Idiatou Camara : "Le développement durable devrait être une priorité pour tous les médias"
Fondatrice et administratrice générale de Radio Environnement Guinée et bénéficiaire du projet Terra Africa, Idiatou Camara est une journaliste engagée depuis une dizaine d'années sur les questions de développement durable.
Propos recueillis par Emmanuel de Solère Stintzy.
Comment est née votre passion pour le journalisme environnemental ?
La Guinée regorge de ressources naturelles, mais nous ne sommes pas assez conscients de leur importance. J'ai voulu faire des études supérieures dans ce domaine (deux masters 2, un en Droit de l'Environnement et le second en Communication et Développement Durable obtenus à l'Université de Nice en France, Ndlr) pour acquérir les connaissances nécessaires.
Quand je suis revenue en Guinée en 2014, j'ai constaté qu'il y avait beaucoup de médias, mais aucun spécialisé sur l'environnement. C'est ainsi qu'est née en 2017 la web-station Radio Environnement Guinée. Nous parlons de pollution, de ressources en eau, de changement climatique. Aujourd'hui, nous avons élargi nos thématiques aux Objectifs de développement durable (ODD), avec notamment des sujets sur l’égalité femmes/hommes. Notre radio compte une vingtaine de collaborateurs ponctuels et des correspondants régionaux.
En quoi le journalisme peut-il aider à une prise de conscience écologique chez les citoyennes et les citoyens ?
Nos correspondants en région nous font remonter les vécus des populations sur l'agriculture, l'élevage, etc... Les gens voient les changements climatiques, les sécheresses. Il ne faut pas penser qu'ils ne sont pas conscients de tout cela. Mais, chez nos autorités, la prise de conscience est lente. Elles accordent souvent d'abord leur attention à l'armée, au football et aux campagnes électorales...
Les journalistes, aussi, ne doivent pas parler de l'environnement uniquement quand il y a une journée mondiale ou une catastrophe comme les inondations ! Pour l'instant, notre radio n'est que sur le web. Avec davantage de moyens, nous voudrions diffuser nos contenus sur la bande FM, en langues nationales, avec pour cible principale les enfants, car ils représentent l'espoir de changer les choses.
Selon vous, quels sont les défis à relever pour les journalistes dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique ?
Nous ne vivons pas en dehors de notre planète et comme disait quelqu'un (António Guterres, le Secrétaire général de l'ONU, Ndlr), Il n'y pas de planète B. Les journalistes doivent donc s'intéresser au développement durable de manière plus structurée et constructive, en se formant. Un des défis à relever est en effet celui de la spécialisation.
Malheureusement, les journalistes ne prennent pas assez de temps pour parler de ces questions. Et, certains patrons de presse estiment que l'environnement ne rapporte pas assez d'argent... Pourtant, le développement durable (environnement, santé, éducation, etc.) devrait être une priorité pour tous les médias. De mon côté en tout cas, je n'abandonnerai pas. Les enfants doivent grandir avec de bons gestes, des écogestes.
