Manar Sadki : toilettes intimes
À 22 ans, la réalisatrice marocaine Manar Sadki fait sortir des toilettes les confidences intimes des femmes. Objectif de ces vidéos et de ces podcasts : libérer la parole et faire évoluer lois et mentalités.
Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.
Résiste !
Ne regrette pas ce que tu as fait par amour. Et aussi pas mal de gros mots fleuris que nous ne citerons pas ici... Manar Sadki, 22 ans, lit ces écrits sur les murs de WC féminins à Tunis. La jeune réalisatrice marocaine est alors en train de pitcher son projet Toilettes de filles.
Nous voulions libérer la parole des femmes dans un des rares espaces de mixité sociale au Maroc. C'était intéressant de les faire dialoguer entre elles tout en les protégeant au maximum, précise Sonia Terrab, initiatrice du concept et productrice du projet (Studio l’Klaam-Meknech Production) avec l'appui de FabLabchannel.
Aux WC, devant le miroir reflet d'une société, le résultat est décoiffant : 4 minutes de discussions à cœurs ouverts.
Une jeune femme annonce avoir divorcé sans se soucier des potentiels regards désapprobateurs. Autres confidences, cette fois-ci anonymes, à propos d'un oncle violeur. Silences pesants. Les copines écoutent. Interrompent seulement pour dire : Nous sommes avec toi. Raconte ton histoire pour regagner ton pouvoir !
Manar Sadki, ex-étudiante en marketing, actuellement en Turquie pour étudier médias & nouveaux médias, explique : Des filles d'ordinaire invisibles ont raconté leurs histoires délicates et intimes. Nous utiliserons les visages et la popularité d'influenceuses des réseaux sociaux pour les diffuser via Instagram et TikTok. Nous espérons que l'audience migrera ensuite vers les plateformes de streaming pour écouter l'intégralité de la version audio (20 mn).
Dialoguer avec les hommes
Car Toilettes de filles ne s'adresse pas qu'aux filles ! Notre but est d'avoir d'autres témoignages de femmes, mais aussi de créer un dialogue avec les hommes. Le changement passe aussi par eux, estime Manar. Donc un doux toilettage des mentalités, grâce à cette production qu'elle veut comme un hommage au Collectif 490 hors la loi Moroccan Outlaws, en référence à l'article 490 du Code pénal marocain qui prévoit la prison pour les auteurs de relations sexuelles hors mariage.
Bouchra Otmani, sa maman, qui a vu en avant-première la vidéo, conseille à sa fille de rester un esprit libre des mouvements féministes, mais apprécie que les femmes parlent à haute voix de leurs droits et que Manar fasse sortir ces discussions des toilettes.
Sonia Terrab est résolument optimiste pour la suite de ce concept réalisé dans le cadre du projet Intajat Jadida de CFI : Les épisodes de cette série vont cartonner ! Nous avons commencé à la tester. Tout le monde la trouve originale, courageuse et impactante, avec une parole à la fois légère et très profonde.
Créative, Manar Sadki ne compte pas s'arrêter là et écrit actuellement un court-métrage sur la jeunesse marocaine.