Bounheng Southichak

Bounheng Southichak, à l’écoute du Laos

Projet associé

Pour le projet Mekong info durable, quinze jeunes laotiens ont réalisé des vidéos sur les enjeux environnementaux de leur pays. Une plongée verte supervisée par Bounheng Southichak, le directeur de la “Lao Youth Radio”, premier soutien et tremplin pour la jeunesse. P
ortrait réalisé par Éléonore Sok.

 

Plus jeune, Bounheng Southichak rêvait d’être businessman. À l’image de sa mère, qui tenait une boutique dans les faubourgs de la capitale, là où a grandi ce benjamin d’une fratrie de cinq enfants. Mais le petit garçon a toujours aimé les journaux que son père, professeur, ramenait chaque soir à la maison. C’est en observant les images et en traduisant les mots inconnus qu’il a appris l’anglais.
À l’âge de dix ans, Bounheng s’envole à l’étranger pour la première fois : direction l’URSS et ses immensités enneigées, aux antipodes de son petit pays tropical. Le goût du voyage ne le quittera plus. Après son bac, il entame des études d’agro-industrie en Thaïlande, avant de partir au Japon pour un master d'ingénierie civile, puis un PhD d'ingénierie climatique.
"À la fin de mes études, j’étais tenté de vivre au Japon mais mon pays me manquait", confie ce père de famille de 43 ans, aux petites lunettes qui lui donnent un air sérieux, contrastant avec une mèche ébouriffée de crooner asiatique.
À son retour à Vientiane, Bounheng travaille comme consultant, réalise des études d’impact environnemental et social pour le secteur privé, puis enseigne ces disciplines à l’Université.

 

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lao youth radio

 

Une plateforme pour la jeunesse

 En 2013, Bounheng rêve d'un nouveau départ.
Il veut fonder son propre média, et s'intéresse à la radio. À cette époque, le pays compte cinq stations "à l’ancienne". Le nouvel arrivant veut dépoussiérer l'industrie. "J’ai misé sur la jeune génération, car au Laos nous avons beaucoup de jeunes talents mais pas de plateforme pour les rendre audibles", rapporte-t-il.

Je veux inspirer les jeunes à faire ce qu’ils aiment, c’est le plus important pour moi.

Après l'indispensable agrément du gouvernement, il fonde en 2015 la Lao Youth Radio, sous l’égide de la ‘‘Lao Youth Union’’, l’organe jeunesse du Parti révolutionnaire populaire lao, où sont hébergés les locaux de la chaîne. La station FM 90 offre des tranches d'information et de divertissement.
"Nos sujets vont du développement local, à l'actualité internationale, aux opportunités en matière d'éducation, et aux émissions de débat et de conseil", détaille-t-il. La Lao Youth Radio rencontre rapidement son public ; sa page Facebook est désormais suivie par 280 000 personnes. Tout ce que le Laos compte de personnes populaires vient sur nos ondes, se targue Bounheng. Sans exclure les anciens, puisque la devise de sa station est ‘‘Pour les jeunes et les cœurs jeunes’’.

Alors, à quoi aspire la jeunesse laotienne ?
"Elle est avant tout confrontée au défi du chômage, et cherche sa place dans la société. Les jeunes sont assez réservés, ils ne prennent pas la parole facilement, et peuvent avoir peu de recul face à l'information". D'où l'importance d'une véritable éducation aux médias, notamment aux réseaux sociaux, qui ont vu ces dernières années l’émergence de blogueurs et youtubeurs. "Je veux inspirer les jeunes à faire ce qu’ils aiment, c’est le plus important pour moi."

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Bounheng Southichak

 

Valoriser le potentiel agricole du Laos

Ce polyglotte qui parle couramment quatre langues se sert de son expérience pour faire le pont entre les réalités locales et internationales. Il coordonne le projet Mekong info durable lancé par CFI, qui vise à former 15 jeunes laotiens. "Certains sont issus de radios ou journaux gouvernementaux, d'autres sont fonctionnaires dans la communication", précise-t-il. Chaque stagiaire est chargé de réaliser deux sujets sur l'impact du changement climatique. Un thème sensible au Laos, où l'accès aux données scientifiques est limité.

"Nous travaillons avec un réseau d’ONG qui œuvre auprès du gouvernement et partage avec nous données et recherches, explique Bounheng. "Nous avons fait le choix du format vidéo, en produisant des contenus de 3-4 min, car ici plus de 80% de la population s’informe via un smartphone, et seulement 20% consulte des journaux ou la radio".
Les bénéficiaires ont suivi trois jours de formation, et sont partis sur le terrain, dans le poumon vert au nord du pays. "Par exemple, nous avons produit une vidéo sur la culture itinérante sur brûlis de maïs et de haricots rouges, à la rencontre de producteurs qui apprennent les principes de l'agroécologie", retrace-t-il. Une expérience qui a permis aux stagiaires de prendre davantage conscience du potentiel agricole du Laos.