Amelie gue

Amélie Gue, journaliste engagée 2.0

Projet associé

Au moment de la Révolution de 2014 au Burkina Faso, Amélie Gue était une des rares femmes journalistes en première ligne sur le terrain. Aujourd'hui, à 31 ans, elle poursuit dans son émission AmiNet ses engagements citoyens. Portrait réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.

 

À la télé, sa voix est le plus souvent assurée. Sa passion visiblement intacte. Créatrice et présentatrice de l'émission AmiNet dédiée aux réseaux sociaux, Amélie Gue, Burkinabè de 31 ans, a le journalisme chevillé au corps : J'ai toujours voulu faire ce métier ! De jour comme de nuit, mon papa avait sa petite radio avec lui. Nous écoutions en boucle les informations, les enquêtes et les débats politiques.
Déterminée à donner l'information et participer à un éveil citoyen, Amélie quitte sa ville natale de Bobo-Dioulasso pour la capitale, Ouagadougou. Elle y obtient une licence en lettres modernes, puis s'inscrit dans un master en journalisme de l'Institut panafricain d'étude et de recherche sur les médias l'information et la communication (Ipermic).

Le journalisme ne s'arrête pas aux salons climatisés !

Avec la Révolution citoyenne de 2014 qui mit fin à 27 ans de règne de l'ex-président Compaoré, ses débuts dans le métier sont plutôt remuants... Même quand les manifestations étaient réprimées et que certains disaient que ce n'était pas la place d'une femme d'être aux avant-postes, Amélie était toujours sur le terrain, ses baskets aux pieds. Elle a montré que le journalisme féminin au Burkina, ce n'était pas que des speakerines aux jolis faciès, apprécie Ismaël Ouédraogo, directeur de Burkina Info TV.
C'est vrai, nous n'étions pas nombreuses sur le terrain, mais quand tu as l'amour du métier, tu apprends et tu te jettes à l'eau ! résume Amélie Gue.

La jeune journaliste se retrouve cependant au bord de la noyade à deux reprises... Lors de la tentative de coup d'État militaire de 2015, elle évite la chicotte à un barrage du régiment de sécurité présidentielle, mais se fait tabasser quelques jours plus tard par des manifestants proches de l'ancien président. Blessée à l'épaule, imagine-t-elle alors ne pas avoir finalement la carrure d'une journaliste ?
Non, c'est un métier à risques, mais quand on l'embrasse, on s'engage... Le journalisme ne s'arrête pas aux salons climatisés ! assure la jeune femme, plus décidée que jamais à être utile aux autres.

 

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amelie gue sur un plateau télévisé
Amélie Gue, sur le plateau d'AmiNet, avec les chroniqueurs de l'émission : Basseratou Kindo (journaliste-blogueuse, rubrique actus de la semaine) et Cheick Omar Ouédraogo (geek et serial entrepreneur, rubrique le coin du geek).

 

Journaliste intrépide et activiste engagée

Un engagement citoyen qui date de la classe de... 6ème ! À l'époque, la petite Amélie sensibilisait déjà ses camarades au VIH/Sida, lors de causeries débats. Aujourd'hui chargé principal de l'engagement de la Banque africaine de développement (BAD) avec la société civile, Luther Yaméogo mène depuis cinq ans des activités citoyennes avec Amélie Gue. Il apprécie la cohérence de sa trajectoire de journaliste intrépide adepte du fact-checking et d'activiste engagée sur le suivi des politiques publiques.

Avec cette double casquette, les formations de CFI reçues lors des projets Faso Médias et Médias 360°, lui sont doublement utiles : Aujourd'hui encore, je me sers de certains outils de suivi citoyen des politiques publiques et de vérification en ligne reçus lors de ces formations.
Journaliste 2.0 réactive, capable de trouver rapidement les bonnes personnes ressources comme le souligne Cyriaque Paré (fondateur de lefaso.net), Amélie est aujourd'hui créatrice et présentatrice de l'émission AmiNet, dédiée aux réseaux sociaux. La saison n°1, diffusée sur la chaîne de TV burkinabè BF1, s'est achevée après 30 numéros, en juin 2020 : Le bilan est positif. Certains internautes sont désormais davantage connus, notamment des citoyens créateurs d'applications pour mieux s'informer ou se soigner du Covid-19. Nous cherchons actuellement des partenaires pour la saison n°2.

 

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amelie gue en reportage
À Abidjan avec Dougoutigui, un Ivoirien qui a aujourd'hui une ferme grâce à une vidéo sur les réseaux sociaux.

 

Dans 10 ans…

Dans 10 ans, Amélie Gue aimerait inspirer d'autres jeunes femmes à se dire que tout est possible, à condition de se faire confiance et d'oser : J'espère que j'aurais d'ici là réussi à faire grandir AmiNet, pourquoi pas au-delà du Burkina. Nous souhaitons aussi aller dans les écoles, discuter avec les élèves pour éviter certains comportements comme le harcèlement sur les réseaux sociaux.

Le journalisme féminin au Burkina, ce n'était pas que des speakerines aux jolis faciès

Cyriaque Paré, 30 ans d'expérience dans les médias, en particulier en ligne (lefaso.net) croit au potentiel d'Amélie et d'AmiNet : Elle a la créativité et la détermination nécessaires pour être sa propre patronne et développer son émission pour en faire une chaîne thématique numérique à part entière !
Luther Yaméogo, qui mène depuis cinq ans des activités citoyennes avec Amélie Gue, y croit aussi : Très informée sur les droits humains, je vois Amélie à la tête d'un média numérique engagé dans le monitoring des politiques publiques en Afrique, mais elle doit se former en management de projets médias.
Devenue entrepreneur, Amélie Gue n'oubliera pas sa déontologie de journaliste : J'éviterai les financements des politiciens pour laisser la possibilité aux citoyens de questionner et de critiquer.