : dans nos rédactions, nos hiérarchies devraient à présent considérer les questions environnementales comme prioritaires. Enfin, nous devons réfléchir à l'impact de nos reportages et comment les vulgariser.
Avant cela, quand nous enquêtons, nous devons nous sentir membres de la communauté affectée par une injustice environnementale. Avec tact, il nous faut l'encourager à parler pour l'aider à régler ses problèmes et ceux d'autres communautés. Le carnet d'adresses (ONG, chercheurs, etc.) et le réseautage sont aussi importants pour parler de ces questions transversales et transfrontalières. Je suis ainsi membre d'Africa 21 (Réseau de journalistes africains sur le développement durable et le changement climatique) et de la Cenozo (Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest).